Comme tous les jeudi, Delphine s'apprêtait à parcourir les quelques kilomètres qui la séparaient de la Tour de Gassies. Ce soir-là, le temps était à la pluie. Gris et froid. Elle ne pouvait certainement pas s'imaginer que seulement quelques mois la séparaient de sa nouvelle vie.
« Ma bibliothèque va être bondée ! », se dit-elle. Elle savait que la météo jouait beaucoup sur le moral des patients... Mais au lieu de la décourager, cette perspective lui donnait plutôt de l'énergie, comme à chaque fois que, depuis cinq ans maintenant, elle consacrait ses soirées et une partie de ses week-ends à la Tour.
Ses enfants étaient grands, et ses soirées trop longues. Elle avait voulu faire quelque chose d'utile.
Plus que son boulot, cette mission de bénévolat lui donnait ce supplément d'âme qui lui était nécessaire pour se sentir en vie, à nouveau.
Arrivée au centre, la pluie redoublait. Elle se gara sur le parking réservé au personnel... « Même si je ne suis que bénévole... » se disait-elle parfois, « je fais quand-même un peu partie de l'équipe maintenant ! ».
Elle dépassa l'accueil, vide à cette heure, en fermant son parapluie. A l'entrée, quelques affiches institutionnelles jaunies rappelaient la visée médicale du lieu : « votre carte vitale est-elle à jour ? ». Des mots rageusement tapés à l'ordinateur par une secrétaire médicale, police Times New Roman taille 48, puis imprimés sur une feuille A4 désormais à moitié déchirée, vivotaient sur le mur dans l'espoir trop souvent déçu d'éviter de rabâcher les mêmes consignes à chaque nouvel arrivant.
Elle lança un petit coucou en direction de la loge du gardien :
- Salut Emile, toujours pas le temps de passer me voir ? »
Le gardien était trop absorbé par son match de foot et le sourd brouhaha émis par la vidéo sur sa tablette. En guise de réponse, il brassa l'air avec sa main de libre, ce qui signifiait probablement : « Plus tard ! ». Comme toujours. Car Delphine n'avait encore jamais vu Emile franchir le seuil de sa petite structure.
Le couloir vers le bâtiment D était long, blanc et trop éclairé. Pas chaleureux, malgré les efforts évidents de certain personnel pour égayer l'endroit.
Quelques peintures à l'aquarelle avaient été pendues tout le long du couloir, à des hauteurs diverses. Elles étaient probablement le fruit d'ateliers thérapeutiques révolus depuis longtemps. Le résultat n'était pas loin de ressembler à une exposition défraîchie de peintres amateurs.
Mais pourquoi donc avoir peint ces lignes orange et bleue qui courraient le long des murs de l'institution, sans but apparent ? Un soucis géométrique ? Delphine ne pouvait s'empêcher de se poser la question à chaque fois que son esprit divaguait entre ces murs...
Ce soir, quelques pensionnaires attendaient Delphine. Pour rendre des livres, lui demander des revues, ou simplement passer le temps dans ce petit havre de paix. Ils la virent arriver du bout du couloir, suivant des yeux la ligne orangée malgré elle. Elle posa ses affaires sur son petit bureau bien rangé et entama la discussion avec l'un d'entre eux. Elle savait se rendre attentionnée : c'était pour ses qualités humaines qu'elle était surtout appréciée.
Elle qualifiait ses visiteurs de « pensionnaires », là où le reste de l'équipe médicale utilisait évidemment le terme de « patients » . Elle trouvait que cela donnait un petit air de pension de famille, partagée malgré eux. Façon Eugène Rastignac. Un peu suranné, mais tellement ressemblant !
Et pourtant, ici beaucoup plus qu'ailleurs, il aurait fallu les appeler des forçats de la rééducation, tels les forçat ferrés de Victor Hugo, au départ de la prison de Bicêtre. Des cabossés, des estropiés, des grands invalides. Des accidents de voiture, de sport trop intense, des scooters glissant sous la pluie. Des fauteuils roulants, des béquilles, des attelles. Des médecins, des kinés, des « soignants ». Un établissement hospitalier : CMPR pour Centre de Médecine Physique et de Réadaptation.
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Un Peaky Blinder peut en cacher un autre...
FanfictionComme tous les jeudi, Delphine s'apprêtait à parcourir les quelques kilomètres qui la séparaient de la Tour de Gassies. Ce soir-là, le temps était à la pluie. Gris et froid. Elle ne pouvait certainement pas s'imaginer que seulement quelques mois la...