Oracles (1) - Renwyck

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L'eau était froide sur ses mollets, le sable doux et soyeux sous ses pieds. Il attendait patiemment, harpon à la main, qu'un poisson se présentât. À cet endroit de la rivière, entre les rochers, l'eau n'était pas très profonde. Elle lui arrivait à peine aux genoux. Il n'était pourtant pas très grand malgré ses seize ans révolus. Patient, il se tenait immobile dans l'onde claire. Le printemps arrivait à peine. L'eau était froide.

Soudain, il distingua un éclat scintillant sous la surface. Levant son harpon calmement, il s'apprêta à frapper...

— Renwyck !

Laissant filer sa proie, Renwyck releva la tête pour scruter le chemin qui venait du village. Au loin, il aperçut une fillette qui accourait en lui faisant de grands signes. Il la reconnut malgré la distance, il s'agissait de la plus jeune fille de Brunhilde, une amie de sa mère, son ancienne nourrice. On avait besoin de lui. Il sortit aussitôt de la rivière et sans prendre le temps de se sécher, il enfila ses chausses et ses bottes qu'il avait laissées au sec sur la berge. Il n'avait pas fini de se rhabiller que la fillette l'avait rejoint.

Elle avait visiblement couru tout le long du chemin. Son visage enfantin avait pris la teinte vive du coquelicot et de petites gouttes de sueur perlaient en rosée sur son front.

— Renwyck, haleta-t-elle, Aiwe a besoin de toi.

Il sentit aussitôt son cœur se serrer. Était-il arrivé quelque chose à sa mère ?

— Qu'y a-t-il Alla ? l'interrogea-t-il avec calme, ne laissant rien transparaître de son trouble.

— C'est mon père, ça ne va pas mieux.

Renwyck fut soulagé d'apprendre que rien de grave n'était arrivé à sa mère mais en ressentit presque aussitôt de la culpabilité mêlée de pitié pour la fillette. Godric, le mari de Brunhilde, s'était blessé aux champs quelques jours plus tôt. Il s'était entaillé le pied avec le soc d'une charrue et depuis, la blessure peinait à cicatriser.

— Dans ce cas, rentrons tout de suite.

Renwyck ramassa son harpon et le panier d'osier qui contenait sa cueillette du jour — bourgeons de sapin au vert tendre, ails des ours odorant, pissenlits et plantains lancéolés — puis ils partirent d'un pas vif en direction du village.

*

Lorsqu'il arriva chez lui, Renwyck trouva sa mère dans la grande pièce de travail qui occupait presque tout le rez-de-chaussée de l'herboristerie. Elle portait ses vêtements habituels, un tablier ocre par-dessus une robe simple, et ses longs cheveux auburn avaient été tirés en un chignon hâtif. Il nota qu'elle était en train de disposer dans un panier des plantes séchées et d'autres ingrédients dont ils pourraient avoir besoin pour s'occuper du blessé. Ce n'était pas une tâche aisée. Ils sortaient tout juste de l'hiver et leurs stocks étaient au plus bas.

Renwyck déposa le fruit de sa cueillette matinale sur un plan de travail, puis il rejoignit sa mère.

— Ah, Renwyck, tu tombes à point ! Regarde dans la réserve s'il reste de l'écorce de saule blanc. Nous n'en avons plus ici. Il ne me manque plus que ça et nous pourrons partir chez Brunhilde.

— J'ai envoyé Alla prévenir chez elle que nous arrivions, lui dit-il en allant chercher ce qu'elle lui avait demandé.

— Tu as bien fait. Alors, cette écorce de saule ?

Il lui en rapporta puis il saisit le panier et tous deux prirent le chemin de Rivebois.

L'herboristerie se trouvait à l'écart du village, non loin de la forêt, sur le chemin du moulin. Elle avait été construite à cet endroit par les grands-parents d'Aiwe pour pouvoir aménager derrière la bâtisse un grand potager, mais aussi pour se tenir à l'écart des curieux. En marchant d'un bon pas, il ne leur fallut pas plus de dix minutes pour gagner les premières maisons du village.

L'Herboriste - Les Thaumaturges IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant