Chapitre 1 - Le Réveil

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Tout est noir.

J'ouvre les yeux dans un endroit sombre et froid, comme l'intérieur d'une grotte, j'aperçois des points jaunes et oranges, qui s'avancent vers moi. Ces points se transforment et dansent devant mes yeux, ils scintillent d'une lumière chaude dans ce noir, froid et hostile. Je commence à entendre des bruits sourds, des fracas, des hurlements. Puis ces lumières deviennent de plus en plus intenses et les bruits deviennent plus perceptibles. Ils sont là. ils m'entourent, avec des fourches, des pics et des lampes. J'essaie de parler mais aucun son ne sort de ma bouche, je continue de fixer la lumière chaude émanant des torches pour me raccrocher à la réalité, comme si ma vie en dépendait. Ma tête devient lourde, les lumières s'amenuisent mais je lutte, j'essaie de rester éveillée. Mais le noir revient. Lorsque j'ouvre à nouveau les yeux la lumière n'est plus, mais à la place je vois des yeux me fixant dans la nuit. Des yeux qui n'ont rien d'humain.

6h30, le réveil sonne, je me réveille en sursaut. L'espace d'un instant je ne comprends pas ce qu'il vient de se passer, j'ai chaud et froid en même temps, tout mon corps est en sueur et ma respiration est saccadée. Un sentiment de déjà-vu s'empare de moi. Je sors de mon lit décontenancée et me dirige vers la cuisine. Je prépare mon déjeuner machinalement en repensant à ce mystérieux rêve. Je revois encore ces flammes danser devant mes yeux. Elles m'apportent un sentiment de réconfort inexplicable. Et ces yeux, envoûtant et effrayant, comme ceux d'un monstre me laissent perplexe. J'ai l'étrange impression que ce n'est pas la première fois que je fais ce rêve, et régulièrement il m'arrive de faire des rêves étranges de la sorte. L'heure tourne, je me prépare pour aller en cours, je prend une douche et m'habille rapidement. En sortant de mon appartement, je remarque que le soleil n'est pas encore levé. On est en Janvier, le mois le plus déprimant de l'année mais aussi le mois de mon anniversaire. L'air est humide, froid et pesant. Les passants empressent le pas par ce froid, d'autres attendent péniblement leurs bus et autres moyens de transport. Ils sont tous emmitouflés dans d'épaisses couches de vêtements, on aperçoit à peine leur visage. Je rejoins ces gens camouflés et m'empresse de monter dans le bus scolaire qui s'arrête à ma hauteur.

Le bus s'en va et je contemple le ciel dans ces tons clairs obscurs avec la lumière de la lune qui se dessine dans l'épais voile sombre du ciel. Mon cœur commence à s'emballer au fur et à mesure que le bus scolaire approche de l'arrêt fatidique. J'ai déménagé il y a peu et c'est mon premier jour dans un tout nouveau lycée où je ne connais personne. Le bus s'arrête et le mouvement de foule me sort de mes pensées. Je me dirige vers la sortie du bus en suivant les autres élèves. Une fois dehors une bourrasque glacée me prend à la gorge. Je me sens un peu perdue au milieu de tous ces lycéens qui m'entourent. Il y a tant de monde et pourtant je suis seule. Je repère un mouvement de foule qui se dirige vers l'établissement, je décide de les suivre et je reconnais vaguement le chemin. J'étais déjà venue avec ma mère lors de l'inscription, on m'avait fait visiter l'école. Lorsque j'arrive dans la cour du lycée je me sens encore plus perdue face à l'immensité des bâtiments couplée à la foule qui entre dans les lieux. Je me rends au bureau de la vie scolaire pour trouver ma classe. J'essaie tant bien que mal de me frayer un chemin parmi ces lycéens qui prennent beaucoup de place. Lorsque j'entre dans le bureau, tous les surveillants sont occupés avec les élèves, pour régler les absences. Je me rapproche du bureau dans ce brouhaha lorsque quelqu'un m'interpelle : « Alexia ! ». Je sursaute et cherche d'où provient le cri, puis je reconnais la surveillante qui m'avait fait la visite.

« Alexia, te voilà ! je m'inquiétais ! Suis-moi je vais t'emmener dans ta salle de classe, mais il faut se dépêcher les cours commencent dans cinq minutes ! ». Décontenancée je lui fais un signe de tête et me contente de la suivre. C'est une vieille femme, ridée, blonde, avec un maquillage plus que discutable et des lèvres bien trop bombées pour être naturelles. Je la suis d'assez près pour ne pas me perdre tout en analysant mon environnement, les salles de classes, les panneaux qui indiquent les étages, les couleurs fades des murs et les élèvent qui ne prêtent pas véritablement attention à moi. « On y est ! » me lança-t-elle avec un sourire doux et attendrissant que seules les grands-mères peuvent avoir. Je reste silencieuse et je regarde la porte avec appréhension

« Comme on a déjà dû t'expliquer, ici, vous gardez toujours les même salles et ce sont les professeurs qui se déplacent, donc sauf pour le sport et les sciences, tu n'auras pas à te déplacer dans tout l'établissement. Tu seras donc dans la salle B314, au troisième étage tout le long de l'année. Je vais venir avec toi et te présenter aux autres, ça te va ?

-Oui merci... »

A peine ai-je fini d'articuler deux mots qu'elle ouvre la salle et s'avance avec fermeté sur l'estrade réservée aux professeur. Je la suis timidement et croise le regard des autres élèves qui me dévisagent. « Même si on vous a déjà informé de sa venue, je vais vous faire les présentations. Voici Alexia Kurann, votre nouvelle camarade, elle vient du Sud, soyez gentils avec elle ! ». Aucune réponse. Je demeure à côté de la vieille femme, intimidée par tous ces yeux cinglants qui me scrutent, ces chuchotements qui ne tardent pas à venir. Le professeur rentre, me fait un signe de tête et me demande d'aller m'asseoir. Je m'exécute. Je marche vers la seule place vacante, à côté d'un garçon assez grand qui ne semble par très intéressé par ce qu'il se passe, tandis que les chuchotements redoublent d'intensité et les regards se font de plus en plus pesants. Lorsque j'arrive à hauteur de la table, le jeune homme retire les affaires qui prenaient toute la place. Je m'assois et lui lance un timide « Salut » à peine convainquant. Il se contente de me regarder d'un air nonchalant, puis au bout de longues seconde il se décide à me répondre : « salut, lance-t-il d'un ton assez froid.

 -Tu... Tu t'appel comment ?

-Éric, répond-t-il nonchalamment »

Je le fixe quelques secondes, il parait plus âgé que les autres. Nos regards se croisent. Il a les yeux d'un bleu profond qui contraste avec ses cheveux d'ébène et sa peau blanche. J'entends des chuchotements de plus belle et le professeur commence à perdre patience

« Taisez vous un peu ! vous ferez connaissance avec la nouvelle à la fin de mon cours, pour le moment concentrez vous ou je vous fais une interro surprise ! ». D'un coup la salle devient silencieuse, d'un silence profond et glaçant. Je lance un regard paniqué à Éric qui me regarde d'un air amusé. Il prend un crayon et écrit des lignes sur un morceau de papier qu'il me tend ensuite.

« Je te présente notre prof de maths, Monsieur Grims, vaut mieux pas l'énerver celui-là ». Je lui lance un regard amusé avec un petit rire nerveux auquel il répond par un sourire charmeur.

Monsieur Jones, cela vaut pour vous aussi, vous draguerez la nouvelle après mon cours ! Lance le professeur d'un ton glorieux. »

Fou rire général dans la classe. Deux filles devant moi se retournent et me lancent des regards assassins. Je rougis de honte. Je sens tous les regards sur moi et les rires tels des aiguilles qui s'abattent pour me trouer la peau et mon estime de moi.

J'aurais mieux fait de ne pas me réveiller ce matin. 

ALEXIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant