⋅ Partie 21 ⋅

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Berge du lac Kawaguchi Ouest - 17h03

Je n'aurais jamais dû le laisser entrer dans ma chambre. Voilà ce que se répétait Naho depuis les deux derniers jours. Depuis que Nosaka l'avait embrassée sur la joue. Elle y pensait sans cesse ; elle sentait encore ses lèvres sur sa peau et son souffle chaud lui balayer le visage. Elle était incapable de se l'ôter de la tête, et s'empourprait parfois même quand ce simple baiser la hantait trop. Pourquoi avait-il fait ça ? Pourquoi diable l'avait-il embrassée ? Il l'avait remerciée pour Ichihoshi avant de partir. Quand on se remercie, entre amis, on se serre la main, à la limite on s'offre un café. Mais on ne s'embrasse pas... si ?

— Papa, papa ! T'as vu ? Le Japon a gagné, deux à zéro !

Naho détourna le regard des bateaux qui passaient devant elle, vers la fillette qui passa près d'elle à toutes jambes pour rejoindre son père et célébrer la victoire. Le Japon avait eu le dessus ; Tohru et Hayato devaient être aux anges, à Tokyo. Ils lui avaient déjà envoyé au moins une dizaine de selfies dans le Stade Football Frontier, où ils revêtaient fièrement le maillot indigo de la sélection nationale. Elle ne put retenir le sourire qui fleurissait sur ses lèvres. Qu'importe l'avis de Nosaka sur la question, elle était satisfaite de sa décision.

Des bruits de pas retentirent alors derrière elle, la tirant de ses réflexions, et la jeune fille jeta un regard curieux par dessus son épaule, s'attendant à voir d'autres passants ou des joggeurs du soir. Que nenni :

— Je te croyais à Tokyo, déclara Kidou Yuuto.

Ses vêtements raffinés et ses mocassins de cuirs à cent mille yens faisaient tâche sur les rives sablonneuses du lac Kawaguchi, mais il semblait n'en avoir cure. Il eut même le courage de venir s'asseoir près d'elle dans le sable au risque de ruiner ses beaux habits. Et sans un mot, il la rejoignit dans la contemplation du lac. Les deux adolescents restèrent ainsi pendant de longues secondes, avant que Naho ne se décide à rompre le silence.

— Pourquoi je devrais être à Tokyo ? s'enquit-elle en tournant la tête vers lui.
— Nosaka m'a dit qu'il te verrait au match contre l'équipe saoudienne.

La brune haussa les épaules et ramena ses genoux contre sa poitrine. Devant elle, l'eau scintillait sous l'éclat du soleil en début de soirée. Elle ne put retenir un sourire victorieux. Ainsi donc, elle avait coupé l'herbe sous le pied du grand Nosaka Yuuma.

— Eh bien, il semble que Nosaka se soit trompé, soupira-t-elle en appuyant son menton sur ses genoux.
— Ha, tu ne l'aimes pas, hein ?

La question la surprit, car elle ignorait tout bonnement quoi lui répondre. Une semaine auparavant, elle n'aurait pas hésité une seule seconde avant d'affirmer qu'elle détestait Nosaka de toute son âme. Maintenant pourtant... elle n'irait pas jusqu'à vouloir passer le reste de ses jours avec lui, mais elle commençait à se faire à lui. À son petit sourire horripilant. À son obstination sans faille. À ses yeux gris tout à fait déroutants. Elle haussa les épaules.

— Je sais pas...
— Qu'est-ce que tu en as fait des tickets, du coup ? reprit Kidou.
— Je les ai donnés à mes petits frères. Ils avaient l'air contents.

C'était un euphémisme. Dès qu'il avait trouvé les tickets abandonnés sur son bureau par Nosaka, Tohru avait sauté au plafond et s'était précipité dans la cuisine pour annoncer la grande nouvelle à leurs parents. À coup de négociations ardues et de promesses d'un beau bulletin, le jeune garçon était même parvenu à convaincre leur mère de le conduire à Tokyo. Et lorsqu'elle avait vu Hayato zieuter sur le second billet, Naho n'avait pas eu le cœur à lui refuser la place.

— Et toi, pourquoi t'es pas à Tokyo ? T'es un joueur, non ?
— Je n'ai plus le droit d'entrer dans les stades depuis qu'on m'a accusé de dopage.
— Et c'est pas vrai ?
— Bien évidemment que non, répondit-il en lui lançant un regard offusqué à travers ses lunettes de plongée. J'ai vraiment une tête à prendre des produits dopants ?
— Ben...

Sumire Koen ✧ au Parc des Violettes |IE|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant