L'Herboriste - Les Thaumaturges I

Clandestins (12) - Renwyck

Sur le chemin du retour, Vills se mit à parler à voix basse :

— Tu vois, Renwyck, ce genre d'énergumène nous met tous en danger. À utiliser le Secret de la sorte, sans prudence ni mesure, il attire l'attention. Si quelqu'un se rend compte que le jeu est truqué, que ce type est peut-être un Magian... Le Culte lui mettra la main dessus et tout le monde deviendra suspect. Le Secret ne doit pas être utilisé à la légère !

Renwyck hocha la tête. Il comprenait bien le problème. Les Magians devaient se cacher et ne pas se faire remarquer. De plus, ils avaient déjà une mauvaise réputation et n'avaient pas besoin d'être associés à des arnaqueurs et des voleurs de bas étage.

— Voilà pourquoi le Secret ne devrait être transmis qu'à des personnes dignes de le recevoir ! répondit Hatyāri. Je maudis l'illusionniste idiot qui a appris à cet escroc à faire ces tours de passe-passe.

Akhbar avait mentionné que Hatyāri suivait à la lettre les préconisations du Brise-Lame. Face au danger que couraient tous les Magians en Ael, Renwyck pouvait comprendre qu'il condamnât des agissements irréfléchis comme ceux de l'homme du marché.

— Si tous les éveillés ne pouvaient apprendre leur art qu'en se rendant aux collèges magians de La Griffe, auprès de maîtres sérieux, nous n'aurions pas de tels crétins dans les rues.

Vills ricana.

— Et un jour les dragons auront des plumes, dit-il.

— Ce jour n'est pas si lointain, lui répondit Hatyāri avec sérieux. Il suffit d'un peu de courage politique.

Vills s'empara amicalement de l'épaule de l'illusionniste d'un bras solide. Il secouait la tête, un sourire un peu grimaçant aux lèvres.

— Hatyāri, restons amis. Ne parlons pas politique.

L'homme du désert lâcha un rire sonore et hocha la tête.

Renwyck avait écouté l'échange avec intérêt. Jusqu'à présent, il avait surtout entendu l'autre versant de cette conversation et l'animosité ouverte qu'exprimait Akhbar à l'égard du Brise-Lame. Toutefois, il fallait reconnaître que ce lointain Haut-Maître - et ceux qui défendaient ses idées - avaient raison sur certains aspects de la question. Fallait-il laisser tous les Magians manipuler les forces des Toiles, quelles que fussent leurs motivations et leurs capacités, au risque de mettre d'autres en danger ? Un illusionniste qui arnaquait les passants n'était pas si redoutable, mais qu'en était-il d'une personne dotée de plus grands pouvoirs ? Si un élémentaliste ou un enchanteur ne savait pas ce qu'il faisait, il pourrait se blesser ou blesser quelqu'un d'autre.

Plongé dans ses réflexions, Renwyck suivit machinalement ses compagnons dans le dédale de la ville. La rue devant la Maladrerie n'était pas beaucoup plus animée qu'au petit matin, aussi purent-ils se glisser dans la cour et retourner dans le repaire des Magians.

Renwyck aida Vills et Hatyāri à ranger leurs emplettes dans la cuisine et les garde-manger. L'un d'entre eux avait été enchanté pour rester en permanence frais et sec. Renwyck sentit ses mains le picoter lorsqu'il y glissa trois truites luisantes. Il prit ensuite congé pour rejoindre Akhbar qui se trouvait encore dans l'étude, penché sur une carte de la ville. Alors que Renwyck se glissait à ses côtés, un froufroutement de tissu l'avertit de l'arrivée de quelqu'un d'autre derrière lui. Il s'agissait d'Arashi.

— Bonjour messires, salua-t-il.

Renwyck hocha la tête, ne sachant comment se comporter avec le prêtre. Akhbar quant à lui s'ouvrit d'un grand sourire.

— Arashi, tu tombes à pic. Sais-tu si le Culte a des plans pour les Fols Masqués ?

Renwyck reconnut le nom mentionné la veille au soir. Il imagina qu'il s'agissait d'une fête populaire comme il en existait près de Rivebois. Tous les ans, le seigneur Godric de Vertoult organisait une sarabande masquée dans son fief et un héraut se déplaçait dans les villages des alentours pour annoncer l'événement. Renwyck n'y avait jamais été, mais sa mère lui avait raconté y avoir participé quand elle était adolescente.