Bientôt...
'Tis better to have loved and lost
Than never to have loved at all.
(Traduction : Mieux vaut avoir aimé et perdu cet amour
Que ne jamais avoir aimé du tout.)
Alfred Lord Tennyson, In Memoriam A.H.H.
Dès que je l'ai aperçu, j'ai su que sa mort était proche. Je ne sais pas précisément quand cela se produira, mais c'est pour bientôt, et c'est inéluctable.
Assise au fond de la cafétéria, j'attends que Dorothée me rejoigne. Je pense à ce matin, quand mes yeux se sont posés sur lui, ce nouvel élève de mon cours d'anglais. Un cri est monté dans ma poitrine, un hurlement de désespoir. D'habitude, je parviens à le contenir, mais là, c'était si différent. J'ai eu l'impression d'être secouée jusqu'au plus profond de mon être et j'ai perdu connaissance. Pas plus de quelques secondes heureusement, sinon quelqu'un n'aurait pas manqué d'appeler les secours.
— Tu te sens bien, Cliona ?
Dorothée s'installe près de moi, elle semble inquiète.
— Ça va.
Loin d'être convaincue par ma réponse, elle commence à manger tout en gardant un œil sur moi. J'ai de la chance d'avoir une amie comme elle. Récemment, beaucoup se sont détournés de moi, mais Dorothée m'est restée fidèle. En ce moment même, on parle de moi derrière mon dos. J'ai entendu murmurer « la comédienne », c'est ainsi qu'ils m'ont surnommée.
En saisissant ma fourchette, je suis parcourue par un frisson. Cette réaction épidermique est caractéristique, il vient d'entrer dans la pièce.
Entre deux bouchées, j'interroge Dorothée sur la fête costumée qu'elle a prévue pour ses seize ans. C'est un pari risqué, mais elle en rêve depuis longtemps et, au vu de sa popularité, ce sera probablement un succès. Elle a envoyé des invitations électroniques il y a deux semaines et, jusqu'ici, n'a obtenu que des retours positifs. Elle est déçue de ne pas avoir de budget « décoration », elle comptait transformer son salon en une véritable boîte de nuit. Quand je lui mentionne la boule à facettes dans mon garage, elle s'enthousiasme et me fait promettre de l'apporter.
Nous nous apprêtons à repartir quand il nous interrompt :
— Bonjour.
Dorothée montre qu'elle l'a entendu, alors que je fais semblant du contraire. Pourquoi n'est-il pas resté à distance ?
Pour attirer mon attention, il s'éclaircit la gorge. Je me retourne, mais demeure silencieuse.
Je n'ai pas vraiment eu l'occasion de le détailler lors de notre première rencontre. Si je n'avais pas la conviction de sa fin imminente, je crois que je pourrais le trouver séduisant. Il a des yeux renversants, ça devrait être interdit de les avoir aussi bleus.
— Tu t'appelles Cliona, c'est ça ?
— Oui.
— Enchanté. Moi, c'est Robin, enchaîne-t-il en me gratifiant d'un sourire digne d'une star de cinéma.
— Oui.
En optant pour des réponses monosyllabiques, je le découragerai probablement, j'ai déjà éprouvé cette technique.
— Excuse Cliona, intervient Dorothée, elle est encore un peu sonnée.
— Y a pas de problème, je comprends tout à fait, nous assure-t-il.
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Bientôt...
ParanormalIssue d'une longue lignée de banshees, Cliona prédit la mort de Robin dès leur première rencontre. Bien malgré elle, la jeune fille s'attache à lui. Vaut-il mieux souffrir d'avoir aimé ou souffrir de n'avoir jamais aimé ?