Un bruit régulier résonnait perceptiblement en cadence parfaite le long des immenses murs qui entouraient la salle du trône. Ce claquement persistant provenait d'une main ou plutôt de doigts lancés à un rythme soutenu sur l'accoudoir du trône en fer noir. Des doigts fins mais forts et habitués au combat comme le prouvait de nombreuses petites cicatrices le long de ces phalanges. A part la personne à qui appartenait les doigts, la salle était entièrement vide. Un vide désagréable, ce vide souvent source de solitude forcée. Les grandes portes de la pièce étaient closes comme pour rappeler à la jeune femme qu'elle ne jouissait pour l'instant d'aucune liberté. Le claquement continuait et semblait rebondir sur ces portes comme pour protester mais le son finissait toujours par revenir. Il tournait, tournait et s'évaporait. Une habitude dérangeante pour les autres mais qui apportait à la jeune femme un calme certain. Cela lui permettait de réfléchir, de focaliser ses pensées sur ce à quoi elle voulait penser et non à cette soif de liberté, à cette envie de se lever et de hurler sur tout le monde si seulement ça avait servi à quelque chose. Elle était fatiguée de toute l'injustice qu'elle ne pouvait pas changer, de toute la pauvreté qu'elle ne pouvait qu'observer du haut de ses tours de pierres. Elle voulait faire quelque chose, n'importe quoi tant qu'elle aidait un peu.
Sur le côté droit du trône, aucun mur ne brisait l'image de l'horizon. Le soleil se couchait. Un surprenant couché de soleil prenant des teintes vertes foncées se reflétait sur les nuages. La jeune femme avait le regard rivé sur cette arc-en-ciel bleuâtre tirant sur le vert. Ses yeux brillaient en fixant l'horizon. Une fin, un nouveau départ. Pour tout le monde ?
En même temps que le soleil se couchait, les tapotements ralentissaient et avec eux les prises de consciences, les questions sans réponses et les énervements. Toute la concentration de la jeune femme était focalisée sur cet astre lumineux qui continuait sa route pendant qu'elle avait l'impression de se débattre pour ne pas couler. Le silence se fit et l'atmosphère se fit légère comme si le monde s'était arrêté de tourner pour regarder la longue descente d'une étoile. Ce silence était enfin reposant.
Mais tout ce qui est agréable ne dure jamais bien longtemps, n'est-ce pas ? Une personne toqua contre la porte et le bruit résonna, brisant le silence de manière assourdissante. Sans qu'aucune parole ne se soit élevée, la porte s'ouvrît, un homme entra. Une silhouette maigrelette et un crâne chauve définissait le physique appartenant au perturbateur. Il entra d'une manière digne, une prestance royale qui contrastait avec la quiétude et l'atmosphère de la pièce avant son arrivée. Une sorte de toge blanche plissée sur l'épaule, une longue rayure verte l'ornant, il s'approcha de la jeune femme qui refusait de le regarder, lui et son pouvoir si clinquant. Cependant, l'homme ne se démontât pas et il entreprit d'indiquer à sa fille sa présence par une toux rauque. Elle tourna lentement la tête vers lui, montrant un ennui évident. Ses yeux restèrent malgré tout fixé sur l'horizon. Tout en elle était fait pour montrer à son géniteur qu'elle n'était pas un de ses sujets qui lui appartenait et lui obéissait au doigt. L'armure noire qu'elle portait cliquetât légèrement. Le silence se fit lourd. Père et fille restèrent ainsi rendant le malaise palpable et le jeu sourd fut de ne pas prendre la parole le premier. La jeune femme daigna tourner les yeux lentement vers l'homme qui avait troublé sa sérénité. Ce fut lui qui brisa le silence.
- Je passais par là donc c'est moi qui vient te prévenir que le « dîner du peuple » va débuter.Le jeune femme se retint de lever les yeux au ciel. Le « dîner du peuple », juste le nom était le plus grand ramassis d'hypocrisie de tout le royaume. Ce nom était comme les jeux pour les romains, un moyen de détourner le peuple de sa misère. Cet événement ne s'appelait « dîner » que parce qu'il se faisait à cette heure et l'on n'y mangeait absolument pas, de toute manière il n'y avait pas de nourriture. Pas question de montrer au peuple ce qu'il ratait. Ou du moins ce à quoi il n'avait ni le droit ni l'argent pour l'acheter. De toute façon, la culture de ce royaume indiquait clairement que regarder dans l'assiette des monarques était synonyme de mendier et pour ça, ce peuple était trop fier. Il préférait mourir que quémander. Et il le faisait. Il mourrait. A petit feu, lentement mais sûrement. Il mourrait de pauvreté, de faim et des conditions déplorables dans lesquelles il vivait.
Cet événement était comme un cahier de doléances : les gens venaient et faisaient des réclamations, demandaient justice ou protection,... Ils arrivaient debout, ils demandaient et ils repartaient avec ce qu'ils avaient demandé ou avec la tête coupée. Simplement. Efficacement. Cela empêchait les petits rigolos à faire perdre du temps au couple de monarques et ça divertissait le peuple. Et puis si il n'y avait pas assez de têtes coupées d'après le peuple, la tête des innocents étaient aussi susceptibles d'être coupées, après tout ils avaient quémandé. A la fin de la soirée, les marchands d'esclaves apportaient leurs nouvelles trouvailles et les offraient aux monarques en signe de paix. Les esclaves venaient soit de pays voisins colonisés, soit c'étaient des personnes qui auraient du finir leur vie en prison et les marchands les récupéraient. Le « dîner du peuple » avait lieu tous les premiers dimanches du mois.La jeune femme, exaspérée, se leva avec lenteur et passa devant son géniteur d'un pas royal sans un regard pour lui. Elle prit la direction de la salle des repas sans même attendre que l'homme eut commencé un geste. Son pas rapide claquait contre le sol, annonçant son arrivée à toutes les personnes qui attendaient. Elle entra dans la salle, sa cape rouge accrochée à son épaule flottant quelques centimètres derrière elle tel un commandant rentrant victorieux d'une mission particulièrement difficile. Après tout c'est comme cela que les gens l'appelait « Commandante ».
Elle s'assit gracieusement à sa place attitrée, à la droite de son père. C'était sa façon à lui de l'inclure dans toutes ses décisions que la jeune femme détestait. Mais il fallait rester neutre même lorsque un père de famille se retrouvait la tête tranchée pour avoir demandé un quignon de pain pour nourrir ses enfants. Le visage inexpressif. Le maquillage de guerre qu'elle portait presque en permanence aidait grandement. Cependant l'expression : les yeux sont les miroirs de l'âme était terriblement juste et la jeune femme se battait pour rester stoïque. Pendant cet événement, son avis était demandé seulement lorsque l'armée était incluse dans l'affaire puisque qu'elle dirigeait ces mêmes armées, pas le peuple.
Toute la salle s'était tue quand elle était entrée. Personne ne parlait, personne ne bougeait.Le roi entra à son tour et s'assit à la gauche de la jeune femme. Pas un regard, pas une parole. Rien qui montrait aux étrangers leur lien familial. Cependant cela arrangeait tout le monde. Le jeune femme se força à sourire en regardant son peuple à ses pieds, le genou droit par terre comme le veut l'étiquette. Elle détestait ça, elle détestait la soumission, elle détestait l'étiquette et par dessus tout elle détestait devoir être au dessus des autres. Ne naît-on pas égaux ?
La soirée se passa, ni mieux ni pire que d'habitude. La cour était contente. Quelques têtes avaient été perdues et les paris récoltés. Le pari était une énorme distraction pendant cette soirée et la jeune femme aimait observer les transactions, les tensions, les alliances. Elle apprenait de sa cour, à qui faire confiance, à qui donner l'ordre de tuer,... En plus, cette activité faisait passer la soirée beaucoup plus vite.
Le fin de soirée arriva et avec elle le pire des moments. En effet, contraindre des personnes à abandonner leur liberté et les vendre au plus offrant ne faisait certainement pas partie des valeurs de la jeune femme. Mais comme chaque fois, elle ne dit rien.
D'habitude, elle portait peu d'importance aux esclaves, sa manière de leur montrer qu'ils n'étaient pas des bêtes de foires peut être. Le marchand des esclaves hommes passa, rien d'anormal. Un cuisinier fut recruté par les cuisines du palais. Un homme situé dans la norme : les cheveux bruns, les yeux marrons et une carrure pas trop importante au cas où il résiste.
Elle regarda distraitement la file d'esclaves femmes et un détail la surprit. D'ordinaire, les femmes esclaves portaient soit un chèche marron, vert foncé dans ces teintes là pour cacher leurs cheveux avec une couleur semblable soit elles portaient un chèche d'une couleur criarde, détonnante pour attirer l'attention d'un acheteur, le plus riche possible car elles vivraient mieux. Seulement aujourd'hui, une jeune femme portait un chèche noir, tout noir. Dans la culture de ce pays, le noir symbolisait le combat. Le jeune femme ne put s'empêcher de se demander contre quoi la jeune femme se battait, et si elle avait une chance de gagner. Elle observait tout en gardant son visage marqué par l'ennui pour ne pas qu'on la remarque. L'esclave avait une peau très blanche presque translucide par rapport aux femmes qui l'entouraient. Le chèche contrastait d'une manière magnifique avec la blancheur de son visage.
Perdue dans ses pensées, le jeune femme n'entendit pas lorsque le roi l'interpella la première fois, ni la deuxième fois. Son père cria pour finir en utilisant son prénom en entier, chose qu'il ne faisait presque jamais :
- Alexandria !
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You're my evidence of love's existence (FanFiction)
FanfictionUn autre univers, une autre histoire. Une histoire de prince charmant avec une Commandante à la place du prince et pas vraiment le côté charmant... Injustement, Clarke se retrouve esclave de la Commandante tandis que la couleur de ses yeux et de ses...