Londres est belle sous la pluie. Les parapluies sortis forment un bouclier protecteur contre le ciel acharné à vouloir nous toucher. Certains osent des couleurs pâles, d'autres préfèrent rester sobres. Mais vu du dessus, ce spectacle est sensiblement impressionnant. Une osmose se crée entre les couleurs et le noir élégant des parapluies cachant leurs propriétaires. Moi, j'aime tenter de deviner leur personnalité. Qui se cache sous ce parapluie rose bonbon ? À qui appartiennent ces chaussures d'un ton maussade ? J'apprécie les paradoxes à leur juste valeur et je préfère imaginer que sous ce rose se trouve une personne qui sourit pour cacher ses peines, et que le porteur de ces horribles chaussures est plutôt du genre à rester aussi impassible qu'une pierre alors que son esprit d'enfant rieur ne demande qu'à se dévoiler au grand jour.
Londres est bien jolie sous la pluie. Les nuages paraissent si énormes et lourds qu'ils nous donnent l'impression de vouloir nous abattre tour à tour. Comme une menace, ils règnent aussi longtemps qu'ils le peuvent. Ils sont bien trop jaloux du soleil pour avoir envie de le laisser faire son travail. Briller ? C'est tellement démodé ! Les gens aiment quand il ne fait ni trop chaud, ni trop froid. Quoi de mieux qu'un ciel nuageux pour leur éviter de plisser les yeux sous la lumière aveuglante de monsieur le Soleil ? Et si les nuages sont trop lourds, un peu de pluie rafraîchit l'atmosphère en un rien de temps. Ils ne sont pas sadiques, au fond. Ils sont seulement tels des artistes incompris : cherchant à faire passer un message d'une manière désespérée, ils adoptent alors une attitude désinvolte dans l'unique but de se défendre.
J'aime Londres quand elle se trouve dans cet état. On imagine facilement que les habitants ont tendance à mettre leur humeur au goût du jour : le ciel semble mélancolique, pourquoi leur humeur ne le serait-elle pas ? Tout simplement parce qu'ils aiment ce temps. Pour eux, c'est un beau jour de printemps où il fait bon. Leur âme d'enfant est tentée de sauter dans les flaques au creux de la route et leur esprit ne fait que sourire à cette pensée. Ils ne peuvent pas succomber à leurs envies : bien que leur visage soit camouflé par leur couverture de plastique, ils savent que d'indiscrets regards n'échapperont pas à leurs fantaisies.
Mais je l'aime aussi quand elle sourit. Il n'y a rien de plus beau que de la voir inondée de lumière. Lorsque les nuages, enfin fatigués, ont laissé place au soleil, ce dernier semble bien heureux de nous montrer à quel point il est bon de baigner dans sa chaleur. Il est si content d'être de retour qu'il nous taquine en créant des reflets sur les fenêtres des immeubles. Gare à celui qui se trouve dans sa ligne de mire ! Il pourrait s'amuser à lui brûler la peau juste pour lui rappeler son existence, comme s'il criait "Je suis de retour ! Je suis enfin de retour, regardez-moi, regardez comme je suis beau, comme je brille fort ! Comme ma chaleur est intense !".
J'aime son soleil, j'aime sa pluie, mais par-dessus tout, j'aime Londres telle qu'elle est, avec ses horreurs et ses secrets, peuplée de ces habitants qui l'aiment tout autant que moi et la détestent en même temps. L'aimer par habitude, la détester pour exactement la même raison. Les gens adorent leur ville mais rêvent toujours de partir ailleurs. Mais s'en aller trop longtemps leur donne toujours le mal du pays et ils finissent toujours par se dire que la maison, c'est pas si mal, finalement. Tout le monde est pareil, de toute façon.
Moi aussi, j'ai eu ma période où j'avais envie de découvrir le monde, de le parcourir de fond en comble parce que je m'ennuyais. Mais pauvre homme que je suis, je n'ai jamais eu les moyens de sortir de l'Angleterre. J'ai pourtant travaillé dur toute ma vie afin de vivre correctement, afin de ne pas être obligé de me serrer la ceinture. Mais vivre correctement ne signifie pas pouvoir faire ce que l'on veut sans se priver. Parfois, je songe encore à ces rêves de voyage puis je regarde la pluie s'abattre sur les murs de la capitale. Londres est si belle sous la pluie, et je ne regrette rien.
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À tout jamais
FantasyMadeline aime Lester. Lester aime Londres. Mais il aime davantage Madeline. Si bien qu'il ne peut s'empêcher de ne faire qu'un avec elle. Mais l'aime-t-elle assez pour l'accepter ? L'aime-t-elle assez pour le laisser la posséder ?