Chapitre 23 - Risotto

711 98 231
                                    

De ses doigts sur le volant, Ezio suivait le rythme des basses de la chanson qui passait à la radio.

Ses lunettes de soleil étaient de retour et faisaient ressortir ses hautes pommettes.

Il regardait droit devant lui tandis que, moi, je le dévisageais sans retenue.

Il eut un sourire moqueur, mais je ne me détournai pas.

Posant mes yeux sur ses lèvres pleines étirées par son sourire, je suivis ensuite la courbe de son cou bronzé qui disparaissait sous un col de chemise bleu clair.

Ses manches étaient retroussées sous le coude et laissaient entrevoir ses avant-bras. Ses mains puissantes tapaient toujours en rythme sur le volant et mon regard fut une nouvelle fois attiré par ses cicatrices.

Je n'oubliais pas le marché que nous avions passé la veille, mais j'étais loin de savoir par quoi commencer...

- Tu portes toujours tes lunettes quand il n'y en a pas besoin ?

Question très pertinente, Nina.

Il doubla une voiture puis se tourna vers moi et baissa légèrement ses lunettes sur l'arête de son nez.

- Je trouve que ça me donne un certain style, pas toi ?

Son sourire s'élargit.

Secouant la tête, je reportai mon attention sur la route. Nous nous dirigions vers Somerville, au nord de Boston.

Les informations données par Juan étaient maigres mais c'était un début de piste.

Les Celtics V n'étaient pas inconnus de nos services. Leurs déboires en matière de narcotrafic avaient fait à de nombreuses reprises la une des journaux, locaux et nationaux.

C'était, à ma connaissance, le seul gang mélangeant vampires et humains.

En fait, c'était à eux que nous aurions dû penser en premier pour cette affaire...

- On va s'arrêter manger un morceau, annonça Ezio en prenant la sortie. J'ai faim.

J'aurais aimé protester. Il nous fallait avancer dans le travail, nous avions pris assez de retard...Mais j'avais moi aussi très faim. Je n'avais avalé qu'une pauvre salade à midi.

- Je connais le coin, fit mon coéquipier dix minutes plus tard. Il y a un bon restaurant italien, pas très loin. Tu manges italien, n'est-ce pas ?

Cela me donna une idée de question.

- « Ezio ». C'est italien, non ?

Il eut un petit rire qui fit courir un frisson le long de mon échine.

- Ah ! J'aime les liens que fait ton cerveau, petite fée.

Je fronçai les sourcils, ne comprenant pas où il voulait en venir. Jusqu'à ce qu'il se gare, une minute plus tard.

- Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire ! m'exclamai-je, mortifiée. Tu as vraiment l'esprit tordu...

Il se pencha vers moi.

- C'est pas moi qui vais te contredire là-dessus, chuchota-t-il à mon oreille.

Il détacha sa ceinture de sécurité et descendit du véhicule.

Le restaurant était bondé.

- Je ne suis pas sûre qu'il y ait encore de la place, dis-je en haussant légèrement la voix.

- T'en fais pas pour ça.

Je le suivis alors qu'il s'engageait un peu plus loin dans l'établissement. Il s'arrêta près du bar et discuta avec un serveur.

Celui-ci fit un geste de la main et nous invita à le suivre.

Il nous installa à une table près de la fenêtre qui donnait sur la rue. Elle était si isolée, qu'on aurait pu croire qu'elle ne faisait pas partie des tables de services.

- Le soir, ils font toujours carton plein..., commença Ezio.

Il se tut pendant que le serveur me tendait le menu.

- C'est parce que Tino, le cuisinier à succès du lieu, ne peut sortir que la nuit...

Délaissant la mission de déchiffrer les différents plats détaillés en italien, je relevai précipitamment la tête et lui jetai un regard étonné.

- Le cuisinier est un vampire ?

Il rit et pencha la tête sur le côté.

- T'as peur que ça soit avec du plasma sanguin, au lieu du vin blanc, qu'il déglace son risotto ?

Mon expression dut lui donner la réponse, car il rigola encore une fois.

Il était rare de voir un vampire travailler. A moins qu'il ne se fasse embaucher et que son employeur ne le déclare pas.

Ou bien, si le vampire venait juste de se faire transformer, il pouvait continuer à utiliser ses papiers d'identité d'humain...

Cette situation de précarité poussait ainsi les surnaturels vers la criminalité, comme le vol.

Ou la drogue.

Le serveur revint quelques minutes plus tard pour prendre notre commande.

Ezio me jeta un regard de défi :

- Un risotto, comme d'habitude.

J'eus un sourire en coin et rendis le menu au serveur.

- Je prendrai la même chose.

C'est avec une certaine appréhension que je m'attaquai à mon plat, quelques minutes plus tard.

Il était délicieux.

Ezio, qui guettait ma réaction, hocha la tête d'un air satisfait en voyant mon expression.

- Tu viens ici souvent ?

Il regarda par la fenêtre avant de me répondre.

- Oui. Mais tu verras que le choix du lieu n'est pas anodin. C'est pas juste pour la cuisine de Tino, qu'on est ici.

Discrètement, il pointa du doigt l'autre côté de la rue.

- Tu vois ce bar, là-bas ?

- Celui à la façade verte ?

- C'est ça. On s'y rendra une fois le repas fini. Mais pour l'instant, on va pouvoir surveiller les allées et venues...

De là où nous étions, nous ne pouvions voir grand-chose à travers les grandes fenêtres du bar. Les lumières y étaient extrêmement tamisées.

Je reportai mon attention sur mon assiette.

- Encore un bar ?

- Tu sais ce qu'on dit sur les Irlandais et la boisson..., fit-il amusé.

En effet.

Qu'ils soient vampires ne changeait absolument pas la donne. Bien au contraire.

Nos assiettes furent rapidement vidées et, alors qu'il commandait le « meilleur dessert du restaurant », à savoir du tiramisu, il me jeta un curieux regard.

- J'avoue être impatient de connaître tes questions, Nina, déclara-t-il tandis que le serveur s'éloignait.

Je m'éclaircis la gorge et avisai ses mains.

Mais je savais qu'il était trop tôt pour cette question.

Il remarqua le jeu de mes yeux et me défia des siens. Je ne cédai pas à la tentation d'y répondre cette fois-ci.

- Donc...tu es italien ?

Son sourire avait l'air de dire : « Poule mouillée ».

- Ma mère est italienne. Moi, j'ai grandi dans le sud londonien.

D'où l'accent.

- Mais...

- Tut, tut, m'interrompit-il. Pas si vite, petite fée...

Son sourire se fit carnassier.

- A mon tour de poser des questions.

À Crocs T1 Le Sort Brisé [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant