Chapitre 9.

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Zayd se lève avant moi et part s'enfermer dans la salle de bain. Je prends le temps de m'étirer avant de sortir du lit et d'ouvrir les épais rideaux de la salle à manger. Il est sept heures et le soleil commence à se lever. Novembre arrive doucement mais surement, il commence à faire froid dehors. J'ai troqué mes tenues d'été contre jeans et gilets. Au revoir les sandales, bonjour les baskets. J'observe les alentours, les murs tagués, le quartier qui prend vie. Plusieurs personnes se saluent en souriant et pour la première fois je trouve le Bronx chaleureux.

Voir Zayd au petit matin est un réel spectacle. Je me demande comment il fait pour être toujours séduisant. Je suis certaine que tout est dans le regard. Ses cils sont aussi longs que ceux de Betty Boop, qu'est-ce que ça donnerait si on lui mettait du mascara ?!

- Tu déjeunes avec moi ? questionne-t-il.

J'approuve et le rejoins dans la cuisine. Il fait chauffer le plat rempli de crêpes avant de s'installer face à moi et de me tendre une assiette. Je me sens timide, gênée. J'ai du mal à le contempler à la lumière du jour. Toute l'intimité qu'apporte la nuit et sa noirceur s'est envolée.

- Prête pour ta journée ? me demande-t-il.

- Oui, et toi ?

- Comme toujours !

On débarrasse nos plats et il fait la vaisselle le temps que j'aille me préparer. J'imagine ce que serait une vie à ses côtés, à redécouvrir son visage chaque matin, à pouvoir le toucher, lui parler et partager tous ces instants ordinaires du quotidien. Mes pensées partent trop loin, cet homme est supposé ne rien être d'autre qu'un simple béguin, alors pourquoi est-ce que je me vois lui tenir la main à quarante ans ?

Je mets une touche de couleur sur mes paupières et du mascara. Un petit coup de gloss sur mes lèvres et je suis prête. Je secoue la tête en me regardant. Je ne me maquillais pas il y a encore une semaine et voilà qu'à présent j'en fais des tonnes pour qu'il me remarque ? Cette histoire commence à ne plus avoir de sens.

Il ne fait pas vraiment attention à moi. Il va réveiller ses sœurs, attrape sa veste et son portefeuille puis s'apprête à partir. Il marque un temps d'arrêt sur le paillasson et m'attend. On part ensemble, ma valise sur les talons. Il s'empresse de la saisir pour descendre les escaliers et je le remercie timidement. Dehors, le soleil est bas et lui caresse le visage. Je n'ai pas envie de partir mais je le dois. On reste quelques longues secondes à se regarder et il finit par craquer le plus beau des sourires. Il me rend ma valise, enfonce les mains dans les poches de son jean puis se balance d'avant en arrière sur ses pieds.

Il fait frais et je n'ai pas de veste, je frissonne plusieurs fois sous mon pull mais ne dis rien. Je n'ai pas envie de me plaindre, j'aimerais passer la journée ici à lui parler.

- Bonne journée. finit-il par déclarer avant de s'en aller.

Je lui réponds, fort, alors qu'il est déjà loin et je le vois se tourner vers moi, cet énorme sourire toujours scotché au visage.

Je descends au métro, un inconnu m'aide avec ma valise et je le remercie. Je reste debout, prends ma correspondance et vais m'asseoir dans un coin, sur un siège libre et à peu près propre. J'attrape mon téléphone puis surf sur le net quelques minutes avant d'envoyer un message à Hannah. On parle des derniers cours, du bénévolat et du café latté qu'elle veut absolument prendre à Starbuck avant d'aller en classe.

On garde souvent les sujets sérieux loin de nous. Hannah est un moulin à paroles et il lui arrive de parler pour ne rien dire. J'ai appris à vivre avec ça. Parfois on aborde des sujets qui nous touchent mais ce n'est pas la majorité du temps.

Pas d'arabe à la maison.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant