Il était une fois un maharadja très puissant qui régnait sur une grande province située à l'ouest de l'Inde. On l'appelait le maharadja éléphant, tant il était grand et fort et tant il aimait être comparé au plus gigantesque des animaux.
Le palais du maharadja était immense et sa richesse n'avait pas d'égal. Il imposait sa grandeur au sommet d'une colline. Il recelait d'or et de pierres précieuses. Les sols étaient couverts de marbre blanc, rose et vert de Carrare, les plafonds déroulaient d'interminables fresques relatant les exploits du maître lors de campagnes de chasse. Des colonnes géantes parées de mosaïque portaient les six étages de l'édifice et semblaient s'élever jusqu'au ciel.
On ne dénombrait pas moins de deux cent cinquante pièces dans le palais, toutes aussi richement décorées les unes que les autres. De la soie couleur safran tombait du haut des fenêtres, du cachemire enveloppait les baldaquins des lits, des tapis de Perse, tissés au fil d'or, habillaient les murs. Des candélabres d'argent faisaient des couronnes de lumière au-dessus des meubles. Les pieds de chaque table et de chaque chaise étaient sculptés et représentaient une tête d'éléphant, emblème indissociable du maître des lieux.
Le maharadja aimait montrer sa richesse lors de fastueuses cérémonies qu'il donnait en son honneur. Une fête au palais était toujours un évènement considérable pour toute la province et prenait une envergure vertigineuse lorsqu'il s'agissait pour Sa Sérénissime Grandeur de fêter un anniversaire.
L'effervescence s'installait dans chaque couloir du palais et en chaque âme présente ici. Les cent serviteurs de Sa Majesté, de son épouse et de ses six enfants s'affairaient en tous sens, à tous les étages mais surtout dans l'immense salle de réception qui déroulait sa luxueuse décoration autour de la grande cour d'Honneur. Rien n'était alors laissé au hasard, pas la moindre petite chose oubliée dans un coin qui n'eut reçu sa part du décor.
Pour orchestrer l'incomparable cérémonie, le maharadja comptait avec sévérité sur son plus fidèle et dévoué secrétaire, l'irremplaçable Panunka.
Panunkan était un genre d'homme à tout faire, tantôt conseiller, tantôt intendant, mais aussi porte-parole, organisateur, chercheur, bricoleur, arrangeur, négociateur et surtout chef de toute la cohorte d'hommes et de femmes attachée au service de Sa Sérénissime Grandeur. Il était encore le chef d'orchestre des cérémonies et en cette qualité, la beauté des spectacles, la magnificence des apparats, la succulence des mets proposés aux banquets reposaient sur ses deux épaules fluettes.
Panunkan était grand et sec, épais comme une feuille de lotus. Certainement, ses hautes fonctions, qui l'emmenaient chaque jour au pas de course aux quatre coins du palais, ajoutées au souci permanent du travail bien fait, l'empêchaient-elles d'attraper l'embonpoint de son ordonnateur.
Panunkan ressentait une certaine fierté à occuper cette place d'honneur auprès du maharadja mais l'exigence de ce dernier lui enlevait souvent le plaisir et la gaité que l'accomplissement de son travail devait lui procurer. Il n'était pas rare d'entendre, au détour d'un couloir, à tous les étages, murmuré dans un soupir de détresse : " il me casse les pieds, il me casse les pieds, avec son gros nez ! Il se croit tout permis, ce n'est qu'un bon à rien avec son goitre flétri ! "
Le premier serviteur se plaignait, il gémissait, il grognait, se lamentait mais il accomplissait toujours un travail irréprochable et sans faille. Le Maharadja quant à lui ne le félicitait jamais, trouvant même à redire sur un détail ou un autre, laissant l'autorité et le pouvoir dominer ses sentiments.
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L'anniversaire du maharadja
HumorLe maharadja éléphant, aussi puissant qu'orgueilleux, aime à montrer sa richesse lors de fastueuses cérémonies. Son quarantième anniversaire ouvre la porte à toutes les démesures. Pour orchestrer l'évènement, le fidèle Panunkan, premier intendant de...