Chapitre 1 - partie 2

10 0 0
                                    


            Après l'ouverture de la piscine et le passage aux vestiaires, Alicia retrouva les garçons dans le parc bordant la piscine. Hervé était toujours présent mais petit à petit, Alicia l'oublia totalement pour se prendre dans l'étourdissement du chahut. Ils regardaient discrètement leur camarade et constataient avec un grand plaisir qu'elle semblait ne pas lui prêter la moindre attention. Elle s'était tellement prise dans les jeux qu'elle ne s'aperçut même pas du départ d'Hervé, vexé de ne plus être l'intérêt principal de la jeune fille.

En fin d'après-midi, chacun retourna à son vestiaire se changer et sortit attendre les autres devant la porte de la piscine qui fermait. Alicia profita d'être seule dans les vestiaires des filles pour prendre une douche. Tous les garçons étant sortis avant elle, ses camarades de classe rentrèrent sans l'attendre, pressés de rentrer. Cependant, avant de partir, Jérôme avait dit à Michaël :

— Je te la confie. Prends-en soin.

— De toute manière, je comptais bien l'attendre. Avec ou sans vous... mais de préférence sans, répondit-il avec un clin d'œil équivoque.

Durant cette demi-journée, Jérôme avait plusieurs fois surpris les regards tendres de Michaël sur Alicia et malgré la différence d'âge qui séparait les deux garçons, il n'hésita pas à le mettre en garde :

— Ne t'avise pas de lui faire du mal. Ton cousin ça suffit !

Puis, Jérôme partit sans même dire au revoir ou un mot à David et en laissant un Michaël dubitatif. En effet, il ne savait pas si Jérôme ressentait quelque chose pour la jeune fille ou si c'était par simple mais véritable amitié qu'il prenait soin si attentivement d'Alicia.

De nature coquine, Elle aimait faire des plaisanteries et des effets de surprises. Voyant David et Michaël attendre, dos tourné à la porte de la piscine et au garage à vélos, elle courut sans bruit détacher sa bicyclette et revint se placer derrière les deux garçons. Elle attendit un petit moment pour vérifier qu'ils ne l'avaient pas entendu puis elle lança un « coucou » assez fort pour les faire sursauter tous les deux. Fière de leur réaction, elle les regarda tour à tour puis s'arrêta, interdite, sur le visage de Michaël. Quelque chose en lui semblait avoir changé, mais elle ne savait quoi. Il était le même et pourtant quelque chose était différent. Ses cheveux encore humides, plaqués contre son crâne, rendant le brun de ses yeux encore plus intense, apportaient un petit truc en plus à son charme qu'Alicia ne manqua pas de remarquer et qui lui fit l'effet d'une décharge électrique. Et c'est ainsi que sa résolution ne dura que peu de temps. Elle se sentait toute bizarre, juste en regardant Michaël et cela lui fit encore plus peur quand il lui revint à l'esprit qu'il n'était autre que le cousin de celui qui, peu de temps auparavant, lui avait brisé le cœur.

David et Michaël habitaient la petite citée avoisinant la piscine. Comme Alicia ne savait pas exactement où se situaient leurs rues respectives, elle les suivait sans savoir où ils allaient mais se demandant toutefois, qui serait le premier à rentrer et comment se passerait la séparation. Elle espérait rester un petit moment seule avec Michaël mais redoutait que son manque d'expérience l'entraîne vers une discussion quasi inexistante. De quoi parleraient-ils ? Comment se passerait son départ ? Un tas de questions venait à son esprit qu'elle ne pouvait poser à personne puisque personne ne pouvait lui répondre. Toutefois, une question et sûrement la plus importante ne lui traversa même pas l'esprit : est-ce qu'au moins David serait le premier à quitter les deux autres ? Pour elle, la certitude que ça ne pouvait que se passer ainsi était inévitable car il le fallait.

Alors qu'ils approchaient du chemin qui menait au cœur de la cité, Michaël tendit le doigt vers une maison dont le jardin longeait la route. Les deux piliers de la terrasse étaient décorés d'une tuile représentant un chat et un chien de la race des bergers allemand, tout en disant à Alicia :

— C'est là que j'habite.

— Où il y a le portique tout pourri ? demanda-t-elle tout en regardant du coin de l'œil la réaction de son camarade.

— Oui... tu vas voir, toi ! répondit-il en montrant le poing.

Alicia le regarda, éclata de rire et lui répliqua en regardant son vélo :

— Pas chance, j'ai mon garde du corps.

— Heureusement pour toi, sinon tu serais dans le même état que lui.

— Quoi ? Qu'est-ce qu'il a mon vélo ?

— Disons que, comme lui, tu tiendrais debout grâce à du scotch et des élastiques.

Le regard surpris d'Alicia sur son vélo le fit éclater de rire. D'accord les réparations étaient plus artistiques que pratiques mais le vélo fonctionnait toujours. Il réalisa alors à cet instant que la jeune fille malgré ses façons d'agir avait l'air de se débrouiller pour obtenir ce qu'elle voulait. Et si seulement elle pouvait le vouloir, lui... Tout juste sorti de ses réflexions, c'est avec un regard énigmatique qu'il poursuivit avec douceur :

— Mais, je ne t'aurais jamais frappée, rassure-toi.

Tout en discutant, ils étaient arrivés au croisement qui ponctuait le petit chemin. David serra la main de Michaël, fit la bise à Alicia puis s'en alla après être resté discuter une dizaine de minutes.

A cet instant, bien qu'elle fasse de son mieux pour le cacher, Alicia paniquait. Pour la première fois de sa vie, elle restait seule avec un garçon qui lui plaisait et ne savait pas comment réagir ; elle se trouvait réellement stupide. Avec Hervé, c'était différent, il y avait toujours quelqu'un avec eux, mais là... David partit à droite tandis que Michaël et Alicia prirent la direction opposée. Ils arrivèrent chez ce dernier et ces quelques minutes de marche en solitaires s'étaient écoulées dans un silence quasi religieux qu'aucun des deux n'avait eu le courage de briser.

— Et voilà, c'est là qu'il y a un portique tout pourri, essaya de plaisanter Michaël.

Alicia leva lentement les yeux vers lui en esquissant un petit sourire et il se trouva encore plus gêné qu'il ne l'était déjà. Il n'aurait su dire quoi, mais une expression se dégageait de la jeune fille, qui le retenait comme prisonnier. Il avait l'impression de devoir faire quelque chose mais il ne savait pas quoi, et à vrai dire, il était persuadé que même s'il avait su, il n'aurait jamais osé le faire.

De son côté, Alicia n'attendait qu'une seule chose, qu'un seul geste, qu'un seul signe. Elle ne savait pas non plus exactement quoi mais ce qu'elle voulait c'était intercepter quelque chose qui lui laisserait entendre qu'il aimerait bien la revoir. Depuis le début de l'après-midi, elle n'espérait que ça et pourtant elle refusait de faire quoi que ce soit pour lui mettre la puce à l'oreille. Elle s'était déjà trompée une fois et n'avait aucune envie de recommencer l'expérience. Ils réussirent à échanger quelques paroles pendant cinq minutes, parlant de ce qui était prévu pour les vacances de chacun. Puis, ils se firent la bise et Alicia s'éloigna afin de rentrer chez elle. Michaël recula jusqu'à la porte mais il n'avait pas le courage de se retourner et de franchir le seuil. Pas plus qu'il n'en avait eu pour la quitter aussi rapidement. Mais il ne pouvait pas rester sur le trottoir toute la soirée. Elle avait tout juste fait trois pas que Michaël la rappela en lui demandant où il pourrait la joindre durant les vacances.

— Je serais chez mes grands-parents dans le Val d'Oise, dit-elle en revenant à grande vitesse avec le sourire aux lèvres. Elle ne savait pas si c'était le signe qu'elle attendait mais l'interpréta comme tel.

— Tu m'écriras ? lui demanda-t-il.

— Donne-moi ton adresse.

Il alla chercher du papier sur lequel il griffonna l'adresse, la lui tendit, puis chacun rentra chez lui un peu plus léger.

Malgré une séparation harmonieuse, Alicia n'eût jamais le courage de lui écrire. L'envie ne lui avait pourtant pas manquée mais l'audace s'était envolée à chaque fois qu'elle prenait du papier et un stylo pour commencer sa lettre. Cependant, elle pensait souvent à lui et se reprochait à chaque fois sa lâcheté.

Une vie, une renaissanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant