Par Coeur

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6h25.

Encore et toujours en retard. Je bois mon thé d'un coup, je prends les premières chaussures que j'aperçois et je fonce en bas de mon immeuble. Pas le temps d'attendre que l'ascenseur arrive, de toute façon il est sûrement de nouveau en panne. J'arrive enfin à la porte d'entrée. Mes doigts sont prêts à taper mon code quand j'entends une porte s'ouvrir derrière moi.

-Encore en retard ?

-On ne change pas les mauvaises habitudes, Madame Garçia.

-Tu devrais mettre ton réveil plus tôt.

-Vous me le répétez tous les matins, Madame Garçia.

-Et tu ne le fais jamais.

Je l'entends souffler et avant qu'elle ne continue à me faire la morale, je m'empresse de faire mon code et de sortir de là.

Ne vous y trompez pas, je l'aime bien Madame Garçia. Avec ses longs cheveux bruns frisés, sa masse corporelle assez imposante et ses yeux toujours surmaquillés. Mais quand elle commence à parler on ne l'arrête plus.

Je regarde ma montre. Il me reste 3 minutes avant que mon bus ne passe. L'arrêt est au bout du lotissement. Ça peut se faire. J'accroche bien mon sac et je me mets à courir.

Bâtiment C. Bâtiment B. Bâtiment A... je vois l'arrêt. Et mon bus aussi. J'entame un sprint.

-Tu sais qu'il va falloir que tu t'achètes une montre un de ces quatre ?

-Bonjour à vous aussi, Dominique.

Je bipe ma carte de bus. Il me regarde d'un œil très attentif tout en faisant tourner son buste massif vers moi. Je me suis d'ailleurs toujours demandée comment il pouvait rentrer dans sa "cage" de conducteur, lui et ses gros muscles.

-J'aimerais bien savoir ce qui te fait toujours arriver pile à l'heure, toi.

-Aucune idée. Je ne suis peut-être pas née pour avoir de l'avance.

-Tu devrais faire quand même attention, un jour ça ne sera peut-être plus moi qui ferai cet horaire.

Je me dirige vers ma place favorite qui est, en passant, de loin la meilleure. Vers le milieu du bus mais pas trop, pas trop voyante, pas trop cachée. En étant assise de trois quarts je peux, en plus d'écouter, voir chaque personne autour de moi.

Dominique démarre. Je jette un œil aux alentours. C'est bon, il y a l'air d'avoir tout le monde. Je me dépêche de m'asseoir et de mettre mes écouteurs avec ma playlist matinale habituelle. Le son à peine audible, de manière que cela reste un bruit de fond et que je puisse entendre tout ce qui se passe dans le bus. D'ailleurs, faisons l'appel :

Le vieux monsieur sénile qui ronchonne tout le temps dans sa moustache entièrement grise ; le couple qui se dispute tous les matins ; le "rebeu" avec sa musique tellement forte dans ses écouteurs que l'on dirait presque qu'il n'en porte pas ; et le monsieur toujours bien habillé avec son style londonien. Un long manteau noir et une écharpe grise soigneusement nouée autour du cou. J'hésite toujours : un docteur ou un libraire ? Chaque fois que je le vois il tient un livre plus gros que ma tête dans ses mains. Et apparemment, il a fini celui d'hier.

Le paysage commence à défiler. Ma grande demeure s'éloigne petit à petit. Ce n'est pas le paradis, mais je ne la déteste pas. Et c'est dans mes moyens d'étudiante. En plus je ne suis pas dans Toulouse même. J'ai donc un peu de verdure et moins de grands bâtiments. En y repensant, j'ai toujours pensé que si les hommes construisaient des buildings toujours plus grands, ce n'était pas pour leurs grandeurs mais pour que la chute soit plus longue. J'avais écrit cette phrase sur une feuille de cours. Je pense que c'est à cause d'elle que ma voisine de classe me regarde bizarrement à présent.

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⏰ Last updated: Jun 08, 2019 ⏰

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