Je me présente, je suis le majordome de la famille Kurtner et je vais vous raconter la désastreuse histoire de celle-ci. C'était en 1923, à Manchester, la famille Kurtner était, à cette époque, la plus riche de la région. Le père, James Kurtner était le plus grand fabricant de dirigeable du monde. Il était de ces hommes au regard froid, mais qui cache une grande bonté. C'était un gentilhomme trapu, vieillit par l'âge, il avait 43 ans. L'une des choses qu'il préférait n'était point ordinaire : il adorait tester lui même les dirigeables qu'il construisait. Sa femme Kate, était plutôt réservée, mais dès qu'elle en avait l'occasion parlait aux gens. Sa passion était la couture. Leur fils unique, Emile était grand et très cultivé pour ses 17 ans. Peu importe ce qu'il faisait, il réussissait, et ne s'intéressait guère à l'amour, au grand désespoir de ses parents. il préférait se plonger dans les poèmes de Marshall MacLuhan, ou bien dans les romans de Victor Hugo, un écrivain qui avait changé sa façon de voir les choses.
***
Maintenant que vous connaissez cette famille, je vais vous raconter comment tout a commencé :
Un après-midi pluvieux d'automne, où le vent faisait frémir les arbres, hurler les fenêtres, je me rendis dans la bibliothèque où Madame Kurtner et son fils Émile avaient l'habitude de passer le temps. Madame tricotait tandis qu'Emile dévorait « les misérables » de Victor Hugo. Je donnais à Mme une lettre que j'avais reçu peu après le dîner. Elle l'ouvrit et fut prise d'un profond malaise et faillit s'évanouir. Cette lettre venait du bureau dont Monsieur était le directeur :
"Madame, je suis au regret de vous annoncer que votre mari, Monsieur James Kurtner est probablement mort lors du test d'un nouveau dirigeable. En survolant les Pays-Bas, une tempête a éclaté. Le dirigeable, s'éloignant de la tempête, a été foudroyé par un éclair et s'est écrasé, totalement hors de contrôle.
Je vous adresse mes plus sincères condoléances à vous et votre fils en ce jour funeste."
Un arbre tomba, une fenêtre se brisa dans un vacarme épouvantable mais elle n'y prêta pas attention. En effet, cette nouvelle l'avait profondément troublée. Elle n'en dit mot à son fils, qui se demandait ce qu'il y avait dans cette lettre pour qu'elle ne réagisse pas à ce vacarme assourdissant, au point qu'elle ne sortit de sa chambre que pour le dîner et le souper. Aussi, elle inventa un mensonge comme quoi son mari ne reviendrait pas tout de suite, à cause de rendez-vous très importants.
Un soir, alors que le souper était servi, Madame tardait à venir. Je montais avec Émile, pour venir la chercher. Qu'elle ne fut notre stupeur, lorsque nous trouvâmes la chambre vide, avec la fenêtre ouverte. Nous nous penchâmes d'un même geste, et nous vîmes Mme, empalée dans un roncier. Elle avait mis fin à ses jours. Émile, secoué, retourna dans la chambre où il trouva une lettre où sa mère lui expliquait tout : ce qui était réellement arrivé à son père, pourquoi elle ne sortait plus de sa chambre, et enfin pourquoi elle avait mis fin à ses jours.
***
Plusieurs jours après l'enterrement de Madame, Émile comprit qu'il devait hériter de l'incommensurable fortune de ses parents. Malheureusement, il ne voulait pas de cet argent et ne voulait pas croire à la mort de son père. L'affaire s'étant ébruitée, l'unique survivante présumée sortit de l'ombre : elle expliqua à la presse comment s'était produit l'accident, comment elle en avait réchappé, ainsi que l'endroit où se trouvait certainement le dirigeable. Malheureusement, elle ne put dire mot quand au nombre de survivants. La presse se rendit alors sur le lieu présumé de l'accident, mais ne trouva rien : pas d'arbres calcinés, pas de dirigeable, pas de corps. Émile, qui suivait les journaux d'un œil attentif, resta bouche bée suite à ces nouvelles informations.
YOU ARE READING
La désastreuse aventure de la famille Kurtner
Short StorySuite à la mort probable de James Kurtner lors d'un test de dirigeable ,son fils Émile décide de le rechercher dans toute l'Europe. Mais le dirigeable est-il vraiment dans ce monde?Que cache l'unique survivante venue de nulle part? Il faut surtout r...