Nouvelle intégrale

40 3 1
                                    

3, 4, 5, 1
    On entend gronder les engrenages ; le grincement des enclenchements grouille dans le vide que tranche le KosmoShip410 comme une gangrène grommelle sur les guenilles d'un cadavre. Pour ce vaisseaux à deutérium, les rouages ne tournent que pour alimenter les tapis roulants sur le premier étage, sur l'étage *premium*. Dans la morgue de l'espace, le temps se fait silencieux. L'espace est lente. La climatisation est optimale chez ceux qui profitent des tapis roulants.
    2, 5, 2, 3
    A droite du KosmoShip coule la Nébuleuse du tribun. Depuis trente millions d'années, celle_ci explose. Les deux cents milliards d'étoiles qui jaillissent de son centre se succèdent implacablement, un embrun enflammé ; ce sont le gravures perçants dans l'absence et la camée
des couleurs écarlates et émeraudes. Un rayon de gaz s'enlace à un autre et en spiral ils soubresautent, sinueux et soyeux ; et de ces spires de strass - qui crient, comme la devise du secteur Olympique, « tu es les gravats de l'aune et la vase de l'aube »- l'univers des prochains naît. La Nébuleuse du tribun hurle l'effervescence de demain, à la conquête de l'univers.
    2, 6, 6, 7
    3, 6, 4, 1
    Boris saute, clef à la main et salsa aux pieds, d'embrayage en embrayage. Boris règle les rouages des tapis roulant.
    4, 2, 3, 5
    Il y est particulièrement doué. Ses mains mannent les mécanisme avec une agilité adroite ; le froid, le poisseux et l'odeur du gras et de l'acier qu'émanent de ses condition n'en faisant que pitoyablement obstacle. Ce qui intéresse Boris, depuis toujours, c'est le délecte d'un processus. L'établissement minutieux d'un enchaînement. Que les jambes lentes, ensuées et embonpoints du dessus puissent s'attarder un instant, souffler comme elles le doient, stagner comme elle le méritent sous le poids écrasant de leur gourmandise et libido, Boris s'enfout. Il est béat et plein dès lors qu'il peut oublier l'objectif de son travail pour se compléter dans le devoir de l'accomplir.
    L'appelle-relève retentit. Boris snouse la stimulation auditive, il ne lui reste plus que quatre émailles. 4,4,8,8 ; et journée réussi.
    4, 4, 8, 8
    4, 4, 8, 9

    « Putin faut vraiment k'tu t'raz mon pote. » C'est Ivan, employé du secteur ampoules et éclairage, qui l'interpelle. « Tu viens prendre tes DTJ poto? ».

    La lumière bleutée du distributeur automatique aveugle les passants.
    « Jeton enregistré. Merci de séléctionnez l'arôme de votre Double Tartine Juxtaposé : bleu/rouge/vert.
    - Ohh l'ami, qu'est ce que je kiffe les verts.
    - Boris, t'es infâme. »
Ils s'installent au centre de la pièce à loisirs, face aux hologrammes vacillants de fontaines et d'enfants, sur un banc taché de graisses et Coca. La salle embaume de fritures rouges et de la sueur des dix ouvriers présents sur le vaisseaux ; et tandis que les divers illusions polysémiques sont destinées à détendre les bleus de travails, la pièce prend une ambiance glauque et amère. Ivan enfouit l'intégralité de la surface faciale inférieur au bout de son nez dans son DJT rouge, et gémit de plaisir.
    « Ca, ca c'est bon putain.
- ...Hum, Ouais. Mek. J'me posais une question enfaite.
- Balance poto je suis LA pour TOI mon FRERE.
- Euh. En gros, euh. C'est un peu gênant enfaite. Tu...hum, Tu t'es jamais demander pourkoi -
- pourkoi koi ?
- ...pourkoi, euh, pourkoi on. Euh. Fin,si, pourkoi on les appelle des DJT ?
- De koi, les sandwichs ? Hein ? C'est pour le kopirite t'é kon, la zone Illankiz s'est approprié le nom.
Boris se gratte la moustache.
- J'parlais... j'parlais pas des sandwichs.
- Le ? Ah... C'est des intiales. Ivan baisse la voix, se penche vers son ami, son regard plaqué au sol a pour but de stabiliser ses lèvres qui oscillent: c'est pour, euh, fin askip ça serait pour...DoubleJouissementsTélécommandés. »
Leurs visages s'empourprent. Soudain tout la chaleur de la salle colle au col de Boris, et sa voix tremble :
« Mek. Tu trouve ça pas bizarre k'on ait jamais... enfin non rien désolé ; Fin, si, jveux dire jamais...
- Hein ?
- Ivan.
- Oui ?
- Arrete, bon. Ah ! K'on ait jamais vu de meufs putain ! Koi? Oui, je rêve de gros tchoutchs et de grosses fesses ensuées, me frotter la tête contre une autre en gigotant mes membres, manger, boire les expirations de quelqu'un, la baise. Pas toi bordel ?
- Hein? Jamais d'la vie., Ivan se gratte les sourcils d'une main moite, Ca m'a jamais posé problème. Kesk t'essaye de dire ?
- Beh rien... juste, beh..Je sais pas moi, je, je veux des enfants aussi.
- ...Boris sois pas kon. »
    Les deux s'arrêtent. Evitant de croiser leur regard, leur attention replonge dans leurs DJT tiède et visqueux, dernier refuge du malaise rencontrer. Boris, ayant fini, commence à se tapoter les cuisses. Il reprend :
- Je sais pas, mek, désolé. Je... je commence à questionner l'utilité de tout ça. »
Son ami releve la tête, l'air inquiet, les yeux grands et sa gorge s'empressant d'avaler sa dernière bouchée. Il écrase son papier chiffon, essuye le gras de ses mains contre son pantalon et rapproche ses jambes ; Ivan inspire, s'éclaire la voix et répond, le regard fixé sur le visage soucieux de son ami, :
    « Je sais. Et je ressens c'que tu ressens. Mek...J'ai été là où t'es crois moi. Mais j'pense que tu réalisera bientôt que tu as toujours suivi le droit chemin. Tu fais de ton mieux mek, personne t'égale poto. J't'ai vu devant les rouages moi, tes doigts il s'enflamment et zig zag de partout comme euh... comme, comme un nuage de tétard dans une marre mek. Tu es bon à c'ke tu fait et tu fais bon. Tu sais que c'est la bonne cause. On se bat tous ici, pour ceux qui sont rester mek.
    - T'en sais rien.
- Quoi ? Non mais si tu commence à faire ton sceptik en meme temps. Nous devons avoir confiance en le capitaine.
- Capitaine mes burnes.
-Hein ??
- Beh k'es t'en sait qu'il veut notre bien ? K'es k'ils foutent là haut, au premier étage ? Komment ça s'fait merde que -
    Ivan, effaré, s'est jetté sur l'enragé, la main enfonçant la bouche de ce dernier. Leur bras s'entremèle tandis Boris se débat et d'un coup de coude courroucés Ivan se voit projeté , il hurle en expirant comme le font les gens qui chuchotent mal :
    - Tu peux pas dire ça ! Je tiens à toi. Poto. Ecoute, réfléchis y bien. On peut en reparler demain ? On passe tous par là, reste raisonnable... tu sais pas qui t'écoute. Veille aux ennemis de l'Olympe. Ouais ?
- ..Ça marche mek. »
    Ça ne marche pas du tout pour Boris. Les deux hommes se quittent, rejoignent leurs cellules respectives.
    5, 3, 6, 7
    5, 4, 4, 1
Dans sa chambre, Boris est figé. Sur un regard dont l'axe fixé creuse le plafond, il est axphyxié, comme cramponné contre les crêtes que forme les plis de son draps. Il se serrre les paumes ensuées pour relâcher l'étreinte de sa gorge. Comment se fait il que lui n'a jamais eu de mère? Un pere? Un soutien? Le Président. Et s'il est aussi bienveillant, essentielle à l'avenir de l'humanité, pourquoi n'est il jamais venu les voir? Qu'est ce que l'étage premium? Pourquoi l'a t on choisi, lui meme ou Ivan, en particulier? Bien sûr qu'il comprend son devoir.
« Etat de détresse détecté. Veuillez regarder attentivement la projection »
Sur l'écran de sa chambre il revoit les films qui les ont galvanisés, eux tous, 10 ouvriers, 10 pionniers, 10 conquistadors. Une fois terminé il l'a rejoue, et il le refit en boucle cette nuit là. 7 minute 53. 7 minute 53. « *tu es les gravâts de l'aune et la vase de l'aube* ». « *Le président vous a choisis. Tu es le premier conquérant. Tu planteras l'étendard de l'Olympe sur le nouveaux monde, notre nouveaux monde* » « Tu es les gravats de l'aune et la vase de l'aube ». Et pourquoi l'étage premium alors? Ou sont ses parents? Sa colère ne s'amoindrit pas comme elle le ferait d'habitude , mais se renforce, s'amasse par l'absence de réponse et le poids de ses questions, sa frustration et sa solitude. Elle s'enlise et s'obscurcit comme un pneu à toute vitesse s'enfonce dans la boue. L'élan d'angoisse, comme les plaintes dirigés vers nul autre que lui même s'exacerbe, alors qu'il empoigne ses couvertures, transpirant s'enlise, et bientôt il s'éteint, épuisé, vers un sommeil qu'il renie.

