Shinya Hiiragi

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Shinya Hiiragi a seize ans dans cet os.

Il faisait froid ce jour-là. La brise fraîche du mois de décembre venait lui mordre les joues. Assis en hauteur, il admirait avec une certaine latence les ravages qu'avaient fait le conflit devant lui en seulement une seule journée. Ses yeux bleu clair se posaient sur le paysage qui lui faisait face avec minutie et pourtant, son esprit était ailleurs. Une inspiration profonde fit gonfler sa poitrine et il ferma lentement les yeux en expirant avec délicatesse et précaution, son coeur se faisait lourd dans sa cage thoracique et il avait peur que sa simple respiration ne lui fasse mal. En rouvrant les yeux, il aperçut un nuage d'oxygène sortant d'entre ses lèvres au travers de ses cils argentés. Lèvres qui, avec une lenteur presque surfaite, s'étirèrent rapidement en un rictus amer. Amer car il n'avait aucune véritable raison de sourire, amer car il n'avait aucun désir de sourire, amer car il aurait voulu contenir ce sourire. Cependant, il ne pu le contenir, et cela lui déchira un peu plus le coeur.

Le regard porté sur les ruines face à lui, il se maudit d'être capable de sourire, il se maudit de ne savoir faire que ça, il maudit sa faiblesse, sa taille. Il se sentait petit, trop petit. Et pourtant, son nom était l'un des plus grands noms de son pays ; Shinya Hiiragi. Bien qu'adopté, ce nom restait un symbole imposant de respect et de reconnaissance autour de lui, il le rendait célèbre, le rendait grand. Mais cela le fit bien rire, la célébrité, en quoi avoir une armée de serviteurs et de fidèles pouvait rendre quelqu'un pertinent ? Plus qu'un Hiiragi il était Shinya, et Shinya, il ne l'aimait que très peu.

Il soupira en posant ses mains sur le bitume, du gravier lui rongea la peau mais il en fit abstraction, il plongea son visage vers l'arrière et, après une secousse visant à déplacer une mèche argentée accrochée à un de ses cils, il observa le ciel. Le ciel contrastait en tout avec le spectacle qu'il avait eût sous les yeux quelque temps auparavant, à la violence, aux larmes, à la douleur, au sang. Il faisait face à un bleu limpide et pâle qui, accompagné d'une nuée de nuages blancs et étirés le calmait un peu. Il aimait le ciel, il aimait le regarder, il aimait le regarder plus qu'il ne s'aimait lui-même d'ailleurs ; car le ciel, lui, souriait toujours avec sincérité. Son reflet dans le miroir ne lui souriait jamais vraiment, pas plus qu'il ne se moquait de lui, à vrai dire, il ne savait pas. Il ne savait pas ce que lui voulait ce sourire, son sourire. Il le sentait étirer ses lèvres à chaque instant, à des instants où il aurait désirer le briser, le bannir, le maudire. Mais il était là, lui, plus que n'importe qui d'ailleurs. En fermant à nouveau les yeux, les bras engourdis par le poids qu'ils portaient, il se mit à penser au passé. Pour une raison qu'il ignorait, des yeux teintés d'un violet foncé et perçant vinrent trahir la noirceur sous ses paupières.

Lui aussi avait toujours été là. Aussi loin que ses souvenirs le plongèrent, il en faisait parti. Un rire fatigué vint secouer sa poitrine et il inspira avec force en ignorant la douleur. Il ne savait pas trop non plus ce qu'il avait été durant toutes ces années. A haute voix, il l'avait désigné en rival, à haute voix, il avait qualifié son entraînement comme trahissant la puissance qu'il voulait gagner pour le surpasser, toute fois, il ne savait pas s'il s'agissait d'une réelle envie de surpassement ou plutôt d'une envie de reconnaissance. En y réfléchissant bien, il se rendit compte lorsqu'il entre-ouvrit ses paupières qu'il l'avait toujours un peu pris comme exemple. Il se mordit l'intérieur de la joue en regardant sur sa gauche, s'il n'avait pas été seul, il aurait sûrement rougit de gêne de penser à une telle chose. Mais il ne pouvait le nier, il l'avait ressenti de cette manière.

Le corps recouvert de frissons et la peau glacée par le froid, il se demanda comment il avait pu en arriver là. Comment il avait pu se trouver là, ici, à cet endroit, entouré de ces gens. Entouré de ce fameux garçon. Cette histoire aurait pu sortir tout droit d'un livre, des rivaux qui finirent pas se lier d'amitié et par se protéger. D'ailleurs, comment aurait-il pu penser qu'un jour quelqu'un aurait le désir de lui venir en aide ? De prendre soin de lui sans la moindre contre-partie ? Il était un Hiiragi, il faisait parti d'une famille presque sacrée au Japon, il avait l'habitude d'être entouré et d'être surprotégé, toute fois, il avait l'habitude qu'on rôde autour de lui comme un vautour autour d'un animal blessé. Bien qu'effrayant et grand en société, il se sentait comme une proie facile entourée par des crocs aiguisés et éclatants près à se refermer sur sa gorge pour l'empêcher de respirer et le dévorer. Seulement, cette fois, cette sensation désagréable qui l'avait toujours rongée avait disparu. Cette fois, il se sentait égal. Il se sentait humain et ce, pour la première fois de sa vie.

