III - Ça, c'était pas prévu

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Lorsque j'ouvris les yeux, je ne savais plus vraiment où j'en étais ni où j'étais vraiment. La seule chose que je ressentais était une certaine confusion et une raideur inhabituelle de mon corps. La tension recluse dans le plus profond de mon esprit avait traversé la frontière du psychologique pour passer dans le monde physique. À force de serrer les dents et ma ceinture par la même occasion, mon corps s'était révolté. J'étais dans un monde un peu éthéré et un peu embrumé. Ce flottement était bienvenu, je m'y sentais bien. J'aurais voulu que ce moment ne finisse jamais. Dans ce brouillard, il n'y avait plus de fuite, de remords, de culpabilité ou bien de foyer terrifiant. Seulement, la nature étant ce qu'elle est, je commençais à distinguer une voix masculine que je connaissais et qui semblait vouloir me ramener dans le monde réel.

- Hey le Husky ? Youhou ? Y'a quelqu'un ? Je crois qu'il ne m'entend pas bien.

- Faut dire qu'il s'est un peu effondré comme un sac de patates, répondit une voix grave.

- Je plaide coupable cher Alban, je crois que je l'ai trop poussé, continua une troisième voix.

- Putain de merde, faut appeler les secours ! il va pas clamser ici quand même.

- Calme toi le jeunot, asséna la voix grave. C'est juste un évanouissement. Alcool de menthe et sucre ! Je vais chercher ça.

- Excellente idée, mon cher Alban. Je ne crois pas que ce soit si grave, Max. Par contre, ce garçon et moi allons avoir une discussion et ne crois pas t'échapper non plus Max. 

Lorsque mon corps me permit d'ouvrir les yeux, tout était beaucoup trop trouble et trop lumineux pour me tirer autre chose qu'un gémissement de douleur. Le monde réel était donc bien douloureux, encore une preuve de plus.

- Hey le Husky ? Sam ? Ça va ? demanda doucement la voix.

Je connaissais cette voix. Elle m'inspirait la confiance. C'était un foyer me semblait-il. Ce foyer rassurant où l'on se blottissait quand tout allait mal. Mon regard flou et incertain se posa sur un visage tout aussi brumeux mais entouré de cheveux flamboyants. Il me semblait connaître ce sourire. J'aimais bien ce que je voyais. Cela me décida peut-être à revenir parmi les vivants.

- Ça y est ! Il est de nouveau là ! Merde, j'aurai pas ma revue de beaux pompiers forts et musclés et blonds et si ....

- On se calme mon ami, dois-je te rappeler que le bouche à bouche n'a plus cours chez les pompiers, plaisanta une voix plus âgée.

- Papy, vous cassez tous mes rêves.

Je cherchais à me redresser lorsqu'une main me retint.

- Pas tout de suite, ordonna Max avec ce petit sourire qui me consolait tant.

C'est ensuite que l'esprit décida de donner ses ordres malgré ma conscience et après avoir affaibli mon corps. Mes yeux se mirent à brûler et je ne sais comment devinrent humides. C'est lorsque ma main toucha ma joue que je maperçus que les larmes coulaient toutes seules. Une autre main chaude vient les essuyer si délicatement que cela me rappela les gestes maternels agrandissant encore la sensation de manque et de culpabilité. Personne ne dit un mot quand je tendis la main vers l'homme devant moi me relevant brusquement pour m'écraser contre sa poitrine. Le barrage céda subitement et me déchira en deux. Des années de douleurs vinrent s'écraser contre ce corps étranger, cette chaleur qui avait tant manqué. Et je pleurais comme un enfant le long de cette poitrine. Des bras vinrent m'envelopper tranquillement. Max, c'était Max. Il me consolait en murmurant des mots et encore des mots. Il ne me repoussait pas. Il acceptait ma faiblesse sans rien m'opposer comme mon père l'avait tellement fait. Un homme ne pleure pas, n'est-ce pas ? Alors j'avais retenu les larmes si longtemps. Je n'avais rien dit, j'avais serré les dents. J'étais un homme, non ? Et là, m'effondrant sur moi-même, je ne savais plus très bien ce que j'étais. Lorsque je me calmais, je maperçus que j'étais dans la salle de repos, Papy y était tranquillement assis et mon patron passait la tête pour observer la scène humiliante que j'avais créée sans m'en rendre compte. C'est Papy qui rompit le silence alors que Max me tenait toujours entre ses bras et ne semblait pas vouloir me lâcher.

- Jeune homme, il va falloir nous raconter ton histoire.

Je ne répondis rien. Mon esprit toujours troublé peinant à vraiment saisir la situation.

- Alban, s'écria Papy, ce Husky à une adresse, non ?

Alban, mon cher patron, fit une apparition éclair dans la salle de repos tout en essuyant un verre. C'est à ce moment que je compris que c'était lui qui effectuait mon travail. Mes joues s'empourprèrent immédiatement renforçant mon sentiment de honte. 

- Oui, bien sûr, sinon comment aurais-je établi son contrat ? Ça doit être dans le bureau mais pour le moment, Papy, je ne peux pas vraiment y retourner. Faut bien tenir le café.

- Exact, exact. Alors c'est votre Husky qui va me donner son adresse lui-même. De toute façon, je le saurai alors plus tôt ou plus tard, il est fait comme un rat.

Max soupira marquant son renoncement pendant que Papy m'offrait un magnifique sourire assorti d'un regard malicieux. C'est bien à ce moment que je sus que le monde ne serait plus le même pour moi. Je ne savais juste pas quelle forme il prendrait. Cela me terrifiait encore plus.

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