⋅ Partie 20 ⋅

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Appartement Motomiya - 17h35

Naho s'essuya énergiquement les cheveux dans sa serviette à fleurs presque aussi vieille qu'elle. L'averse ne les avait pas épargnés, tous les trois. Ils étaient arrivés à l'appartement ruisselants de pluie, et Tohru n'avait pas fait trois pas dans le genkan qu'il avait éternué. Sa sœur l'avait alors envoyé à la douche, sourde à toutes ses protestations, pour éviter que la pneumonie ne s'abatte sur cet enfant. Quant à Nosaka, Naho l'avait abandonné dans le salon avec une sortie de bain Transformers et était partie se changer dans sa chambre. C'était la première fois qu'il venait chez elle et elle s'en voulait terriblement de le laisser ainsi pénétrer son territoire.

La serviette sur les épaules, la brunette récupéra avec une grimace ses vêtements humides, et tourna les talons afin de retourner dans le couloir, lorsqu'elle trouva Nosaka sur le seuil de la chambre. Elle sursauta et étouffa un juron sous la surprise. Il était appuyé contre le cadran de la porte, ses yeux gris orage rivés droit sur elle. Depuis combien de temps était-il là, à l'observer sans vergogne ? Non, en fait, elle ne voulait pas connaître la réponse.

— Tu pouvais pas attendre dans le salon ? marmonna-t-elle sans cacher son agacement. J'aurais pu être à poil là.

Sans la lâcher des yeux, le rouge haussa les épaules, d'un air désinvolte qui l'agaça profondément. Elle soupira, dépitée, et le contourna pour mettre ses vêtements au sale avant de revenir dans la chambre pour ranger ses affaires. Le footballeur observait avec un intérêt certain la mosaïque de marques-pages, rubans et autres babioles punaisées sur un tableau en liège à l'entrée de sa chambre.

— Alors ? s'enquit-il, se tournant vers elle quand elle revint dans la chambre.
— Alors quoi ? tressaillit-elle.
— Qu'as-tu découvert sur Ichihoshi ?

La jeune fille détourna le regard à la mention du footballeur hospitalisé et ferma les yeux quand lui revint l'image du jeune garçon au regard vacillant et à l'âme brisée. Elle en avait trop découvert. Comment lui résumer la situation sans partir dans tous les sens ?

— Naho ? l'appela-t-il.
— C'est juste un gosse, répondit-elle dans un soupir.

Son regard qui la troublait tant brilla d'un éclat intéressé et il quitta le cadrant de la porte pour venir se planter devant elle. Encore une fois, Naho fut frappée par la différence de taille entre eux. Le garçon n'était pas beaucoup plus grand qu'elle, une tête tout au plus, mais c'était suffisant pour la déstabliser. Un malheureux petit mètre les séparait, mais il donnait l'impression d'être inexistant dans sa chambre minuscule.

— Dis-moi tout.

La douceur dans sa voix ébranla Naho, qui sentit ses jambes flageoler. Comme si c'était le moment de faiblir... Elle recula contre son bureau pour se raccrocher à quelque chose de solide au cas où elle tomberait en syncope – car elle doutait que Nosaka ne la rattrape au vol. Puis, tout en tâchant de faire abstraction de ses yeux sombres qui ne la quittaient plus, elle raconta tout.

Comment elle n'avait rencontré aucun obstacle pour entrer dans l'hôpital. Combien cet écriteau du service psychiatrique était déroutant. La façon dont Ichihoshi Hikaru l'avait accueillie, plein de candeur et d'innocence. À quel point son regard était éteint même dans la lumière du soleil. Et toute l'histoire tragique que lui avait révélée l'infirmier en dépit de son devoir de réserve.

Fidèle à lui-même, Nosaka ne manifesta pas une seule réaction. En revanche, son regard s'illuminait de telle ou telle lueur, sans que Naho ne parvienne à les interpréter. Tout ce dont elle était sûre désormais, c'est qu'il était en pleine réflexion : ses yeux s'étaient détournés d'elle – enfin ? – pour fixer le sol de sa chambre.

Sumire Koen ✧ au Parc des Violettes |IE|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant