Je finissais de l'eye-liner. Je n'avais tellement pas l'habitude que cela faisait trois fois que j'effaçais toute trace avec un mouchoir pour recommencer. Ma main ripa et le trait déborda sur la paupière. Je soupirai.
- Bon, je vais le faire. On a pas toute la nuit, dit Émilie.
Je me plaçais devant elle et lui tendit mon stylo. Elle essuya mes dégâts et traça sans effort une ligne fine et impeccable.
- Un peu de fard ? Me demanda-t-elle.
- Je suis pas une Barbie.
- Allez ! Tu fais aucun effort, montre un peu à Federico ce qu'il rate. Fais-le rager.
- Parce que mon naturel ne te suffit pas ?
Je me montrai du doigt en ironisant.
- Si bien sûr... Mais franchement tu peux faire plus.
Elle traça la seconde ligne et me tendit le mascara.
- Federico te plaît. Il est beau, gentil, prévenant, il a du caractère et des potes sympas. Qu'est-ce que tu attends.
Je la fixais, espérant que mon regard serait explicite.
- Je sais qu'il te plaît. T'es froide comme une porte de prison, excuse-moi l'expression. Tu rembarres tout le monde, tu parles peu, t'es cynique. Mais je sais qu'avec ta famille et tes amis tu es une perle. Je sais que tu ferais tout pour eux. Mais le reste peut aller se faire voir. Et avec Federico t'es encore pire. C'est pas anodin.
Elle fini en m'appliquant un de ses rouge à lèvres clair et contempla son travail.
- Mets un doigt dans ta bouche et enlève-le pour ne pas avoir de traces sur les dents.
Je m'exécutais, comme si j'avais des restant de nourriture sur le doigt.
- Je me tape pas de coups d'un soir. Je drague pas deux mecs dans la même soirée. Je sors pas avec un mec qui habite pas le même pays que moi. Pas de soucis, pas de prise de tête inutile. Suis ces règles et tu seras heureuse.
Et soudain je mesurai mes propos et je me sentai terriblement stupide. Pour elle être heureuse était bien plus compliqué maintenant. Néanmoins elle répondît sans relever.
- Mais pas de papillons dans le ventre, pas de personne à regarder le matin ou à attendre le soir, pas de bras dans lesquels t'endormir. Et surtout pas de sexe.
J'étais perdue. Mes règles m'allaient, mais ma vie n'était qu'une succession de règles finalement. Que se passait-il quand je les enfreignais ? Franchement ?
Elle fouilla dans sa petite pochette à paillettes roses et sortit un fard cuivré. Je fermais les yeux et la laissais faire pour lui faire plaisir.
Légèrement maquillée, je mis une courte robe pull en cachemire, des collants noirs et des baskets. Ma robe était en fait un ancien pull masculin trouvé en fripes tellement grand que le col tombait sur mon épaule dénudée. Je rassemblais mes cheveux en tresse et Émilie me demanda la même coiffure.
Elle s'était encore mise sur son trente et un : son secret révélé lui faisait un bien fou et je sentais bien qu'elle désirait rattraper ces années de censure.
~~
Nous nous installâmes à une petite table d'une des salles hétérogènes du Szimpla.
Un buste avec une dizaine de seins nous regardait, des miroirs brisés, des stickers, des plantes, des décors de fête foraine. Le Szimpla était un ancien immeuble du quartier juif reconverti en bar. Chaque salle était ouverte l'une sur l'autre tout en ayant sa propre identité. Il était encore tôt et Budapest n'était pas une destination hivernale privilégiée donc la foule n'occupait pas encore les lieux.
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Laisse tomber j'ai plus mal
RomanceIl me court après, je le vois bien. Les hommes se liquéfient souvent face à une jolie courbure de reins. Mais non il ne m'intéresse pas. Bien sûr que non. Après oui, j'aime bien sa bouche il faut se l'avouer, ses rides rieuses, ses chaussures touj...