Survivants (3) - Aiwe

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Plus tard, Aiwe ne se souviendrait plus très bien du trajet qui la ramena au village. Elle parvint au seuil de son herboristerie, frissonnante, et n'accorda qu'un regard rapide aux bouquets de fleurs qui avaient été laissés sur le pas de sa porte. À l'intérieur, le feu était mort dans l'âtre. Quelques pressions sur le soufflet suffirent pour raviver les braises. À bout de bras, Aiwe alimenta le foyer. Puis elle s'installa à son établi où elle alluma quelques bougies.

L'herboristerie était une grande bâtisse composée d'un rez-de-chaussée aux murs de pierre et de torchis, surmontée d'un étage en bois rajouté ultérieurement à la construction. La jeune femme accueillait ses clients dans l'atelier et vivait à l'étage. Tout était soigneusement rangé, car chaque jour Aiwe accueillait des étrangers venus d'autres seigneuries, parfois même de régions lointaines. Ils lui rendaient visite pour s'approvisionner en décoctions, baumes et autres produits de son artisanat expert. Dans l'atelier, de nombreux bouquets de fleurs et de plantes étaient suspendus à sécher. Des ustensiles en cuivre étaient accrochés au mur, tout comme de grands paniers pour la cueillette. De hautes armoires en bois contenaient du linge et des fioles soigneusement étiquetées. À côté du feu, trois petites marmites trônaient fièrement. La lumière chaude du feu et des bougies projetait des ombres étonnantes sur les murs, mais aucun danger ne rôdait dans le logis. On n'entendait que les craquements des bûches dans l'âtre.

Sur l'établi, Aiwe dut mettre de côté les couteaux aiguisés et les champignons toxiques. Elle fit tomber par terre avec une fausse négligence une couronne de fleurs qui commençaient à faner. Avant de toucher le bébé, elle se rinça les mains dans une bassine d'eau claire qui sentait le vinaigre. Elle délogea doucement l'enfant de son cocon de tissu pour l'examiner de plus près, sans le réveiller. Il n'était âgé que de quelques mois. Son corps ne portait aucune marque, il semblait en excellente santé. Elle lui écarta délicatement les doigts pour découvrir le bijou qu'il tenait. Il s'agissait d'un morceau d'ambre brut dont certains angles avaient été polis par l'âge. Un petit trou avait été creusé dans le joyau pour y glisser un cordon de cuir.

Pour Aiwe, le pendentif représentait une énigme supplémentaire. L'ambre était précieux, mais pas extrêmement rare sur le littoral. Il ne révélait rien sur l'origine de l'enfant. L'écharpe grise était du même acabit. Le tissu était fin et sans doute coûteux, mais pas non plus d'une richesse extrême. S'agissait-il d'un enfant illégitime né d'une mère fortunée ?Pourquoi cet enfant avait-il été laissé dans les bois ?

Toute à cette pensée, Aiwe sursauta violemment quand des coups retentirent à sa porte. Elle s'empressa d'aller entrouvrir le battant. Une jeune femme frigorifiée tremblotait sur son seuil. Ses longs cheveux châtains avaient été soigneusement coiffés en une unique tresse qu'elle portait sur l'épaule.

— Brunhilde ! s'écria Aiwe. Entre vite.

La visiteuse ne se fit pas prier. Elle portait dans ses bras une grande gerbe de fleurs des champs dont elle ne savait manifestement pas quoi faire. Elle finit par la poser en équilibre sur un tabouret, puis sautilla jusqu'à l'âtre pour y chercher la chaleur.

— Aiwe, je suis désolée, je venais juste déposer des fleurs, et j'ai vu de la lumière...

Brunhilde s'interrompit, venant de remarquer le bébé endormi sur l'établi. Elle ouvrit grand la bouche, la referma, puis la rouvrit en dévisageant son hôtesse. Cette dernière avait suivi son regard et se sentait elle-même dépassée par la situation. Elle haussa les épaules en bafouillant :

— Je l'ai trouvé dans la forêt. Je ne pouvais pas le laisser tout seul là-bas...

Sa visiteuse s'empressa de s'approcher de l'enfant pour l'observer. Puis elle se redressa et jeta un regard inquisiteur vers l'herboriste.

L'Herboriste - Les Thaumaturges IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant