Prologue

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C'est en arrivant dans la ville de Forks, il y a quelques mois déjà, que je me suis rendue compte de deux faits. La première étant qu'il pleut énormément dans cette ville du comté de Clallam. Et la seconde, cette ville à des secrets. Pas comme on pourrait le voir dans la ville de Londres des années 1890, où l'on suspectait les juifs d'éventrer les victimes. Je dirais que c'est presque semblable à la légende qu'on retrouve dans le département de la Lozère, en France, en 1760. Chacun a son avis sur le criminel, mais préfère le garder pour soi. Peut-être que je fabule et que les habitants sont juste étrangement discrets et silencieux sur les attaques animales qui surviennent dans les bois qui entourent la ville. Néanmoins je reste sur mes gardes. En tant qu'étudiante en psychologie criminelle, je me dois de garder un œil ouvert à toutes déductions aussi irrationnelles soient-elles, afin de conserver la situation en main.

Je ne me permettrais pas de manquer le moindre comportement suspect qui pourrait nuire à la vie de ses innocents, s'il s'agit bien de l'œuvre de criminels, comme je le soupçonne. C'est la raison pour laquelle j'assiste les autorités du comté lors des enquêtes similaires, alors que ma filière est du domaine de la médecine. Parfois, nous avons l'occasion de travailler avec le docteur Cullen, qui fait une autopsie post-mortem des victimes.

Bien que ses expressions faciales semblent contrôlées, on peut facilement deviner ce à quoi il pense, si on y prête attention. Dans ces rares cas, il semble inquiet, qui ne le serait pas d'ailleurs, après avoir vu un cadavre déchiré à l'abdomen et mordu grossièrement à quelques endroits.

Sauf que cela ressemble plus à de l'inquiétude mêlée à des remords, mais que pourrait-il regretter ? Ce n'est qu'un simple humain après tout et je vois très mal aller à la chasse à la bête du Gévaudan.

Puis, de temps en temps, quand j'essaie de détecter ses émotions, je sais qu'il m'observe du coin de l'œil, je sent son regard perçant me viser, l'air de vouloir m'épargner cette "vue peut accommodante pour une jeune femme de 24 ans", pense-t-il probablement, cela ressemble à de la bienveillance qu'à du machisme. J'ai envie de dire qu'il représente une figure paternelle pour moi dans cette ville, loin des miens, mais on ne se connait pas assez pour qu'on se tutoie.

Pour le moment ça sera juste le docteur Cullen.Et puis je ne suis pas toute seule ici, bien que je me donne un air de solitaire, quelquefois je ressens le besoin de me sociabiliser, de faire partie d'un groupe d'amis, comme des collègues par exemple. La ville étant petite, tous les services de santé sont regroupés dans un seul et unique bâtiment, ce qui m'a facilité la recherche d'individus avec qui je pourrai potentiellement bien m'entendre. Et c'est le cas. J'y ai d'ailleurs rencontré mon petit ami actuel, ou pour être précise, il m'est tombé dessus, depuis les escaliers du service des urgences, cet abrutis.

Tiens ! Le voilà qui vient me chercher sur le parking de l'hôpital, comme tous les vendredis soirs. Il a fière allure dans sa voiture d'occasion bleue qu'il à sauver de la décharge quand il était plus jeune. Randy n'est pas un fin bricoleur, alors il a demandé à ses amis de la retaper. D'ailleurs, lors de notre premier rendez-vous, il a affirmé qu'il l'avait fait lui-même, et quand ma petite Sandy est tombée en panne il ne savait plus quoi faire. Heureusement que mon père m'a appris quelques ficelles, histoire de ne pas tomber dans ce genre de situation et de devoir dépendre des autres.

- Alors ma belle, tu ne montes pas dans mon bolide ? fait-il à mon attention accompagné d'un joli clin d'œil bien bof.

Je ne saurai dire combien de fois je lui ai demandé de ne plus m'appeler comme ça, je n'aime pas ce surnom et il le sait, alors il continue, pour me charrier je suppose. J'ouvre la portière côté passager, un couinement de provenance inconnue résonne, je ne m'en inquiète plus depuis le temps que je l'entends. On n'arrête pas de lui dire d'aller la faire réviser, mais il ne nous écoute pas, par fierté peut-être. Sur le siège je vois un sachet en papier et un gobelet avec écrit dessus "Junna" au marqueur noir indélébile. Je les prends avant de m'asseoir et embrasse sa joue qu'il me tend comme remerciement.

- Tu sais il n'y a qu'un seul "N" dans mon prénom, lui fis-je remarquer en bouclant ma ceinture.

- La frontière est mince entre l'amour et la haine ma belle, me répond-il fièrement en démarrant son tas de ferraille.

Il s'agissait bien là d'un des nombreux jeux de mots de son répertoire, ça fait partie de son charme et ça me fait sourire, peut-être parce qu'il y a un sens philosophique dans chacune de ses blagues et qu'il ne le sait pas. J'aime son ignorance, ça le rend innocent, il n'a pas l'air d'avoir été touché par tout ce malheur dans le monde. Il a son propre univers et quand je suis avec lui, j'ai l'impression d'y être, ça me permet de m'évader pour quelques instants. Oublier toute cette noirceur que je côtoie au quotidien.

Sur le trajet qui va nous conduire dans l'appartement que je loue au premier étage de la maison de mon propriétaire, je goûte la boisson sucrée dans le gobelet provenant d'une marque célèbre. Je tire une grimace de dégoût au contacte de l'acidité sur ma langue que me procure le fruit, principal ingrédient du breuvage.

- De la framboise, remarquais-je en imitant un début de nausée. Je déteste les fruits ! Tu l'as fait exprès ! le suspectais-je. Tu me dégoûte, lui crachais-je les yeux plissés se dirigeant dans sa direction.

Il continuait à regarder la route tout en arborant un sourire satisfait sur son visage typé scandinave.

- Regarde dans le sac au lieu de pleurer comme un bébé, me conseille-t-il toujours concentré sur la route.

Je dépose le gobelet sur le porte bouteille dédié à cet effet pour qu'il puisse le terminer et m'empresse d'ouvrir l'enveloppe en papier, une odeur de chocolat vient me frapper de plein fouet. Serait-ce un carré de brownie et un éclair au café que je vois se battre en duel dans le fond du sac ?

- Mmh, pas mal, commençais-je. Tu t'es bien rattrapé, je te pardonne, avouais-je en savourant ces délicieuses viennoiseries et faisant attention à ne pas faire tomber la moindre miette.

Durant le trajet, j'observais par la vitre mouchetée de goûtes, la beauté des paysages que nous offrait la région. Un bout de la route nous faisait traverser par la forêt. La biodiversité de la ville étant essentiellement composée de sapin, de gibier et de poisson, je m'y sentais bien. En prime le ciel est rarement dégagé et c'est tant mieux. Je n'aime pas le soleil, dès qu'un rayon de lumière transperce les nuages, je me recouvre de crème solaire. Je n'ai aucune envie de me retrouver à 40 ans la peau brunie, ridée, pendante et tâchée par des cellules cancéreuses dû à une exposition aux rayons UV. Ou c'est peut-être parce que la peau bronzée fait ressortir mes cernes naturellement creusées.

Une fois arrivés devant la maison, je me munis de mon parapluie et l'ouvris aussitôt sorti de la voiture. Randy me rejoignit en éclaboussant mon jean jusqu'aux genoux par la même occasion. Il me raccompagna en bas de l'escalier d'extérieur. Sa main chaude recouvrant ma joue refroidie par le temps et posa ses lèvres sur les miennes. Je sentais son autre bras enrouler ma taille, offrant à mon corps le moyen de se réchauffer. Je savais ce qu'il voulait et il allait l'avoir, parce que j'en ai envie aussi. On allait donc finir la soirée tous les deux dans mon lit, nos corps nus entremêlés et collés l'un contre l'autre, savourant chaque instant les délices que nous apportait la fougue de la jeunesse.



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⏰ Dernière mise à jour : Jan 31, 2022 ⏰

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