SPETZÙO - Le prédateur de l'ombre

Prologue - Juste une ombre

L'automne avait commencé depuis quelques semaines. L'air chaud de l'été diminuait jour après jour. Au cours des six prochains mois, le temps deviendrait venteux, nuageux, ou même pluvieux. Toutefois, cette nouvelle saison ne s'installerait que progressivement. Ce jour-là, la seule chose marquant son arrivée était la fraîcheur ambiante.

Il y a peu de temps encore, le soleil disparaissait à l'horizon en milieu de soirée. Mais dorénavant, cela se produirait vers la fin d'après-midi. Les nuits étoilées d'été seraient alors couvertes. Plongeant ainsi le monde dans une obscurité presque totale. Avec un aussi long changement saisonnier, la vie s'adapterait dans les cités et les villages, tout comme la Flaundra.

De quoi s'agissait-il ? Une vaste étendue sauvage composée de vallées forestières au milieu desquelles de petites clairières se cachaient et de collines verdoyantes. Elle abritait autant d'animaux inoffensifs, comme les lièvres ou les oiseaux chanteurs, que de prédateurs sauvages, tels que les loups, les ours... ou pire encore. Un lieu inspirant autant le sentiment de liberté que de danger. Autant de quiétude que de tension. Malgré cela, il restait magnifique et ne demandait qu'à être exploré pour en découvrir les merveilles s'y cachant.

La fin d'après-midi approchait à grand pas. La luminosité faiblissait sur la forêt, accentuant l'obscurité sous le feuillage des arbres à peine espacés entre eux. La nuit s'apprêtait à jeter son voile. Cet immense milieu sauvage ne tarderait pas à s'endormir dans un calme apaisant, tandis que le danger nocturne en profiterait pour s'installer discrètement.

C'était ce que cette jeune femme devait penser, perdue dans cette vallée forestière. Elle portait une légère robe blanche, sale et déchirée. Sa respiration était rapide et bruyante, comme si elle était essoufflée après avoir couru sur une longue distance.

Assise contre un arbre, elle pleurait de désespoir et de douleur. Ses mains étaient posées sur son ventre. Une blessure, plutôt grave et sanglante, était visible dessus et cela la faisait souffrir.

En y regardant de plus près, il s'agissait d'un profond coup de griffe. Vraisemblablement l'œuvre d'un ours. Elle avait dû se faire attaquer un peu plus tôt dans l'après-midi, mais aurait réussi à échapper miraculeusement à cette bête grâce à un obstacle naturel sur son chemin. À en juger par le sang qui n'arrêtait pas de s'écouler, elle devait être assez affaiblie. Surtout que sa maigreur laissait supposer qu'elle n'avait pas mangé depuis plusieurs jours.

Dans un milieu aussi hostile que celui-ci, ce n'était pas sûr qu'elle puisse s'en sortir vivante... surtout dans son état. Rouvrant ses yeux embués de larmes, son attention se tourna en direction de l'ouest. Derrière son désespoir, son instinct de survie subsistait et refusait d'admettre que tout était perdu. Ainsi, elle trouva la force de se relever et se prépara à reprendre sa marche, alors que la nuit allait bientôt tomber.

Dans peu de temps, il ferait tellement sombre qu'elle ne pourrait même plus voir entre les arbres. Pourtant, il était difficile de savoir s'il était prudent de rester posé à un endroit ou de rester en mouvement.

Elle se remit à marcher droit devant elle, lorsqu'un craquement de branche se fit entendre dans son dos. Se retournant lentement, son corps se crispa quand un nouveau bruit angoissant résonna. Ses yeux s'emplirent d'effroi à la vue des cinq créatures sortant des broussailles.

Des loups ! Ils étaient immenses avec des poils noirs. Tout leur corps était musclé, laissant deviner qu'ils étaient très forts et très lourds. Sous leurs babines, des crocs acérés se cachaient. Leur grande mâchoire semblait assez forte pour briser en deux une pierre. Grognant furieusement vers elle, ils prirent une posture d'attaque.

Affolée, la jeune femme prit aussitôt la fuite en courant aussi vite que possible. Son allure était plutôt soutenue, malgré son physique frêle et son état de faiblesse. Mais cela pouvait ne pas suffire face à des créatures dont la foulée était immense. Les arbres et les divers obstacles naturels seraient certainement sa seule chance pour les distancer.