Dernière fois

Segment sans titre

Peut-être qu'elle n'en serait pas arrivée là si elle avait écouté les avertissements qu'on lui donnait. Il l'avait prévenue de ne pas lire après minuit : maintenant, c'est trop tard.

Ce fut l'histoire d'un fille, une fille qui, pour elle, lire lui était indispensable. Elle se prénommait Épeline, était en troisième dans un collège de sa ville et elle avait quinze ans. Elle n'avait que peu d'amis. Sa passion pour la lecture l'isolait de tous ses camarades. Elle passait la plupart de son temps libre dans une bibliothèque ou dans une médiathèque et elle déclinait toutes invitations à faire la fête ou s'amuser. Pourtant, elle était populaire, du moins chez les garçons. Tous la trouvaient belle ou mignonne mais elle ne s'intéressait pas aux histoires d'amour. Ce n'était que du superflu pour elle.

Comme chaque soir, elle prenait un bus pour rentrer chez elle, déposait ses affaires de cours et retrouver son ami : le bibliothécaire avec qui elle avait l'habitude de discuter de littérature quand elle allait emprunter un ou plusieurs livres, romans. Mais un soir, elle avait oublié son ticket de bus et n'avait aucun sou sur elle. Elle se retrouva alors à marcher pour rentrer chez elle. Elle put profiter de s'attarder dans différentes rues qu'elle ne connaissait pas. Il faut dire qu'elle ne faisait pas attention au paysage qui défilait à travers la vitre du bus. Elle vagabondait presque, profitant de cette chance de pouvoir découvrir la ville même si elle était là depuis quelques années déjà. Ce qu'elle connaissait c'était la librairie et la médiathèque.

Elle passa devant une petite ruelle mal éclairée, entre deux grands murs de pierres qui constituaient deux grandes maisons de chaque côté, empêchant la lumière du soleil s'insinuer dans cette ruelle. Elle découvrit une vielle façade d'un petit magasin. Poussée par la curiosité, elle poussa la porte de celui-ci. La lumière se faisait faible mais assez forte afin qu'on pouvait voir où l'on allait. Toutes sortes de babioles se trouvaient disposées à différents endroits. Au fond de la pièce, une petite étagère contenant des livres attira l'attention d'Épeline. Un vielle homme surgit alors de derrière elle. Il était marqué par la vieillesse. Des cheveux blancs ainsi qu'une barbe blanche et des rides apparentes.

-Que cherches-tu mon enfant ?

-Oh, rien. Je regardai vos livres. Avez-vous un livre qui sort de lordinaire ? Il faut dire que la majorité des romans je les ai déjà lus.

Qui sort de lordinaire...qui sort de lordinaire. J'en ai peut-être un. Je pense qu'il devrait te plaire. C'est l'histoire d'une héroïne qui a à peu près ton âge et qui vit dans un monde rempli de créatures fantastiques.

-Parfait ! C'est mon truc le fantastique. Mais combien je vous dois ?

-Oh non ! Rien ! Je te l'offre et puis ta visite me fait plaisir. Mais ne laisse pas ta curiosité te dépasser. Ne lis pas après minuit. C'est un très grand conseil.

-Euh...d'accord et merci beaucoup pour le cadeau ! Au revoir !

-Au revoir mais surtout ne lis pas après minuit. Ils sortent après minuit !

Pourquoi ne devrait-elle pas lire après minuit ? Les paroles du vieux monsieur l'intriguaient. Certaines lui avaient même fait peur sur le coup. Mais elle ne pouvait rester là à se poser des questions. Le soleil commençait sa descente pour céder sa place à la lune.

Le soir, après avoir dîné, elle alla se poser contre sa fenêtre, assise sur le rebord. Le coin préféré de la fille pour lire. La soirée était pluvieuse. Elle détailla la couverture du roman et pouvait y lire « Voyage au cur du livre ». Lorsque ses doigts touchèrent la couverture, elle se souvint des dires du marchand :  « pas après minuit ». Cela lui refit se souvenir d'un film qui parlait de créatures mignonnes mais que si on les nourrissait après minuit, celles-ci se transformaient en dignobles créatures prêtes à tout détruire. Mais lorsqu'elle commença à lire, elle n'avait pas vu qu'il était déjà plus de vingt-trois heures. Et lorsqu'il était minuit, elle se sentit comme aspirée dans le livre. Elle fut rentrée dans le jeu et si elle voulait s'en sortir, elle devait survivre.