Je voulais seulement qu'on m'aime

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« Loves me. Loves me not. Loves me. Loves me not... »

Des notes enfantines, fredonnées au détour d'un couloir.

« Grande sœur ? Qu'est-ce que tu chantes ? »

Une petite fille adorable venait de poser ingénument cette question. De longs cheveux blonds cascadaient sur ses épaules chétives, encadrant son visage de poupée éclairé par d'immenses yeux bleus. Sa petite bouche rosée se tordait en une moue interrogative. Sa longue et ample robe vert émeraude voletait autour de ses jambes tandis qu'elle avançait à petits pas sur la moquette carmin. Elle serrait précieusement dans ses bras une poupée assez laide, à la peau bleue, aux cheveux en ficelles noires, et dont les yeux rouges et globuleux mettaient mal à l'aise.

« Mary ? C'est juste une comptine. »

La voix douce et suave qui venait de répondre appartenait à une magnifique jeune femme. De longs cheveux d'un brun chaleureux entouraient ses traits nobles et gracieux. Ses yeux écarlates emprisonnaient le regard de leur éclat. Elle était vêtue d'une élégante robe rouge qui mettait en valeur sa silhouette fine. Jusqu'à la taille. Le haut de son corps émergeait d'un tableau adossé contre un mur et ses jambes disparaissaient dans une brume incertaine à l'intérieur de la toile.

« Une comptine ?

- Oui. Elle se chante avec une fleur normalement, mais je n'en ai pas.

- Une fleur ? Tu veux que je te prête la rose que m'a donnée papa ? »

La dame en rouge eut un sourire attendri et caressa la chevelure d'or du petit ange.

« C'est gentil Mary, mais cette fleur est bien trop précieuse pour cette comptine.

- Comment ça ? »

L'étrange jeune femme réfléchit quelques instants à la meilleure façon d'expliquer le jeu à la fillette. La façon qui la ferait le plus rêver.

« Vois-tu Mary, se décida-t-elle finalement, ce n'est pas une chanson ordinaire. C'est une formule magique. Si quelqu'un te donne une fleur, il faut que tu la chantes enlevant délicatement chaque pétale. Loves me, un pétale, loves me not, un autre, jusqu'à ce que la fleur n'en ai plus. Si tu enlèves le dernier pétale en disant loves me, alors la personne qui t'a donné la fleur t'aimera pour toujours. »

Les yeux de Mary brillaient. C'était merveilleux ! Elle qui craignait tant qu'on puisse ne pas l'aimer, il lui suffirait d'une fleur !

Mary repartit en sautillant. Un jour, des gens viendraient de l'extérieur, et maintenant qu'elle connaissait la comptine, ils seraient forcément ses amis !

Et elle et ses amis pourraient rester together for ever !

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Mary pleurait. Elle pleurait en serrant contre son cœur la rose jaune que papa lui avait offerte. De toute façon, elle ne l'avait jamais aimé, alors pas de raison d'être malheureuse ! C'est ce qu'elle se répétait alors que d'énormes sanglots résonnaient dans le couloir.

Elle avait été si contente quand Ib et Garry avaient répondu à son invitation et étaient venus la rejoindre dans son monde ! Au début, elle pensait leur dire tout de suite qui elle était, mais quand Garry lui avait demandé si elle venait aussi de la galerie, elle avait bafouillé et il avait pris son début d'explication pour une confirmation, et après elle n'avait plus osé rétablir la vérité. Alors elle était partie avec eux pour chercher la sortie. Ce serait super s'ils pouvaient l'emmener avec eux dans le monde réel ! Après ça, elle ne serait plus vraiment une peinture, et ce serait comme si elle n'avait jamais menti, pas vrai ?

Je voulais seulement qu'on m'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant