Le Noir & le Rouge - Plakki (MLB)

Chapitre 1 : La loi du plus fort et leur mission

La nuit du 7 Frimaire de l'An II (27 novembre 1793) avait le froid sec, conformément au nom choisi pour le mois. Il se faisait particulièrement ressentir pour les pauvres qui jonchaient les rues parisiennes battues par la neige.

En haut, parmi les toits et les cochers, quelque chose qui n'était pas humain bravait cette température insolente avec fureur. C'était comme une sorte d'éclair rouge parmi le blanc des flocons qui tombaient, que tout le monde ignorait, occupé à craindre les événements actuels de Paris. Cette chose écarlate enragée n'était nulle autre que la kwami de la création, sillonnant la capitale dans un élan colérique avec son corps aussi léger qu'une coccinelle. C'était, faisons fi des périphrases, Tikki. Et elle baignait dans une haine dont ne pouvait se mêler aucun humain.

Plagg. Toute sa rage ne portait que ce seul nom. Plagg ! Cette brute, ce borné, ce stupide kwami sans cervelle, cet imbécile, ce crétin ! Il avait promis de ne pas répéter cette erreur-là, ce menteur ! Tikki fonçait, la haine pour moteur, continuait de slalomer les cheminées, leurs fumées, les flocons, pensa encore à cet effronté et redoubla de vitesse en serrant sa petite mâchoire d'esprit magique. Plagg, stupide kwami. Elle vola encore quelques mètres, prit de la hauteur et tourna à une grande toiture rouge.

Le voilà !

La position dans laquelle elle le trouva l'enfonça encore plus dans sa colère. Tikki sentit qu'un sang bouillonnant traversait ce qui lui servait de bras, un liquide chauffé d'une ardeur sourde qu'on retrouvait aussi dans son front où toutes les veines battaient toutes ensemble dans un rythme de rage.

Plagg était allongé contre une cheminée, une patte derrière la nuque, l'autre portant à sa bouche un énorme morceau de camembert. Il sifflotait au vent, innocent comme un chat errant, les yeux fermés pour savourer sa nourriture.

Quand il se rendit compte de la présence de Tikki, il n'eut pas d'autre réaction que de la saluer négligemment entre deux bouchées de fromage :

- Tiens, chalut Sucrette, ça boume ?

- Ça ne boume pas du tout, espèce d'ingrat ! lui cracha-t-elle au visage en lui retirant sa part de camembert des pattes. A quoi tu joues avec ton porteur ?!

- Je ne vois pas où est le problème, Sucrette. A part que tu viens de me voler mon fromage...

- Le problème, il est partout Plagg ! Des gens meurent ! Des familles se dénoncent, des innocents sont traînés devant les tribunaux, des hommes et des femmes sont guillotinés en place publique devant leurs enfants, sous prétexte de protéger la Révolution ! Et toi et ton porteur, vous...

- On essaie de rétablir un peu de justice, qu'y a t-il de mal à ça ?

- En répondant aux meurtres par le meurtre ! Tu appelles ça une justice ? Combien de personnes meurent sous le cataclysme de ton Chat noir ? Ma Ladybug est totalement désespérée ! Son père est mort hier à cause de lui !

- Et alors, il avait tué lui aussi, non ? Chat noir se bat contre les Montagnards qui en font trop, ceux qui arrêtent et exécutent les gens qu'on accuse d'être des "ennemis de la liberté". Il veut venger les Girondins et protéger le peuple. C'est pas nous les méchants, Sucrette.

- C'est pas comme ça que ça marche ! Et le père d'Ariana n'avait rien fait de mal, il était pacifique ! Il s'est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment, pris dans un excès de cataclysme de ton maudit Chat noir ! Bon sang Plagg, on ne répond pas à la violence par la violence, je croyais que tu l'avais compris après tous ces millénaires d'existence...

Cette fois, le kwami noir se releva, le manteau de la nuit couvrant ses poils déjà bien obscurs. Ses yeux verts brillaient comme une menace.

- Et toi, après tous ces millénaires, tu n'as toujours pas compris que le bien et le mal ont parfois plusieurs facettes ? Dans ton monde, tout est tout noir ou tout blanc. Tu ignores le gris, le fait qu'il faut faire parfois des sacrifices pour en arriver à une fin heureuse, tu te caches les yeux pour ne pas le voir. Pour toi qu'un humain tue est mal, et peu importe les raisons...