« Jeton enregistré. Merci de séléctionnez l'arôme de votre morning-Double Tartine Juxtaposé : ciel/rose/turquoise»
« Hey. Ça va mieux depuis hier?, interpelle Ivan, d'une approche amical, bienveillante. Il regarde d'un air anxieux son camarade des tapis roulant. Sans réponse, Ivan tape l'épaule de son ami, Hein Poto?
-Ouais ouais »
Ils mangent en silence. Le regard de Boris est cloué au sol. Son DJT le dégoûte. Il avale un peu du papier chiffon s'en faire exprès, et se mord le doigt de la même manière. La verdure colle à son palet. La sauce dégouline sur ses doigts, épaisse et collante. Il écrabouille son papier chiffon. Les deux hommes ont finit leurs sandwichs trop vite, par nervosité. Ivan craint ses maux de ventre. L'appelle relève retentit.
« Salut hein,
- À plus tard,
- Je tiens à toi mek.
- Moi aussi. »

Les engrenages gronde dans le Kosmoship410. Boris se tient debout devant les rouages, clef à la main. Il attaque, la trois, la deux, la quatre, la trois, la deux, la quatre. La deux, la trois, la quatr. Qu'est ce qu'il en a faire de la deux, la trois, la quatre. Toute sa vie a été deux trois quartes. S'il s'est émerveillé du processus c'est qu'on ne lui a jamais offert l'illusion d'un but. Donnez lui une raison d'exister et il l'empoignera comme la vie comme une pêche en été, juteuse et sucré. C'est une bête à action, son corps porte sa valeur tandis que sa personne s'est effacé derrière sa fonction. Qu'est que ça lui importe de coloniser le nouveau monde? L'avancée scientifique, humaniste, s'annule si c'est pour le condamner à mourir seul et sans soutien. Comment se fait il qu'il se souvient de rien. Comment se fait il qu'il tourne autant en rond, comme les dents d'une roue en perpétuel mouvement. Depuis combien de temps est il là. Où sont ses parents, où sont les presidents. Où est le premier étage?
Et d'une décision brusque, pour la première fois de sa vie, Boris s'arrête au travail. Ses mains lâches les mécanismes, font tombé sa clef. Lentement, Il s'écarte, prend un pas en arrière. Les engrenages tournent. Quand la 4 s'enraille, le besoin de se jeter dessus envahit l'inactif aux sourcils froncés. Il ne fait rien, et la 4 se décoince; la 4 poursuit sa ronde. Puis la 6 fait de même. Puis la 7. Puis la 8. Rien n'a changé. Tout continue comme si rien n'avait changer. Tout, comme si toute intervention avait toujours été superflu. Les doigts de Boris oscille dans le vide, ses narines s'enfle et lourdement sa bouche s'incurve, creusant ses joues flasques. Une rage enflamme Boris, et il hurle, s'élance contre les engrenages et démonte la façade d'une machine qu'il n'a jamais connue.
« JE TE DÉTESTE. JE TE DÉTESTE. SALAUD, SALAUD, SALAUD ». De ses yeux déferlent des larmes chaudes et salées, comme toute la haine qu'il s'est restreint de faire fuire toute ses années. Puis, dans l'espace d'une seconde, sa révolte s'écroule.
« Hostilité Détecté. Ablation du porteur »

7, 5, 4, 6

7, 5, 4, 7

7, 6, 4, 8
Error
« Chui...chui désolé mek. C moi. C tout moi »
Ivan s'essuie les yeux rougies, ravale sa morve. Comme un sourire narquois, l'écran engravé de le bras de son ami affiche à nouveau:
« Porteur ablaté. Merci de composer le pin d'administrateur »
7, 6, 4, 9

7, 6, 5, 0

7, 6, 5, 1

La même réponse a ces trois essai: Error.
Ivan s'affaisse, épuisé, alors que les engrenages disjonctés continue de tournoyer dans le vide comme un hospitalisé en spasme. La salle l'étreint lui aussi, l'air y stagne et la sueur dont elle est boursoufflé étouffe la plainte d'Ivan.
Les portes de la pièce s'ouvrent. Ivan sursaute, s'entasse contre le mur. Un duo entre en combinaisons blanches et masques respiratoires. D'une manière rapide et chirurgicale ils empoignent le corps raidie de Boris, qu'ils entassent dans un draps.
« Toujours à 13 ans celui là.
- Que croyez vous, c'est la crise d'ado, répond l'autre, sa voix masquées par ses couches de protection.
- Je veux bien, c'est pas la question. Ça commence à coûter chère Penellope, on risque d'épuisé la culture avant même d'arriver.
- Vous vous faites fais trop de souci. Le problème c'est la clim en difficulté ici, on contrôle plus le réchauffement de cet étage, ça va les nuire tout ça . Attendez, allez y, prennez ses bras comme ça, oui. Et l'autre?
- Lui?
Les pupilles noirs des deux masques percent Ivan au mur.
- Il est pas encore fertile ça sert à rien. Enfermez le ici ou il foutra la merde pour les autres. On te reverra quand tu seras un peu plus mûr petit, ok? »
La porte claque. La clef tourne. Ivan est paralysé. Il le sait maintenant. Alors qu'une nausée l'empoigne, il s'enroule par terre, dos au sol, le regard aveuglés par les ampoules de néon plantés au plafond; tandis qu'il pense, la mâchoire tremblotante, au fait qu'il ne verra jamais le nouveau monde. Ivan le sait maintenant. Il est la vase de l'aube.

« Porteur ablaté. Merci de composer le pin d'administrateur »

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 27, 2019 ⏰

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