Mme Darrieux, qui regardait sa petite-fille, avait constaté les mêmes choses qu'Eric.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu as passé une mauvaise journée ?
Réalisant tout d'un coup que sa grand-mère s'adressait à elle, Alicia répondit :
— Non. Il faut que je prenne l'air. Excusez-moi.
Elle se leva de table et sortit de la pièce. Elle prit son paquet de cigarettes qui se trouvait dans le vestibule d'entrée, sortit, referma la porte et alluma une cigarette. Elle s'appuya sur la balustrade et regarda le chemin qui zigzaguait entre les prés et les champs lorsqu'une main se posa sur son épaule gauche.
— T'as du feu ? demanda Eric.
Il saisit le briquet qu'elle lui tendit, alluma sa cigarette et s'assit sur la balustrade.
— Tu penses à Michaël ?
— A l'origine, je me demandais pourquoi David avait réagi comme ça quand il est parti, et après effectivement, j'ai ressenti une impression de tromperie envers Michaël.
— C'est vrai que c'était un type bien, mais...
— Je croyais que tu ne l'aimais pas ?
— Je ne l'aimais pas quand il sortait avec toi. Mais je reconnais qu'il avait des qualités malgré les défauts que je lui trouvais. Ecoute-moi bien, parce que je ne le dirai qu'une seule fois. Michaël était un mec bien et David l'est aussi, il est différent, c'est vrai, totalement différent même, mais c'est quelqu'un sur qui tu peux compter et je sais que si Michaël était encore là, il approuverait ton choix.
— Peut-être. Mais ça me fait bizarre d'embrasser un autre garçon.
— C'est normal, mais ne t'inquiète pas, ça va finir par passer avec le temps. Et je suis persuadé que si tu t'étais remise plus tôt au flirt, à l'heure qu'il est, tu penserais encore à lui avec nostalgie peut-être mais pas avec culpabilité.
— Tu as sûrement raison. Maintenant, toi qui connais David, explique-moi comment il peut m'embrasser un moment pour être aussi distant qu'il l'a été au moment de partir.
— Est-ce que, toi, tu aurais été plus tendre que lui ne l'a été sachant que quatre personnes vous observaient ?
— Sûrement pas, non !
— Voilà, tu as ta réponse.
— Oui, mais il vous connaît.
— Nous, oui, mais pas les grands-parents. Et en plus, si tu ne t'en n'étais pas rendu compte, lui, il a compris que Frank avait des vues sur toi.
Il descendit de la balustrade, écrasa sa cigarette et rentra. Malgré ce que son frère lui avait dit, Alicia ne se sentait pas soulagée pour autant. Elle se dirigea vers les écuries et sella Peluche. Elle le prit par la bride et le tira jusqu'à la porte. Elle passa les rênes sur le cou et alla éteindre la lumière. Elle enfourcha son cheval et partit au galop en direction du Mur de Roses.
Arrivée à destination, elle attacha son cheval à un arbre, cueillit une rose blanche et s'assit au bord de la rivière pour la seconde fois en moins d'une semaine. Pourquoi parmi toutes les roses qui se trouvaient là, avait-elle cueilli une blanche alors qu'elle préférait les couleurs sombres ? Pourquoi blanche ? Blanc, couleur de l'innocence, de la pureté ?
Petit à petit, le ciel s'assombrissait, le jour laissant la place au crépuscule. La lune commençait à se refléter dans la rivière. Des images s'imposèrent dans son esprit. Des flashes de Michaël et de leur relation depuis le début : Michaël dévoilé par David et Christophe le jour de son anniversaire, Michaël dans les bras de qui elle se blottissait, les mots qu'ils échangeaient par téléphone, Michaël le jour des fiançailles. Même leurs disputes. Les larmes commençaient à lui piquer les yeux.
Elle se releva brusquement. Elle était en train de penser à elle, à sa tristesse et à son bonheur à peine débuté et déjà entaché. Il faut qu'elle en parle. Il faut qu'elle téléphone à Céline. Il faut qu'elle lui annonce enfin une bonne nouvelle. Sa meilleure amie qu'elle avait laissée pendant si longtemps. Elle tâta sa poche arrière droite et en sortit son portefeuilles. Elle vérifia la présence de sa carte téléphonique, remonta Peluche et partit au galop.
Arrivée à la cabine du cimetière, elle descendit de cheval et composa le numéro de téléphone de Céline. Sa mère décrocha et lui apprit que Céline et David étaient partis à la mer. Elles bavardèrent un instant puis Alicia raccrocha sur la promesse que Céline la rappellerait. Elle rentra au petit trop mais sur les quelques dernières centaines de mètres, elle poussa Peluche au plus rapide de son galop afin de s'offrir une petite poussée d'adrénaline. En arrivant à destination, elle s'occupa de son cheval puis se coucha et s'endormit aussitôt la tête posée sur l'oreiller.
Une légère secousse la réveilla. Son frère lui faisait face. Elle se demanda comment il pouvait déjà être debout. Elle regarda l'heure. Midi moins dix.
— Tu viens toujours avec nous à la piscine ou tu veux jouer à la Belle au bois dormant ?
— J'aimerais bien jouer à la Belle au bois dormant, le seul problème, c'est que je n'ai pas de prince charmant et que c'est Quasimodo qui me réveille.
— Bourrique !
— Oui, c'est bon, j'ai quand même encore le droit de plaisanter !
— Bon, tu viens ou pas ?
— Oui, pourquoi ?
— Parce qu'on a rendez-vous à midi et demi devant l'église.
— Ok. Je me lève, soupira-t-elle en se levant presque à regret.
— Occupe-toi de ta toilette et de t'habiller, je vais faire ton sac pendant ce temps-là.
Elle passa dans la salle d'eau attenante à sa chambre.
— Quel maillot tu préfères ?
— Le deux-pièces. Pendant que tu y es, mets un T-shirt dans le sac et sors moi ma robe noire, s'il te plaît.
— Il te faut combien de vêtements pour la journée ?
— La robe pour la journée et le T-shirt pour la piscine.
Comme il avait fini le sac de sa sœur, il s'assit sur le lit et continua à discuter.
— Tu aimes David.
— Non.
— Non ?
— Non.
— Bah, alors ?
— Bah, alors quoi ?
— Tu sors avec lui, si je ne me trompe pas ?
— On a échangé un baiser, c'est tout. Je le trouve mignon et plein de charme, c'est vrai qu'il me plait bien, mais tout ça n'est pas suffisant pour être amoureuse.
Elle sortit de la salle d'eau en sous-vêtements et enfila la robe que son frère avait posée sur le lit tout en continuant de discuter.
— Qu'est-ce qu'il te faut de plus.
— De plus ? Mais beaucoup de chose ! Tu crois peut-être que je m'étais fiancée avec Michaël seulement parce qu'il avait une belle gueule et un joli petit cul ? En fait, c'est un tout, attends, lèves-toi, il n'y avait pas que son physique qui me plaisait. Je le connaissais depuis deux ans quand on est sortis ensemble. Il savait ce que j'avais traversé avec son cousin et je savais qu'il n'était pas en accord avec le comportement d'Hervé. Je ne connais pas David, je ne peux pas l'aimer.
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Une vie, une renaissance
Novela JuvenilToute jeune fille, Alicia vit sa toute première histoire d'amour avec Michaël. Entre études et quotidien, il ne leur est pas toujours facile de trouver du temps pour eux. Heureusement, Céline et David, eux aussi en couple, ainsi que Christophe, part...