Grâce à lui.

En rougissant d'embarras, il se mit à rire.

" - Qu'est-ce que t'as, à rire comme ça ? "

Il ouvrit les yeux en sursaut et rejeta un peu plus son visage en arrière et, la tête à l'envers, ce fut la silhouette élancée et imposante de son meilleur ami qui lui fit face. Aussitôt le reconnu-t-il qu'un sourire immense pris possession de ses lèvres. Véritable ou pas, il fut incapable de le savoir, sourire ne lui était pas personnel. Il essaya tout de même de penser qu'avec ce garçon, ses sourires étaient sincères.

" - Oh, Guren ! ", chanta-t-il en battant des cils.

Le dit Guren lui mit une vive pichenette sur le front en lui faisant signe de se redresser.

Le regard pétillant, prêt à continuer sur sa lancée, Shinya fut arrêter par un coup de pied, qui c'était voulu plus léger qu'un coup de pied habituel, dans les côtes. Cette-fois, il ne chercha pas à se rebeller. Il se rassit correctement en gémissant de douleur, la main sur le corps et les pieds dans le vide. Alors qu'il continuait ses plaintes exagérément fortes et aiguës, il sentit la présence du brun se placer calmement à sa droite. Il le regarda discrètement d'un oeil, tout en continuant son cinéma. Le garçon à ses côtés arborait une mine agacée et épuisée, cependant, ses sourcils froncés et sa bouche pincée trahissaient un tracas certain et pesant, bien plus lourd que celui d'un adolescent de seize ans normal. Et pour cause, une guerre faisait rage depuis la veille entre différentes organisations secrètes japonaises en quête de puissance et de justice et le jeune Guren n'était pas personne, il arborait avec pression et peine le titre des Ichinose et avait donc, en plus d'une guerre, un clan tout entier à gérer, en plus d'un deuil récent.

Voir même de deux deuils récents.

Effectivement, en plus d'avoir perdu son père dans des circonstances déplorables et humiliantes, le jeune homme avait également perdu la seule fille qu'il eût jamais aimé et avait dû tenter de l'assassiner, pour ensuite devoir la combattre dans un combat sanglant et violent dont il ne voulait pas faire parti.

Shinya avait le pouvoir de lire sur les visages, il comprit vite qu'un poids énorme pesait sur les épaules de son ami et qu'il mourrait d'envie d'y échapper, de s'enfuir, de tout laisser tomber. Mais il ne dit rien. A la place, il tourna son regard face aux ruines qui le surplombaient. Devant lui, le soleil était entrain de se coucher et teintait leurs deux visages de orange et de rose, emportant avec lui le peu de chaleur qu'il leur offrait encore. Alors que le garçon aux cheveux argentés mouvait ses mains sur ses bras pour se réchauffer, le brun pris la parole, le menton sur le genoux, l'autre jambe rebondissant contre le mur grisâtre de l'immeuble qui le soutenait, alors qu'il remuait sa jambe pendante dans le vide qui bordait le toit sur lequel ils se trouvaient.

" - Tu t'es pas foulé, monsieur l'Hiiragi. ", furent les paroles qu'il lança, le regard tout aussi perdu en face de lui que l'avait été celui de son ami quelques minutes auparavant.

Shinya arqua un sourcil, armé d'un regard joueur.

" - Mh ? Je t'écoute, plains-toi donc, Guren. "

Le second ferma les yeux, si le lieu et le moment avait été différent, il aurait pu sourire sous la remarque du garçon aux cheveux clairs. Mais il ne le fit pas. Il ne le pouvait pas et n'y arriverait pas. Son âme était bien trop touchée pour lui permettre de sourire, même à son ami.

" - On a trouvé de quoi manger et on a pu établir un plan assez précis de la ville. On a décidé d'établir une stratégie pour une attaque durant la nuit. Au lieu de t'asseoir sur le toit d'un immeuble comme un suicidaire, vient donc nous aider. T'as le temps de mourir plus tard. "

Sans un mot de plus, Guren se releva avec lourdeur. Ses mouvements étaient platoniques et son regard vitreux, Shinya avait l'impression que son corps tout entier était entrain de rouiller. Et cette vision lui fit peur. Les événements passés s'étaient particulièrement acharnés sur le garçon et le moindre de ses actes le trahissait.Il avait l'impression de voir du verre auquel on donnait coup sur coup, le fissurant jusqu'à l'implosion. Shinya lisait en sa personne une profonde douleur, un profond désarrois. En soupirant douloureusement, se maudissant pour sa faiblesse et son incapacité à l'aider convenablement, un sourire toujours planté sur le visage, ce dernier se leva à son tour. Tout en lui tournant le dos, il lui mis une légère tape sur l'épaule.

" - N'emploie pas le mot mourir, Guren, ça ne te vas pas. "

Puis, en remontant la distance entre le toit et les escaliers de l'immeuble, il pensa silencieusement que la seule chose en laquelle il désirait surpasser Guren était la mort.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 17, 2019 ⏰

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Owari No Seraph - OsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant