Lorsque Max avait donné l'ordre de se tirer, je n'avais pas fait un mouvement. Pas un muscle n'avait bougé hormis ceux de mes maxillaires qui laissaient tomber mon menton à terre. Il s'était contenté de soupirer en levant les yeux au ciel et entreprit de faire mes bagages. Cela lui prit le temps très conséquent de quarante-cinq secondes. Prenant mon autre sac qu'il posa sur son épaule, il me fit signe de le suivre.
- Mais, Max, on n'a pas pris les casseroles et les couverts et les assiettes et ... commençais-je à paniquer.
- Et bien on laisse ça sur place. Tu crois vraiment que ces trucs pourris te serviront ? T'as tout pris à l'économie au ferrailleur du coin !
- Mais ça a quand même de la valeur !
- Ça dépend ... Ça a l'air d'avoir fait la guerre de quatorze alors peut-être chez un antiquaire ! J'espère que t'as désinfecté avant d'utiliser ! Je suis certain que depuis plus d'un siècle, ces trucs ont dû en voir passer des râteliers de mémés !
Devant ma grimace à la fois outrée et dégoûtée, Max laissa échapper son fidèle rire éclatant. Il ouvrit la porte et prit la direction de la sortie. Moi ? Et bien, je le suivis, comme un toutou à sa mémère. Exactement comme la première fois que je l'avais vu. Nous voyant déménager, mon propriétaire concierge vint immédiatement réclamer son dû. Je ne sais pas ce qu'a bien pu lui dire Max, mais celui-ci vira au blanc cassé genre teint que l'on a tous après les excès d'une fête beaucoup trop arrosée. Bon, moi, je n'avais jamais exagéré. Il faut dire aussi que je n'en avais jamais eu l'occasion. En fait, j'étais bien trop occupé à étudier et à vouloir devenir le fils parfait. Je coupais là les rêveries de mon cerveau instable et essayait de me concentrer de nouveau sur la scène qui se jouait devant moi. J'entendis vaguement des mots comme insalubre, marchand de sommeil et plainte officielle. Et c'est ainsi que Max prit encore soin de moi puisqu'il avait réussi à me permettre d'économiser une semaine de loyer et à quitter ce trou à rats.
Nous nous retrouvâmes à la gare, sur le quai, attendant sagement le train qui nous mènerait à Paris. En tout cas pour Max parce que moi, las, je me sentais un peu sous les ponts. Je subissais les évènements. J'étais bien trop épuisé pour protester ou bien même me projeter dans le futur. Déjà vivre la seconde d'après était une victoire. Je ne parlais pas, je ne faisais que suivre Max, ses cheveux roux me servant de repère devant moi. Nous étions assis sur un des bancs du quai en silence en écoutant les annonces des haut-parleurs. Max regardait au loin, visiblement perdu dans ses pensées et échangeant quelques messages au travers de son téléphone. La culpabilité me fit sentir ses crocs plus profondément encore. Il était là avec moi alors qu'il avait sa vie. Il avait sans doute des amis et des occupations bien à lui après le service. Je me sentais si fatigué. Cela aurait été si simple de se lever et courir droit devant moi en espérant une libération rapide mais je ne pouvais pas infliger ça à cet homme qui aujourd'hui en avait fait plus pour moi que mes propres parents. Le regardant, mes yeux se brouillèrent sous la montée soudaine des larmes.
Ce fut le moment où Max tourna la tête vers moi tout en me détaillant, un peu surpris. Il reprit son sourire en coin et continua d'échanger avec Dieu sait qui sur son téléphone. Il ne disait toujours rien lorsque le train arriva et qu'il me poussa à l'intérieur. Il souriait toujours lorsqu'assit confortablement il tapota la place à côté de lui pour que je le rejoigne ce que je fis sans protester. Sans que je puisse même prendre le temps de me rendre compte de ce qu'il se passait, il avait entouré mes épaules de son bras me serrant contre lui.
Le temps d'un battement de cils, Max me secouait doucement m'indiquant en chuchotant à mon oreille que nous étions de retour à la maison. La maison ? Quelle maison ? Je n'en avais plus depuis que mes sacs étaient sortis du foyer. J'avais encore la chance d'avoir un travail malgré la pagaille que j'avais étalée partout aujourd'hui. Ça n'allait certainement pas durer. Nous rejoignîmes le quai, sagement, comme des êtres humains parfaitement civilisés puis Max me conduisit jusqu'au café. Les collègues de l'après-midi et de la soirée avaient pris leur service à leur tour et furent surpris de nous voir arriver. Ils échangèrent quelques mots avec Max puis celui-ci appela encore une fois quelqu'un par téléphone. Le boss apparut et les deux semblèrent échanger des mots furtifs tels des comploteurs professionnels. Après un mouvement de tête d'approbation, Max me rejoignit me faisant signe de le suivre. Après quelques minutes de marche, il ouvrit une porte dessinée dans le porche d'un immeuble ancien et me faisant signe de le suivre. Quelques marches dans un bel escalier d'époque et j'arrivais sur un petit palier élégant. Max était déjà en train d'ouvrir la porte d'un appartement. Il me fit signe d'approcher et me fit entrer dans un charmant studio lumineux et chaleureux.
- Bon, et bien mon husky, voilà ton nouveau chez-toi pour le moment. C'est aussi mon chez-moi à vrai dire mais en attendant une solution, on va partager mon petit domaine sacré. Ça t'ira ?
Finalement, la seule chose que je réussis à faire fut de pleurer comme un enfant.
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Pour vivre
Художественная прозаC'est lorsque tout va mal que le choix se présente violemment à soi. Choisir une mort de l'âme qui envahit déjà tout ou bien choisir la vie et ses explosions chaotiques. C'est le choix de Sam. Partir. Tout quitter pour recommencer. Pour apprendre à...