Oracles (7) - Niédar

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Quand Niédar se réveilla, des voix s'animaient à l'extérieur. Il s'était mis à pleuvoir et les gouttes tambourinaient sur le toit de la cahute de la chamane. Une agréable odeur de végétation emplissait la clairière. Niédar se leva, engourdi mais sans douleur. Son flanc le tiraillait, mais ce n'était rien que quelques jours de repos ne pourraient arranger. Au-dehors, le jour s'achevait lentement. Combien de temps avait-il dormi ? Les flambeaux déjà allumés sur le pas de la porte émettaient de petits chuintements de protestation quand la pluie fine les atteignait.

La maison n'était pas très grande. Avec la couche, les meubles y étaient rares : une table, une assise recouverte de peaux de bête et un petit bureau disparaissant sous les rouleaux de parchemin défaits. Un trou avait été creusé au centre de la pièce pour y accueillir un foyer de fortune. Des peaux collées aux ouvrants des fenêtres sans vitre servaient de rideaux. Niédar trouva un pot de chambre pour se soulager. Une vasque pleine d'eau claire à côté du foyer rougeoyant lui permit de se rafraîchir. On avait laissé dans une corbeille des fruits et des galettes. Affamé, il les engloutit sans se soucier de savoir s'ils lui étaient destinés.

Tout comme ses armes, son sac était posé près de la couche de paille. Il s'en empara, vérifiant par acquis de conscience que rien n'y manquait ; il n'avait pas été fouillé. Il se débarrassa de ses rations de voyage gâtées et plongea la main dans une poche cachée dans la doublure du cuir. Il en sortit l'artéfact qui l'avait conduit jusque-là.

C'était un objet de facture complexe, à la forme d'un disque. Il tenait tout juste dans sa main. Sur le pourtour se trouvaient trois rangées de pièces d'ivoire serties de cuivre poli par le temps. Des symboles à moitié effacés y étaient gravés, figurant les constellations. Jadis, l'ensemble avait dû se mouvoir, mais le temps avait grippé le mécanisme. L'intérêt principal de l'objet se trouvait en son centre, une étrange surface miroitante parcourue d'ondes calmes. Parfois, Niédar avait le sentiment d'observer un océan d'argent à travers une vitre. Parfois, l'océan s'agitait et il se produisait quelque chose.

Il quitta momentanément son inventaire pour examiner à nouveau son environnement. Les Aranéens l'avaient accueilli sans précautions évidentes. Étaient-ils naïfs ou simples d'esprit ? On l'avait soigné, on lui laissait armes et effets et il ne semblait y avoir personne de posté pour garder un œil sur lui. Le chef l'avait prévenu qu'il ne serait pas le bienvenu dans les terres, pourtant on l'accueillait ici comme un voyageur ordinaire.

Son voyage n'avait rien d'ordinaire. Il venait trouver en Nouvelle-Aranée le moyen de se venger du Brise-Lame, celui qui les avait trahis, lui et tous les Grachéens. Celui qui l'avait condamné à cette vie de renégat, à une souffrance qui lui dévorait la chair.

Niédar pressa au hasard l'une des touches de l'instrument qu'il serrait entre ses mains. La surface miroitante s'agita. Un message cryptique fit son apparition. Ce message n'avait pas changé depuis qu'il avait acquis l'objet.

L'arme pour défaire le dragon se trouve dans la dernière tombe.

L'averse s'était arrêtée. Les voix à l'extérieur gagnaient en volume. Niédar ne comprenait pas la discussion en cours, mais il redoutait d'en être l'objet. Il rangea l'artéfact dans sa tunique, rajusta ses vêtements et sortit par la porte entrouverte. Plus tôt, harassé de fatigue, il n'avait pas pu observer le village. Au-delà de la porte par laquelle il était arrivé, la communauté de Zannen s'étalait sur plusieurs clairières. Par endroits, on avait aménagé des potagers. La place centrale avait été débroussaillée et la terre retournée. La plupart des maisons étaient en bois, avec des éléments de pierre. Surtout, c'était étrange, elles étaient construites à même le sol, comme chez les Humains. Curiosité locale, personne ne semblait fermer les portes.

L'Herboriste - Les Thaumaturges IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant