Partie 1 - Chapitre 14.B

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- Il me faisait l'amour comme un acteur porno, continua-t-elle.

Elle me racontait tout ça sans moqueries, sans haine ni vengeance mais avec un ton neutre. Comme si elle racontait l'histoire de quelqu'un d'autre. Elle racontait l'environnement malsain dans lequel il avait fait évoluer leur couple.

- Je suis même pas sure qu'il n'était pas puceau avant moi. Il faisait durer ça des heures même si ça me faisait mal, il poussait des gémissements. C'était ridicule. Je n'ai jamais pris mon pied mais je l'aimais tellement que ça m'allait. Et il n'arrêtait pas de me dire combien il me trouvait belle.

« Un autre soir, je suis rentré tard de la fac : un cours qui s'éternise, un projet de groupe etc. Forcément je n'avais pas pu répondre à ses dizaines de messages. Il était furieux, il disait que j'avais sûrement sucé le mec avec qui je faisais ce projet parce que c'était tout ce que je savais faire.

« J'étais hors de moi, je l'ai insulté aussi et il m'a attrapé par les cheveux. Il tirait, il me faisait tellement mal... il m'a cogné contre la porte et il est sorti. J'étais au bord du gouffre alors je me suis coupé les cheveux pour que plus jamais il ne puisse recommencer. Et j'ai décidé qu'à chaque fois qu'il me frappait je prendrai une photo de lui après pour me souvenir du nombre et du jour. J'en ai des dizaines maintenant. "

- Mais pourquoi tu ne le quittes pas ?

Je ne pus m'empêcher de poser la question. La fameuse question qui semble si simple en sortant de ma bouche de privilégiée.

Je ne comprenais rien. Mais je ne voulais ni la juger ni la brusquer, mais la question était sortie toute seule.

- On est mariés. Ça va faire un an dans quelques mois.

- Je ne répondis pas.

- C'est pour ça que j'étais stressée quand il m'a appelée "my wife" la dernière fois qu'on s'est appelées.

Elle ne voulait pas que je sache. Donc elle avait honte.

- Pourquoi vous êtes-vous mariés ?

- Parce qu'on s'aime ! Répondit-elle instantanément. Parce qu'après l'incident de la soirée il s'en est terriblement voulu, il s'est excusé, il pleurait. Et chez lui il faut se marier avant d'emménager ensemble. Ses frères, là-bas, sont mariés aussi, ses sœurs sont trop jeunes. Enfin bon, nous nous sommes mariés à la mairie avec sa famille.

- Tes parents n'étaient pas présents ? Ton frère ?

Elle me regarda un instant et se mordilla la lèvre. Ses poings étaient serrés.

- Ils ne sont pas au courant. Ils ne savent rien.

- Attends... Tu t'es mariée sans le dire à ta famille ?

Elle hocha la tête en signe d'acquiescement. Je ne comprenais pas. Je connaissais ses parents, ils étaient adorables. Gentils, drôles, compréhensifs et ouverts. Elle était tellement proche d'eux et son frère, je ne comprenais même pas comment elle avait pu en arriver à ce niveau-là. Il l'avait coupée de ses amies, de sa famille, de toutes les personnes qui l'aimaient et la rendaient heureuse.

- Tu te rends bien compte qu'il y a un problème... dis-je d'une voix douce.

- Oui. C'est pour ça qu'ils ne doivent rien savoir.

- Mais ils pourraient t'aider ! Je n'ose même pas imaginer l'état de ta maman ou de ton père s'ils savaient tout cela.

- Tu ne comprends pas... Ma mère l'adore. Ils s'appellent, se voient, c'est la raison pour laquelle elle est sereine que je sois partie de la maison.

- Quand elle saura ça elle se détestera encore plus de l'avoir apprécié. C'est ta maman Émilie !

- Mais elle n'a rien vu ! Ni mon frère, ni mon père. Ils n'ont rien vu. Ça fait un moment que je ne suis plus heureuse, mais on dirait que le fait que je fasse semblant leur suffit.

Je reçu ce petit coup de couteau dans le ventre. Je n'avais rien vu. Le seul qui avait vu c'était Teddy. Il avait vu la tristesse dans son regard, son besoin de boire, d'oublier, de sortir, de se sentir vivante. Je n'avais rien vu.

- Ils t'aiment, ils te font confiance. Ils ne peuvent pas imaginer un dixième de ce qui t'arrive parce que ça les tuerait. Et en même temps ils ont assez confiance en votre relation pour croire que tu leur dirais si ça n'allait pas. Tu sais que tu peux tout leur dire. Tu ne les décevras jamais, ils t'aimeront toujours.

- Je ne sais pas...

- Il y a autre chose ?

- Il me doit de l'argent mais il en doit aussi à mes parents. Ils lui ont offert un scooter pour un petit boulot. Quand je ne veux pas lui en donner il leur en demande en pleurnichant.

Je soufflai, submergée pour toutes les informations que je traitais d'un seul coup. J'étais la seule à qui elle en avait parlé et je devais affronter cette responsabilité. Je ne pouvais pas la laisser dans cette situation.

- Enfin bon, c'est mon mari, il n'a nulle part où aller. Son titre de séjour dépend de notre mariage. Ce n'est pas si facile, conclu-t-elle.

- Mais on s'en fout de son titre de séjour ! Qu'il parte le plus loin possible de toi !

- Il n'est pas mauvais.

Je me tus. Je voyais bien que ce n'était pas ainsi que je lui ferai ouvrir les yeux. Elle s'était salement embourbée dans cette histoire, et tout n'était pas si simple qu'il y paraissait.

L'eau coulait toujours. Elle tenait la poire de douche contre son épaule, les jambes ramenées contre elle. L'eau de la douche cachait ses larmes et son maquillage avait coulé en une trainée noire.

- Je vais te laisser prendre ta douche, et mettre ton pyjama. On se retrouve dans la chambre, je serai juste à côté.

- Ne dis rien à ma mère !

Elle cria presque.

Je me retournais, sourcils froncés.

- Bien sûr que non. Mais il faudra le faire à un moment.

Laisse tomber j'ai plus malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant