N'entrez pas, c'est une boucherie ...

Prologue

    L'automne était déjà là, colorant Central Park de couleurs chaudes et rassurantes. Mais le temps ne semblait pas s'en être encore aperçu, et la chaleur était étouffante dans la rame de métro qui ramenait Clément chez lui après une longue et exténuante journée de travail.

Depuis dix ans qu'il exerçait le métier de programmeur pour une grande entreprise de sécurité informatique, jamais le travail ne lui avait semblé aussi éreintant. Les cernes prononcées qui soulignaient ses yeux en était le témoin, même si rien d'autre ne le trahissait. Clément n'était pas homme à se laisser aller. Il avait pour habitude de se tenir toujours droit, et de soigner son apparence. Sans être coquet, il ne s'était jamais autoriser à sortir sans être rasé de près et présentable.  Ses cheveux bruns étaient en ordre, et son costume impeccable malgré cette longue journée.

Clément songeât qu'il lui faudrait sans doute quelques mois pour se faire à son nouveau pays et à son nouvel emploi. Heureusement il n'était pas venu seul pour s'installer dans La Ville Qui Ne Dort Jamais, autrement il serait sûrement devenu fou. À la pensée d'Emma, son cœur se gonflât de bonheur et le fardeaux qui lui semblait peser des tonnes sur ses épaules l'instant d'avant avait presque disparu. Le wagon émergea à la surface et alors que les derniers rayons du soleil s'engouffraient dans la rame, Clément eu la sensation qu'il pouvait respirer de nouveau. Oui, tout allait bien. C'était un peu dur de se faire à toutes ces nouvelles réalités qui l'entouraient, mais il allait vite les appréhender et leur vie allait prendre une tournure qu'ils n'avaient jamais espéré.

    La décision de le suivre n'avait pas été facile à prendre pour Emma, ça lui avait coûté tous ceux qu'elle aimait, ses habitudes et surtout son travail. Mais, après des semaines d'angoisses et d'hésitations au sujet d'un éventuel refus et de ce qu'il aurait pût entraîner, elle avait accepté sans même y réfléchir dès qu'il lui en avait parlé. Le sourire doux qui se peignit sur ses traits alors qu'il restait plongé dans ses pensées attira quelques regards curieux qu'il ne remarqua pas le moins du monde. La fatigue qui se lisait sur ses traits lorsqu'il était monté dans la rame était devenue presque imperceptible. Emma...  Sans aucun doute, elle était la femme de sa vie. Elle, si attachée à sa famille et à l'école où elle enseignait depuis des années, qui avait accepté de le suivre sans ciller alors qu'il allait traverser l'océan pour un poste qui s'annonçait déjà plus chronophage que jamais ... En quelques secondes, il prit sa décision. Dans deux mois, quand sa période d'essai s'achèverait et qu'il aurait définitivement le poste, il la demanderait en mariage.

     En gravissant les marches du perron, Clément ne pouvait se départir de son sourire. Il glissa sa clef dans la serrure et poussa la porte. Une délicieuse odeur l'assaillit dès le premier pas dans la maison. Emma avait cuisiné pour qu'ils puissent dîner dès son retour. C'était une petite attention toute simple, mais ses lèvres s'étirèrent un peu plus. En France, ils avaient l'habitude de partager toutes les tâches ménagères. L'un comme l'autre pouvait sans distinction cuisiner, faire la lessive ou la vaisselle. Mais depuis qu'ils étaient arrivés ici, Emma faisait tout. À ce propos, il était assez mitigé. Elle avait besoin de s'occuper, ce qui n'était pas nouveau. Cette femme, bientôt sa femme songeât-il, n'avait jamais su tenir en place. Il se dirigeât naturellement vers la cuisine, en essayant de faire le moins de bruit possible. En entrant, il trouva sa moitié penchée au dessus d'une casserole, les yeux fermés et les sourcils froncés dans une adorable expression de concentration. Ses longs cheveux châtains étaient sommairement attachés dans une queue de cheval brouillon et passablement ridicule. Elle portait un ample T-Shirt estampillé du logo du groupe Red Hot Chili Peppers et son jean à tout faire, celui avec des tâches de peinture et des accros un peu partout.