C'est une nouvelle routine qui s'installe. J'attends toujours avec impatience mes soirées passées chez les Mekki. Shadan me fait un plat sans épice qu'elle laisse sur le côté et je me régale à chaque fois. Les filles de moquent ouvertement de moi et je ris avec elle. Parfois j'essaye leurs plats mais je manque toujours de me transformer en dragon.
Je prends le petit déjeuner chez moi, ma mère est installée face à moi et boit tranquillement son café. C'est décidé, il faut que je lui parle. Le temps de trajet jusqu'à l'université puis jusqu'à l'autre bout de New-York commence sérieusement à m'épuiser. J'ai répété ma tirade hier soir dans ma chambre, devant le miroir, sous la couette et encore ce matin sous la douche. Je sais parfaitement ce que je dois lui dire mais les mots ne sortent pas. L'angoisse me noue le ventre et ne me lâche pas. Je n'arrive pas à déglutir le bout de pain qui je mâchonne depuis deux minutes. J'avale une gorgée de jus d'orange puis soupire.
Alors je déjoue mes plans. Je finis mon déjeuner, saute de mon tabouret puis attrape mon sac et ma valisette. Je la regarde une fois encore et alors qu'elle s'apprête à me saluer je lâche la bombe.
- J'ai rempli un dossier pour un appartement sur le campus.
Son visage passe par toutes les émotions en débutant par l'incrédulité. Elle m'observe avec des yeux ronds et son visage finit par se déformer. Ses sourcils se froncent et ses lèvres se pincent. Elle agite la main dans les airs à la recherche de quelque chose à dire mais je vois bien vite qu'elle est proche de la décomposition. Pas de larmes, pas de larmes s'il vous plait.
Elle ne se met pas à pleurer – heureusement -. Elle se recompose doucement puis inspire profondément.
- Pourquoi ? demande-t-elle finalement.
J'ai la gorge sèche et les lèvres qui tiraillent. J'ai besoin d'eau, je ne vais jamais réussir à prononcer le moindre mot. Je tremble dans mes chaussures.
J'arrive tout de même à énoncer mes arguments, à lui parler du métro et du bus, de la fatigue qui s'accumule, de mon âge et de ma bourse scolaire. Je lui dis que je l'aime mais que j'ai aussi besoin d'apprendre à vivre par moi-même.
- Tu as déjà rendu le dossier, je suppose ?
J'acquiesce et elle pince les lèvres. Elle ne dit rien pendant plusieurs minutes qui me paraissent une éternité puis finalement elle se lève, fait le tour de l'ilot de cuisine puis m'embrasse sur le front.
- Ça me fait de la peine, c'est sûr, mais je comprends ta décision. J'étais comme toi quand j'étais plus jeune.
Sur ces dernières paroles, elle s'enfuit à l'étage et je pars pour l'université.
Je suis surprise par sa réaction et ses paroles mais suis ravie qu'elle me soutienne un tant soit peu dans cette décision. Je m'imagine déjà faire mes cartons et vivre ma vie d'adulte dans un petit appartement sur le campus. Ce ne sera sûrement pas très grand mais je suis certaine que ce sera appréciable. Au revoir réveils matinaux et métro. Je suis sur un petit nuage.
Hannah est sur excitée par la nouvelle et s'imagine déjà faire la fête dans mon petit chez moi. Je lui dis directement que c'est hors de question et que je souhaite garder mon appartement comme un havre de paix et non comme un endroit pour se déchainer.
Il pleut des cordes aujourd'hui et j'ai mis du mascara. Je n'ai pas choisi la bonne journée pour un essaie maquillage. Zayd et moi parlons de plus en plus. Parfois les sujets ne sont pas profonds mais on rigole tous les deux et ça nous fait du bien. Il reste très courtois mais aussi très distant. Il ne se rapproche pas de moi, n'a jamais une parole déplacée. Le petit matin je le trouve toujours allongé sur les épais coussins du salon parce qu'il laisse son lit à sa mère lorsqu'elle rentre du travail. Je suis toujours autant éblouie par son charisme et sa beauté mais je ne dis rien. Je glousse un peu trop souvent en sa compagnie et j'ai le cœur qui bat la chamade. Je suis jeune, j'ai dix-huit ans et je pense qu'il est mon vrai premier béguin. Il y a eu plusieurs garçons avant ça, des garçons qui m'ont fait sourire, que j'ai cru aimer mais avec qui ça s'est vite terminé. Des bisous et des caresses échangées, mais jamais plus. J'étais jeune pour ce genre de choses, et je le suis toujours assez pour continuer d'apprendre.
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Pas d'arabe à la maison.
RomantikÉlevée par une famille aisée dans la banlieue New-yorkaise Alice n'a jamais réellement réalisé les conditions dans lesquelles certaines personnes pouvaient vivre. Alice n'a jamais côtoyé des personnes à la culture différente. Ses parents, choqués pa...