Chapitre I.

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PAUL

Les cours viennent de reprendre. Encore la même classe que l'année dernière, les mêmes groupes d'amis, les mêmes professeurs... Je ne peux pas dire que j'affectionne particulièrement les gens qui composent cette classe pour ma dernière année de lycée, mais après tout on est là pour bosser, plus qu'un an et tout sera terminé.
Madame Cavaghliani, la prof d'italien me lance un regard assassin lorsqu'elle voit que je suis en train de bosser mes cours de Français et que je n'écoute pas son cours. Je ne sais pas vraiment pourquoi j'ai pris cette option et je passe la majorité des cours à faire autre chose, j'arrive néanmoins à avoir de très bonnes notes ce qui fait enrager mes meilleurs amis.
Esther est en retard, encore, alors je me sens un peu seul. A vrai dire, je me sens souvent seul. Esther c'est ma seule véritable amie, elle est mon point d'ancrage dans cet univers que je déteste et qui m'angoisse beaucoup trop pour que ce soit supportable.
La pause du midi arrive très vite, et c'est là qu'Esther débarque comme une fleur d'hibiscus arrivant de nul part. Je me demande comment elle a pu me repérer si vite, elle a un don qui détecte ma présence je ne vois rien d'autre possible.

– Saluuut sale moche !
– Bonjour à toi aussi Esther. Ton retard c'est dû à quoi cette fois ? 

Elle baisse les yeux, honteuse, regardant ses converses noires toutes abîmées avec le mot étoile que j'ai écris en troisième au marqueur, parce que je savais que c'était son mot préféré. Elle n'a jamais voulu en changer alors que les mêmes baskets neuves l'attendent dans son dressing.

– Un pigeon m'a fait caca dessus. J'ai dû aller me laver les cheveux, me changer, et ça a déjà pris deux heures.
– Ooooh Esther !

Je me mets à rire sans pouvoir m'arrêter et la sert contre moi. Elle se vexe mais ne le montre pas et continue à parler. Elle est inarrêtable de toute façon.

– Je fais une soirée chez moi Samedi pour fêter le début des cours. Tu viendras ?
– Sûrement je ne sais pas
– Tu dis ça à chaque fois et tu viens
– Mhm

Évidemment que je viendrai. Mais comment serait ma vie si un mec aussi banal que moi n'entretenait pas le mystère ?

– Au fait avec l'amour de ta vie ça avance? Tu trouves?

Elle est comme cela Esther, elle passe d'un sujet à un autre n'ayant aucun fil conducteur. C'est parfois difficile à suivre mais on s'habitue avec le temps. La question qu'elle me pose est la même chaque Mercredi depuis la sixième. Tout ça parce que je n'ai jamais été amoureux, que les filles avec qui je sortais ne me supportaient qu'une semaine, un mois pour la plus courageuse. Et qu'elles partaient, pour un surfeur, un basketteur, un footballeur, mais jamais pour moi, Paul, le gars qui faisait de l'aviron et qui aimait bien lire Apollinaire. J'ai toujours cru corps et âme à l'amour, ça fait de moi un sentimental j'imagine. Mais j'assume complètement, pour moi la vie est bien plus belle lorsqu'elle est rythmée par la mélodie de deux cœurs qui s'accordent ensemble.

Nous déjeunons avec Valentin, notre meilleur ami à tous les deux, un trio indestructible, depuis la sixième. Je connaissais déjà Esther depuis la maternelle, nous ne nous sommes jamais séparés depuis. La purée immonde du self ne quitte pas mon assiette, la viande qui l'accompagne ne me satisfait pas non plus. Difficile de nature je ne mange pas gros chose, il n'est pas rare que je saute les repas du midi ne pouvant ingurgiter ces repas peu ragoûtants qu'ils nous servent. Le pain sera encore mon acolyte pour ce repas là. Rien de nouveau. La routine. C'est triste d'être enfermé dans une routine à à peine dix-huit ans.

– Vous avez vu Léonard a encore gagné sa compet' de natation ce weekend !
– Esther arrête de baver sur lui parce que Léonard ça rime avec connard ! Je marmonne. Esther ne se démonte pas et continue à faire l'éloge du grand Léo, la star du lycée.

Même Paul et Léonard rêvent d'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant