Le concert

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#archivemicronouvelles44

— Mesdames, messieurs, bonsoir.
— Bienvenue à tous au douzième Festival International de Musique d'Ascenseur.
— Le fameux FIMA, cher confrère, qui accueille chaque année les plus grands compositeurs et interprètes de musique verticale.
— De musique verticale ? Mais qu'est-ce donc ?
— Belle question, estimé collègue, la musique d'ascenseur ne s'écoute que quand on monte ou quand on descend, jamais à plat. Ainsi donc on la nomme, dans le milieu des connaisseurs, la musique verticale.
— Tout s'éclaire, vous êtes formidable.
— C'est un évènement de la plus haute importance, sémillant acolyte, je me devais de réviser mes classiques afin d'offrir à notre public les plus fins commentaires.
— Vous êtes en cela un esthète et ils vous en sont tous, nous le savons, infiniment reconnaissants et vous vouent une admiration qui frôle l'idolâtrie.
— Vous me flattez, doux camarade, mais place au spectacle.
— Tout à fait, avec l'entrée en lice du jeune espoir de cette discipline méconnue, mais passionnante, écoutons.

— Tiens, passe-moi une clope.
— Moins fort, les micros sont peut-être encore branchés.
— Non, c'est bon, j'ai vérifié, aller, file une sèche, j'en peux plus.
— Il ne m'en reste presque plus.
— Non, mais ! Fais pas ton rat, t'as des oursins dans les poches, ou quoi ?
— J'ai pas, j'ai pas.
— J'te jure que la prochaine fois je demande un autre partenaire.
— Fais ce que tu veux, personne voudra venir avec toi pour couvrir ces machins-là.
— Quoi ? Ça t'plait pas ? T'as aucune sensibilité de toute façon, un gros bourrin de provincial, voilà c'que t'es !
— Calme toi coco. En plus on entend rien, il chante comme une chochotte. Eh ! Machin ! Chante plus fort !
— Arrête de crier on va nous foutre dehors.
— Ben, ça s'ra pas dommage.
— T'es vraiment un ingrat.
— Han l'aut' eh ! Avec toutes les années de dévotion que j'me trimbale à te suivre partout, je rêve. C'est pas toi qui va te trouver un autre partenaire, c'est moi qui t'plante !
— Salaud !
— Pisse-froid !
— Tais-toi, ça recommence.
— Donne-moi l'micro !

— Magnifique prestation mesdames et messieurs !
— J'ai du mal à retenir mon émotion, sautillant partenaire, j'ai rarement ressenti autant de choses à la fois.
— Mesdames, messieurs, je vais vous faire une confession, je me casse avant de mettre ma main dans la figure de votre présentateur préféré. Amusez-vous bien avec votre musique de dégénérés, essayez de prendre les escaliers la prochaine fois, ça nous évitera que des cinglés écrivent ces mièvreries molles qui me font gerber.
— Mais, mais, vous ne vous sentez pas bien, grandiloquent compère !
— Mon pied au cul, ça, tu vas l'sentir ! Aller. Salut la compagnie, j'me tire.
— Les plaisirs du direct, cher public adoré. On vous rend l'antenne et on se retrouve demain pour la suite de la compétition.

— C'est bon, tu crois qu'on a fait de l'audimat ?
— Nickel. J'aime bien quand on s'chauffe comme ça avant l'direct, ça rend bien après.
— On va avoir fait péter les scores, on s'prend une mousse pour fêter ça ?
— Avec plaisir, tu m'passes une tige ?
— J'en n'ai presque plus qu'j't'ai dit !
— T'es vraiment qu'un gros rapiat.
— Garde ça pour demain, et allonge ta pinte !

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