Chapitre 19 : Lloyd

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Les chansons défilent, et je garde les yeux rivés sur ce trublion se déhanchant sur la scène alors que les souvenirs de nous, affluent en masse dans mon cerveau.

Comme si sa présence avait rouvert la boîte de Pandore dans laquelle j'avais enfermé tous ces moments. Je les pensais enfouis dans les dédales oubliés et poussiéreux, mais voilà que tout revient.

D'une netteté presque irréelle, je me souviens de tout. Les réveils blottis dans ses bras, les balades à Central Park, main dans la main à parler d'avenir, les prénoms qu'on avait choisi pour nos futurs enfants, les projets de maison avec jardin et puis les disputes, les reproches, les breaks. Mais malgré tout, notre histoire était belle et solide.

Et puis un jour, sans vraiment comprendre pourquoi, les corps se sont progressivement éloignés, moins en demande de l'autre, et tout s'était arrêté comme un nuage de poussière qui retombe sur le sol après avoir été brusquement soulevé par un courant d'air.

Tout se fige, comme je le suis face à sa soudaine réapparition dans ma vie.

Une dernière salve d'applaudissements et le groupe s'avance sur le bord de scène pour saluer son public et là, quand il relève la tête, je le vois, je le sens, son regard émeraude qui accroche le mien pourtant à l'autre bout de la pièce.

Ses sourcils se froncent légèrement et prise d'une subite envie de prendre mes jambes à mon cou, je me lève comme un diable sortant de sa boite, et préviens rapidement Siobhan que j'ai besoin de prendre l'air.

Enfilant mon manteau par-dessus ma veste en jeans, je joue des coudes avec les gens qui se presse vers la sortie et finis essoufflée sur le trottoir frappé par le vent froid de ce mois de février.

Je fais quelques pas, la respiration courte et le malaise de cet échange de regard encore présent sur mon cœur. Je ferme les yeux un instant essayant de faire fuir cet éclat vert gravé sous mes paupières.

— Alexa ?

Un frisson remonte lentement le long de ma colonne en entendant cette voix, sa voix. Je n'ose pas me retourner, je ne veux pas affronter ce nouvel affront du passé.

— J'ai cru que j'avais halluciné quand je t'ai vu dans la salle.

Il me contourne et se pose face à moi, ses bottines sombre entrant dans mon champ de vision.

Un doigt frais délicatement posé sous mon menton pour me forcer à relever la tête et mon cœur rate un nouveau battement quand ses prunelles s'ancrent dans les miennes, si proche, trop proche.

— Ça fait plaisir de te revoir après... wow... Dix ans ? Plus ? Enfin, si longtemps.

Il s'approche et m'étreint rapidement avant de claquer un bisou furtif sur chacune de mes joues alors que je me complais dans mon mutisme.

La grande bavarde que je suis habituellement, se retrouve muette face à son seul grand amour passé. Tyler serait surpris de me voir aussi silencieuse que lui.

J'esquisse un sourire à la pensée du pompier et je crois que Lloyd le prend pour lui puisque qu'il m'envoie un sourire adorable.

Je lui rends, sincèrement cette fois, et rabat mes cheveux en arrière dans un geste nerveux avant de parler enfin.

— Je suis désolé, je m'attendais pas à te recroiser un jour.

Ses yeux pétillent de joie et je remarque les tatouages sur ses mains alors qu'il remet ses boucles en place.

— Il y avait peu de chance en effet, New York est une grande ville mais peut-être que c'est le destin, ou bien une simple coïncidence.

— Je crois que je les collectionne en ce moment.

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