Chapitre 25 - Saint Patrick

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Je suivais ma cible depuis plusieurs minutes.

Le fumeur de cigare se déplaçait vraiment vite et je me demandais si cela était un effet secondaire du tabac.

N'importe quoi...

Après être passée entre les masses de piétons qui flânaient en cette fin de semaine, le Rouquin m'avait entraînée dans les quartiers sombres de la ville.

Sombre dans tous les sens du terme.

On avait l'impression de passer d'un monde à un autre. Des rues illuminées remplies de familles mangeant des glaces, nous étions passé à des rues plongées dans les ténèbres aux murs tagués et à l'odeur bizarre.

Ayant un sérieux doute sur la provenance de la dite odeur, je mis ma main devant ma bouche afin de vérifier mon haleine.

Pouah !

Cela devait être une sacrée dose d'alcool que j'avais ingurgitée. M'essuyant le front du revers de la main, je tentai de me souvenir du nombre de verres que j'avais bus, mais j'avais totalement oublié.

Les flammes et Ezio, par contre, je m'en souvenais parfaitement. Mais mes idées n'étaient pas assez claires pour que je puisse analyser toute cette situation.

Viendrait le temps de la honte et de l'envie de me plonger une fléchette dans le cœur... Pour l'heure, j'essayais de marcher droit tout en ignorant ma bouche sèche et la sueur qui collait mon débardeur et mon jean à ma peau.

Pourquoi je poursuis ce mec, déjà ?

Un tag attira mon attention. Je m'approchai du mur blanc sur lequel il était dessiné à la peinture rouge. Un « C » très grossièrement croisé avec un « V ».

OK. J'étais sur leur domaine.

A mesure que j'avançais, ce tag se répétait et je me demandais si cela était une sorte de ligne rouge, comme à Salem. Sauf que là, ce n'était pas un chemin tracé sur le sol de la ville afin de guider les touristes vers les attractions phares.

Ici, on nous montrait les limites à ne pas franchir.

Les animaux urinent pour marquer leur territoire, les gangsters taguent.

Ou alors ils taguent en urinant...

J'eus un petit rire à cette pensée.

Le son résonna dans la ruelle vide et le rouquin jeta un énième coup d'œil par-dessus son épaule, la faible lumière du réverbère se reflétant sur sa chevelure.

Il tourna ensuite à gauche en accélérant le pas.

Il y avait une quinzaine de mètres entre nous, et je n'avais fait absolument aucun effort de discrétion. Il savait que j'étais après lui. Armée.

Enfin, légèrement armée.

Et même mon esprit embrumé savait qu'il ne fallait pas que je le suive aveuglément, alors que j'étais seule et qu'il y avait une unique fléchette à mon arbalète.

Le semblant de raison - et d'instinct de survie - qu'il me restait me poussait à retourner sur mes pas.

Mes jambes, elles, en décidèrent autrement.

***

Brian tira sur sa cigarette et observa un Ezio relativement agité.

Il le connaissait depuis quelques années déjà, mais on ne pouvait pas vraiment dire qu'ils étaient amis.

Ils étaient plutôt...Bah ! Il ne savait pas du tout ce qu'ils étaient l'un pour l'autre. Tout ce que Brian avait retenu avec le temps, c'était qu'il valait mieux répondre aux questions que posait Ezio. Qu'il fallait ouvrir les yeux et les oreilles, là où Ezio le demandait. Et qu'il ne fallait surtout pas poser de questions en retour.

Mais c'était la première fois qu'il le voyait dans cet état, et la curiosité le tenaillait.

- Alors...La petite brune, c'est... ? fit-il en expirant la fumée.

Ezio le fusilla du regard avant de s'asseoir sur la chaise en face.

- Quoi, la petite brune ? C'est ma coéquipière. Et arrête de me regarder comme ça !

Brian inspira une autre bouffée avant d'éteindre sa cigarette sur le cendrier posé sur son bureau.

Il avait racheté le Irish Pub six ans plutôt à un mec qui croulait sous les dettes de jeu.

Le nouveau patron n'était pas Irlandais, mais on s'en fichait.

A la Saint Patrick, Brian s'habillait en vert et portait une barbe rousse. Lorsqu'il faisait les comptes le lendemain, il se disait qu'il s'habillerait volontiers en drag-queen toute l'année, si ça lui permettait d'avoir le même résultat !

- Pour répondre à ta question, dit-il en passant à un autre sujet, les échanges se font surtout du côté de Medford et de Elm Street. Jamais en journée. Toujours par l'un des frères Aed.

Ezio hocha la tête.

- Fréquence ?

Brian haussa un sourcil.

- Tu imagines bien qu'ils n'ont pas un planning partagé ! C'est complètement aléatoire !

Son interlocuteur hocha une nouvelle fois la tête. Son esprit se trouvait de l'autre côté de la porte...

Brian toussota pour attirer son attention mais Ezio se releva, les sourcils froncés.

- Je reviendrai une autre fois, Brian. Je pense qu'il vaudrait mieux rentrer...

Mais que lui passait-il par la tête, encore ?

Lorsque Ezio ouvrit la porte, la première chose qu'il remarqua, c'était l'homme au style motard qui amusait la galerie en se baladant avec le chemisier de Nina sur le dos.

La seconde, c'était que Nina n'était plus là où il l'avait laissée.

Pensant qu'elle se trouvait certainement aux toilettes, il arracha le chemisier à l'homme qui protesta avant de rapidement faire silence en voyant son expression.

Puis il partit vers les toilettes au fond de la salle.

Il regarda partout.

Recommença.

Elle n'y était pas.

La gorge sèche, il se dirigea vers le bar.

- Si tu cherches ta copine bourrée, jeta Benny, elle est partie il y a une bonne dizaine de minutes avec son arc...

Jurant tout bas, Ezio se dirigea vers la sortie sans même chercher à informer le barman sur la différence entre un arc et une arbalète, lorsque ce dernier ajouta :

- Elle a suivi Sean Aed.

Ezio faillit arracher la porte du pub en sortant.

***

Ne jamais se séparer.

Ne jamais s'isoler.

Ne jamais faire de connerie.

Les trois phrases que Charles m'avait répétées au début de ma formation.

Ne jamais se séparer.

Foutu.

Ne jamais s'isoler.

Foutu.

Et en plus de ça, je me trouvais dans un cul-de-sac et le Rouquin n'était nulle part en vue.

Bravo Nina.

Un bruit derrière moi me fit me retourner.

Et en plus t'as une seule fléchette, Nina.

Trois hommes se tenaient à quelques mètres, me prenant au piège.

Ne jamais faire de connerie.

#Foutu.

À Crocs T1 Le Sort Brisé [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant