Olli se tenait debout devant le miroir de son salon. Concentré, son attention était tournée vers ses mains qui s'acharnaient à nouer le nœud de la cravate rose pâle qu'il portait autour du cou. C'était rare qu'il mette ce genre de tenue en dehors de la scène. D'habitude, il restait plus simple, mais aujourd'hui était un jour particulier.
Le guitariste s'était levé tôt, après une nuit d'insomnie. Seul chez lui, il avait laissé son esprit à ses songes, ses doux souvenirs qu'il chérissait par dessus tout. Mais cette nuit, tout cela avait revêtu un goût plus amer. Après plusieurs heures ainsi perdu au fond de lui-même sans fermer l'œil, loin de son éternel sourire, seul dans le noir, Olli avait abandonné ses tentatives pour trouver le sommeil. C'est vrai, il n'avait pas essayé aussi fort qu'il aurait pu, mais il n'en avait pas eu l'envie. Il faisait encore nuit quand il avait ouvert ses rideaux. Le blond était allé dans la cuisine, se faire couler un café. Il en aurait besoin aujourd'hui, ça ne faisait pas de doute dans son esprit. D'ordinaire, il maintenait un équilibre au cœur de ses pensées, préférant profiter autant qu'il le pouvait de son existence et garder en mémoire, non sans une intense nostalgie, les souvenirs dont il refusait qu'ils deviennent douloureux. Evidemment, le blond avait, par le passé, traversé des périodes difficiles, mais depuis quelques années, il avait choisi de rendre aux images qu'il avait gardé en mémoire le ton heureux des instants auxquels elles avaient appartenu, loin de la mélancolie. Cependant, en ce début de novembre, il ignorait s'il serait en mesure d'être positif. Un double anniversaire bien trop lourd à son cœur. Et un flot de peine qui l'emportait et l'emporterait, comme chaque année.
Olli avala son café sans sucre. Il était plus efficace ainsi selon lui. Deux de ses amis le rejoindraient dans quelques heures afin qu'ils marchent ensemble jusqu'au studio où répétait leur groupe de musique. Mais d'ici là, il avait le temps de laisser ses doigts le guider le long du manche de sa guitare électrique. En retournant dans son salon, il s'enquit de l'absence de cette dernière. La veille, il avait tellement été troublé par la perspective du lendemain qu'il en avait oublié sa guitare. Il imagina alors un homme brun entrer dans le studio qu'il inaugurait le premier chaque matin, passer à côté de cette guitare flamboyante à laquelle il jetait un coup d'œil rapide et insignifiant, avant de se détourner.
Qu'est-ce qui prenait à Olli aujourd'hui ? Il n'était jamais aussi pessimiste d'habitude. Peut-être que cette années supplémentaire était de trop, comme marquée au fer rouge au creux de sa peau. Le blond aurait pu jouer la mélodie qu'il avait en tête sur sa guitare acoustique, mais il ne se sentait plus de faire sonner la moindre corde. Il regarda l'horloge dont le bruit résonnait en écho sur les mur blancs de la pièce. Il était un peu plus de 7h. Marko n'arriverait pas avant au moins deux heures et Markus ne serait là que plus tard. Dans un long soupir, Olli ouvrit la porte de sa chambre dans laquelle il récupéra quelques vêtements aux couleurs sombres. Il les enfila à la hâte, éteignit les lumières de sa maison et entreprit de marcher un moment.
L'hiver approchait et le paysage arborait déjà un manteau d'un blanc immaculé. Il n'y avait pas de bruit dans les rues, personne. Le souffle du guitariste formait un nuage de vapeur dans l'air frais. Le blond frissonnait de temps à autre. Le froid lui glaçait les veines, mais ça lui faisait du bien. Il n'était pas extrêmement fréquent que l'homme sorte ainsi. Il préférait en général le contact chaleureux des cordes de sa guitare contre ses doigts à celui des flocons de neige polaires sur sa peau. Mais à vrai dire, aujourd'hui, les choses s'annonçaient différentes, puisque le jour était si spécial. Même s'il avait fini par accepter à contrecœur les événements auxquels renvoyaient cette date, la décennie écoulée de la sorte sonnait comme un coup de tonnerre aussi déchirant que définitif.
Olli renifla, les paupières à demi fermées, le teint pâle, les traits tirés. Tout ce qu'il faisait le ramenait sans cesse à son passé. Chaque jour. A chaque seconde. Comment pourrait-il oublier ? Comment faire abstraction de la peine et de la culpabilité qui lui nouaient la gorge depuis toutes ces années ? Oui. Aujourd'hui ça faisait dix ans. Et comme depuis dix ans, il allait se torturer avec ses souvenirs. Il allait souffrir de voir celui qu'il avait perdu. Ouvrir à nouveau la déchirure de son cœur, attristé, désolé de ses choix. Il allait souffrir de voir une autre année sur le visage de cet homme, souriant aux autres qui lui offriraient leurs vœux, tandis qu'il l'observerait en silence. Lorsqu'il l'avait perdu, il avait perdu bien plus qu'un ami. Il avait tout perdu. Pour Olli, ça ne faisait pas le moindre doute : tout était de sa faute.Certes, les autres jours, il faisait semblant, il se persuadait lui-même que le temps adoucirait ses blessures, qu'il fallait garder espoir, continuer de faire vivre les bons souvenirs en omettant le seul qui était douloureux. Mais fatalement, chaque année à la même date, celui-ci ressurgissait, se plantant un peu plus profondément,tel un poignard dans l'âme du musicien.
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Eternity [Poets Of The Fall] Français/English
FanfictionFrançais / English Six hommes, un groupe, trois histoires : Poets Of The Fall I - Après dix ans, rien n'avait changé entre eux. Leurs sentiments, toujours intacts, ne pouvaient pas de nouveau les faire souffrir. Sauraient-ils enfin se regarder, se p...