Eternity [Poets Of The Fall] Français/English

[FR] 4 - Retrouvailles (Dancing On Broken Glass)

Les deux hommes firent quelques pas, l'un à côté de l'autre, en silence. Le froid automnal, brusquement, leur avait rendu une part de leur lucidité.Alors que quelques instants plus tôt, ils partageaient une étreinte divine, aucun d'entre eux n'osait plus regarder l'autre à présent.Ils avançaient lentement, leurs pas s'enfonçant dans la neige.

Jari était fébrile. La fraîcheur de l'air finlandais contrastait avec son corps brûlant. En quelques heures, il avait traversé plus d'émotions qu'en l'espace de dix ans. Perdu, il tentait vainement de mettre de l'ordre dans ses idées. Tout se bousculait en lui, et plus rien n'avait de sens. S'était-il trompé lorsqu'en jouant avec Olli, il avait cru déceler un bonheur partagé plus fort que de raison dans le regard du guitariste ? Il savait qu'il ne pouvait ni ne voulait plus reculer. Il allait enfin parler au blond. S'il avait conscience qu'il ne supporterait pas de perdre cet homme si cher à son cœur à nouveau, après avoir cru le retrouver, il ne faisait aucun doute qu'il n'était plus capable de se taire et de garder pour lui ce qui le torturait depuis si longtemps. Le cœur du batteur tambourinait dans sa poitrine. Définitivement, rien ne s'était atténué pour sa part, mais qu'en serait-il d'Olli ? Le jeune homme ressassait ses peurs en boucle, mais cette conversation y mettrait fin.Cependant, se pouvait-il qu'au delà d'achever celles-ci, ce soit son existence à laquelle elle mette un terme ?

Olli mit ses mains dans ses poches, cherchant à cacher les tremblements nerveux de ses mains. Le contact du corps de celui qu'il chérissait tant ne quittait plus son esprit. Il aurait voulu rester près de lui, contre lui, pendant des heures. Pourtant, il s'était résigné à le lâcher. Après tout, il était probablement le seul à n'avoir pas su traverser cette épreuve, une décennie plus tôt, autrement qu'en se créant un masque fragile de mensonge. Ce qui s'était produit dans le studio l'avait troublé au delà de l'imaginable. S'il était arrivé avec la ferme intention de dire enfin au brun ce qu'il ressentait, et de s'excuser pour ce passé si douloureux, il ne s'était pas attendu à un tel accueil. Ses amis avaient-ils eu raison d'affirmer que le plus jeune du groupe n'avait toujours d'yeux que pour lui ? Il lui avait semblé en effet que Jari avait lui aussi senti cette alchimie dans ce morceau, qu'Olli, qui le jouait seul chaque jour, avait entamé sans la moindre hésitation.

La mélodie résonnait encore dans leurs oreilles. Ils étaient, avant ce jour, les seuls à l'avoir jamais entendu. Ensemble, ils l'avaient joué si souvent. Le guitariste avait écrit une tablature en l'honneur du batteur. Jari avait eu du mal à retenir ses larmes lorsqu'il l'avait entendu pour la première fois. Cette musique, c'était la leur. Touchés que l'autre se souvienne si bien des notes, ils avaient, l'espace d'un instant, retrouvé leur complicité perdue et regrettée.

Le blond, les joues rosies, davantage par la présence du brun que par le froid, passa une main dans ses cheveux. Jari le regarda furtivement, songeant à cette manie de son aîné lorsqu'il se sentait anxieux. Le batteur s'immobilisa à l'angle du bâtiment qu'ils longeaient. Il n'y avait pas de fenêtre à cet endroit, et même s'il savait que leurs amis ne les auraient pas observés, il voulait être complètement seul avec Olli. L'un en face de l'autre, ils se sourirent, gênés par cet instant qu'ils redoutaient autant qu'ils avaient espéré. Finalement, le guitariste, d'un ton qui se voulait détaché mais qui trahissait un certain stress, se décida à briser la glace.

« - Joyeux anniversaire Jari. Le temps passe vite, trente-six ans aujourd'hui...Fit-il, nostalgique. Dix ans ont beau être passés, tu n'as pas tellement changé, le temps te va si bien. Tu es toujours plus talentueux que la veille, toujours plus souriant, la même flamme dans le regard... Il marqua une pause, plongeant ses yeux dans celui du batteur.

- Merci Olli, même si je continue de penser que je ne serais jamais aussi talentueux que tu ne l'es, et que mon regard ne sera jamais à la hauteur de l'intensité du tien. Répondit la batteur, troublé. »