Prologue

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Moi c'est Sam. Et ceci est mon histoire. Une histoire que j'ai décidée de coucher sur le papier pour que d'autres sachent que c'est possible. C'est possible de vivre. C'est possible d'être heureux. C'est possible de rencontrer des personnes uniquement mues par le besoin d'aider et d'aimer peu importe ce que vous êtes ou ressentez.

Qui je suis ? Un provincial qui monte à la capitale. Banal au possible. Intérêt ? Peut-être aucun. Et pourtant, j'ai perdu mon pari et il m'a demandé d'écrire le récit de ma vie. Il m'a demandé de raconter mes déchirures et mes joies. Il m'a accompagné pour coucher sur le papier les pires moments de ma vie. Il m'a lui-même raconté les moments dont je ne me souvenais pas parce que perdu dans le brouillard de la nuit.

Donc, il faut bien que je me présente si vous devez me suivre et me lire au long des petites aventures de ma vie. Aujourd'hui, j'approche l'âge canonique de trente ans. Eh oui, je le vis très mal, merci pour moi. On peut passer à autre chose ? J'ai toutes mes dents et tous mes cheveux figurez-vous. De très beaux cheveux ... Oui bon d'accord, des cheveux normaux. Des cheveux tout ce qu'il y a de plats. Ils sont même du plus normal des bruns. Complètement bruns et pas de cheveux blancs, bande de mauvaises langues. Je vous vois sourire, mais non ce n'est pas autorisé. Donc, je disais des cheveux bruns normaux, pas franchement ondulés comme on pourrait l'imaginer. Et non, désolé, je ne suis pas une gravure de mode. C'est une coupe courte que je porte, une coupe tout à fait banale que vous pourriez retrouver chez tous les gars que vous croiseriez, rien d'intéressant donc même si une de mes amies les plus proches me court sans arrêt après pour les mettre en valeur. Et combien je mesure ? Et bien mon petit mètre soixante-seize. Normal. Classique. Affreusement commun. Et suis-je un athlète ? Désolé, mais non. Il me dit d'ajouter que tout dépend du sport et que dans certains je me défends très bien. Je ne sais pas pourquoi il me fait écrire cela mais ça le fait rire et finalement j'aime le voir rire.

Pour résumer, imaginez plutôt un homme classique ni gros ni fin, ni beau, ni laid, un homme tout ce qu'il y a de commun. Comme il s'agit de mon histoire, il faudrait plutôt que je vous décrive celui que j'étais autour de mes vingt et un ans. J'étais un jeune homme encore candide à l'air trop jeune. J'étais toujours aussi brun avec des cheveux plus longs, avec cette mèche sur le côté gauche qui ne cessait de m'aveugler en tombant. J'avais pris cette habitude de souffler dessus fréquemment et de passer mes mains dedans pour remettre en place cette tignasse récalcitrante. J'avais de bons yeux, pas besoin de lunettes pour ces yeux-là. Ils se contentaient d'être marrons ... Et gris. Oui, les deux en même temps. C'est même indiqué sur ma carte d'identité à la rubrique signe particulier. Je suis vairon comme un husky. Pas facile à vivre, mais je dois avouer que j'ai profité de ce regard plus d'une fois pour mettre mal à l'aise mon auditoire et croyez-moi je continue. Surtout quand je veux obtenir quelque chose de lui, ça marche à tous les coups !

Nous disions donc un physique dans la moyenne. Sur le reste, à cette époque, j'étais un garçon plutôt renfermé à la limite de l'autisme. Je n'avais aucun ami et vivait souvent seul entouré de mes livres. Comme je réussissais bien côté études et bien, on me laissait tranquille. Quand je dis on, je parle de mes parents et de mon frère cadet. Je ne m'intéressais plus à eux et croyez-moi, c'était réciproque. Nous n'avions que peu en commun. Mon père voulait me voir me battre, cogner, boire des bières tout en claquant mes mains sur les cuisses devant un bon match de foot. Raté. Moi j'aimais apprendre, j'aimais les livres, la musique, le parfum et toute la délicatesse d'un souffle de vent sur mon visage. Ma mère, quant à elle, ne voulait qu'une chose : que je ramène sa future belle fille chez elle afin que son rêve de mariage, de petits enfants et de vie parfaite puisse enfin continuer comme il se doit. Mon frère ? Et bien, nous partagions essentiellement nos gènes et c'était déjà beaucoup trop à mon sens. Il correspondait tellement bien à ce qu'on attendait de lui. Le fils parfait qui faisait la fierté de mon père et provoquait l'adoration de ma mère. Le parfait petit hétérosexuel bien sous tout rapport.

Parce que je ne vous l'ai pas encore révélé mais je suis gay, ça vous l'aviez sans doute deviné. À cause de lui peut-être, mais il est la plus belle chose qu'il me soit arrivé dans ma vie. À cette époque, croyez-moi, je n'en étais pas aussi fier. J'avais bien senti que quelque chose n'allait pas. J'avais assez vite compris que les filles ne m'attiraient absolument pas. C'était depuis que la blonde de la classe m'avait sauté dessus au détour d'un couloir pour limite me monter dessus lorsque j'étais au lycée. Cette histoire atroce avait fini chez le proviseur. Miss blondasse avait fini teinte en bleu. Mon stylo plume avait malencontreusement fui pile de ma main sur ses cheveux. Le seul moyen que j'avais trouvé pour me débarrasser de cette sangsue vorace. Mon père avait un peu protesté devant le proviseur, mais était secrètement heureux qu'enfin son fils se fasse grimper dessus par une fille. Quelle traumatisante expérience. Vous voyez le parangon de vertu que j'étais alors.

Ma timidité maladive n'arrangeait rien. Mes livres étaient mes amis et c'était bien assez. J'étais assez doué avec les concepts informatiques ce qui m'avait valu le quolibet de geek de la part de mon hétéro de frangin. Ça m'allait bien. J'étais un geek alors j'avais droit d'être renfermé, c'était l'avis de ma mère contre mon père. La vie continuait. C'était fade. C'était couru d'avance avec ma tombe en perspective. Alors, avant de sauter dedans à pieds joints, j'ai fait quelque chose que je n'aurais jamais pensé faire.

Je suis parti.

C'est à ce moment que commence mon histoire, ma vie.

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