Ebehne S.: Le début de la fin

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« Aujourd'hui est un jour sacré ! », « C'est vraiment le meilleur jour de l'année ! », « J'attends ça depuis tellement longtemps ! » « Enfin un peu de repos » et je vous en passe...

Ce jour est pour moi un jour banal voir pire que les autres, la cause ? Chaque année à cette période même je suis assigné au récurage des toilettes. Ouais c'est ça marrez vous ! Et oui, je n'ai pas le droit à un minimum répit même lors d'un jour sacré.

En même temps quand on est dans la résistance, fêter les jours sacrés des Dieux ne fait pas parti de nos habitudes.

Si j'avais été parmi les miens à Riso capital de Osir'as, j'aurais assisté au départ des femmes et hommes âgés de dix huit ans. Ils quittent définitivement leur famille pour aller fonder la leur ailleurs.

A partir de ce moment-là, ils se débrouillent tout seul ; c'est à dire qu'ils doivent trouver un logement et un revenu sans l'aide de personne, c'est ce qu'on appelle l'incération à la société.

Nombre d'entre nous échoue et se retrouve SDF, entre dans un gang ou vit en marge de la société. Mais étant chez les résistants je n'aurai pas à subir cette Cérémonie dans 3 ans.

-A quoi tu rêvasses morveux ? Allez feignant frotte plus fort,ça va pas se faire tout seul !

Je le maudis tout bas mais me remets tout de même au travail. Dans mon dos j'entends les ricanements des plus âgés assis à une table non loin de moi en train de boire de la bière.

Ils me fixent tout en se moquant et font des blagues toutes plus déplacées les unes que les autres. On dirait une bande de brigands assis à une taverne avec leur barbe touffues qui aurait bien besoin d'être ratiboisée de temps en temps et leurs vêtements sales et troués. Tout ça pour dire qu'eux ne font rien !

-Eh, gamin t'as entendu ce que je t'ai dit ?!

Et pour bien appuyer le tout, il m'enfonce un coup de pied dans les côtes qui m'envoie valser sur les chiottes.

Ma mâchoire est la première à recevoir le choc et je sens déjà le goût métallique du sang envahir ma bouche. Avec un juron je relève, balance le linge avec lequel je frottais par terre et fais face à Arthus, mon père.

Celui-ci en voyant mon affront éclate d'un rire gras et caverneux en se tenant le ventre. Je ne me savais pas drôle à ce point. Mais ses yeux restent froids et calculateurs, d'un geste bien plus rapide que ce à quoi on s'attend de la part d'un ivrogne, il m'attrape par le col -oui, parce que par les cheveux c'est un peu plus dur, puisqu'ils sont coupés à ras à son grand désespoir- me soulève et approche son visage à deux centimètres du mien.

Je peux sentir l'haleine pestilentielle qu'il dégage en respirant comme un bœuf. Il faut dire aussi que je ne suis pas léger, léger non plus. Quoiqu'il en soit il m'assène deux claques avant de me jeter à terre et de me cracher :

- Espèce d'ingrat, ta mère est morte en couche pour que toi, tu puisses vivre, et c'est comme ça que tu me remercies de t'avoir gardé avec moi et élevé ?! J'ai fait tous les sacrifices possibles et imaginables pour toi ! J'ai même quitté Riso pour t'élever en sécurité et regarde un peu comment tu me le rends !Il cria ces dernières paroles tout en postillonnant.

Le silence s'était fait autour de nous, et tout le monde épiait la scène d'un œil curieux. Mon père me regarda encore un instant avec dégoût et se retourna pour partir.

Avant de laisser échapper quelques larmes devant cette bande d'abrutis je me retournai et me remit mon travail.

Après toutes ces années, je devrais être habitué à ce laïus pourtant les larmes viennent toujours aussi facilement. Si c'est un moyen de défense, ce n'est pas très pratique, par contre question ridicule, c'est réussi.

CALIETOSS - RenaissanceWhere stories live. Discover now