Souffle des Montagnes

Chocolat froid

Buvant mon chocolat chaud, je m'assois sur le canapé, repliant mes jambes l'une sur l'autre, drapée d'une couverture. Par la fenêtre, j'aperçois l'éphémère neige tomber, le ciel noir briller de diamant et entends le bruit du vent fouettant les arbres. Une mélodie enchantante.

Soudain, le froid de décembre me saisit. Je m'éloigne peu à peu de ma maison, morte par l'hiver amer, pour retrouver le bonheur et la chaleur d'une autre.

Tout bascule, me voila à l'autre bout de la France, dehors en Haute-Savoie. À l'extérieur le soleil brille, et la cruelle fraîcheur n'en n'est que plus vivante. Tout le monde est déjà sorti du chalet au bois vieilli, armé d'une combinaison, d'un bonnet et de gants. Mes frères et cousins sont en pleine construction d'un tremplin en neige de compétition. Mes parents discutent avec mon oncle et ma tante. Moi, je crée un gigantesque bonhomme de neige avec l'aide de ma cousine.

Je respire l'air glacial, cette sensation de brûlure s'insinuant jusque dans mes poumons. Je suis loin du froid de ma ville, obligée de rester cloîtrée chez soi à se tourner les pouces. Ici, le froid à quelque chose d'apaisant: comme si le temps était en suspension, par son pouvoir de glace, pour mieux apprécier et profiter de ces moments privilégiés.

Les garçons ayant fini leur oeuvre, nous passons chacun notre tour sur la luge. Papa ne s'installe pas correctement et termine la tête plonger dans la poudreuse. Rires.

Cylvain prend énormément de vitesse, fait un vol plané, termine juste devant la voiture. Exclamations.

Justin s'écroule sur le côté dans un tourbillons de jurons. Gloussements.

Même maman tente un descente dans la plus grande prudence. Sourires.

Tout me met de bonne humeur.

Tonton nous avait filmé, alors nous voilà tous rassemblé dans le salon, les visages tournés vers l'écran toujours noir. La première vidéo est ratée, seule l'image du sol et du ciel, à l'envers, apparaît. Ainsi que pour toutes les autres. Une explosion de rires retentit lorsque nous comprenons qu'il a tout inversé entre les moments ou il croyait nous filmer et les moments où il filmait réellement. Cela promettait de rester dans les anales pendant longtemps et de nombreuses futures moqueries seront encore à venir. 

Dans le chalet règne une chaleur et une convivialité addictive. La neige au dehors tombe à l'infini. Le silence se remplit de joie. Les yeux retiennent les souvenirs. L'odeur des sapins se répand et entête. Les mains se frôlent au rythme du repas, des fous rires et des jeux. 

Ces moments passés si vite me rendent nostalgique. Je ne me lasse jamais de me bercer par ces images dès qu'un élément me le permet.

Malheureusement, ma maison m'arrache à ce vestige du passé. Je retrouve mon canapé, ma couverture, ma solitude. Les yeux rivés à la fenêtre, la neige a cessé de tomber.

Une pointe de tristesse et d'amertume s'empare de moi.