J'inspire, expire, transpire et m'étire dans la chaleur étouffante. Un pied dans la réalité, l'autre dans un sommeil lourd d'humidité, je ne trouve aucune position confortable. Je passe mes mains sur mes cuisses de façon irrépressible. J'ai peine à discerner les reliefs. Même si j'ouvre les yeux, l'obscurité est opaque, je ne vois rien. Je tend le bras et cherche à tâtons le contact froid du cylindre d'aluminium que je fais glisser. Je plonge enfin mon visage dans le saut. Il faut que je dorme.
Lorsque j'émerge du sommeil, l'air semble s'être rafraîchi malgré la position déjà haute du soleil. Je touche hâtivement le tissu rêche de mes draps : il est sec. Mais ce qui m'électrise d'angoisse, c'est l'état de déshydratation qui engourdit mon corps. Je sais déjà, et ça me rend malade. J'en connais qui rêverais departiciper. Alors pourquoi moi qui suit si peu joueuse ? Je me recroqueville. Et, doucement, une énième fois, j'effleure mon genou et fais remonter mes doigts. C'est ainsi que je les sens avant de les voir. Je suis d'abord surprise par leur fraîcheur détonante. La pulpe de mes doigts s'attarde sur un petit amas dans le creux de mon genou. J'appuie pour éprouver sa consistance : c'est friable, comme de l'argile. Une envie de pleurer me tord la gorge, seulement mes yeux sont secs. Je lève les paupières et, instantanément, une fascination stupide inhibe les ondulations fébriles de mes pensées. Oui, c'est la première fois que j'en contemple des vrais. J'ai déjà parcouru à loisir des livres conservés à la bibliothèque municipale. Mais les voir de si près, collés contre mon épiderme, c'est autre chose. Ils constellent ma peau par milliers, pas plus grand que des grains de sable. Tantôt coagulés dans les pliures où la lune-midas a transformé la sueur en or, tantôt solitaires. Ce sont des grains d'un or translucide comme le soleil. Des grains d'un or maudit.
Je me lève, nauséeux et entreprend de me débarrasser de cette triste beauté. Le nuage scintillant qui s'étend à mes pieds m'arrache un dernier regard avant de recevoir une grande giclée d'eau. Comme des braises qui s'éteignent, les grains se transforment en poussière. J'agis en criminel, éliminant toute trace de mon délit. Je pense aux quinze autres villageois qui font de même. Peut-être sont-ils meilleurs que moi pour jouer la comédie ? Il faut que je me détende. Après tout, j'ai encore un jour de répit. J'enfile ma veste, et dans une poche intérieur, y glisse une carte encore vierge. Chaque chose en son temps. Ce soir, après le conseil du village, j'aurais une stratégie.
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Étécriture 2019
SonstigesRecueil de textes liés au défi quotidien lancé par le compte @exercices-plumesques.