Expérimentation

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Puisque j'avais des pistes à explorer, je voulais absolument tenter l'expérience et il me fallait retrouver mon époux pour cela. Le hasard m'y aida bien. Un soir que la famille regardait la télévision et que je m'efforçais de comprendre une fois de plus la reproduction humaine – cette histoire de volonté m'obsédait – il y eut un reportage (j'avais appris le mot). Ils montraient un homme capturé par d'autres. Sauf que celui-ci se transformait et s'échappait. Cette scène était présentée avec raillerie, je ne compris pas en quoi. J'étais certaine qu'il s'agissait de mon époux, puisque nulle autre espèce ne semblait pouvoir morphoser dans le monde des humains, et ma seule préoccupation fut alors de le retrouver. J'identifiais l'emplacement autant que je pus : observant avec soin le décor de la scène, les personnes présentes, analysant les informations prononcées par la télévision, écoutant les discussions de la famille. L'un dit « tiens, ils ont tourné le clip dans notre ville, on reconnaît le rond-point du Point du Jour ! », cela me suffit.

Dès qu'ils furent allés dormir, je sortis et partis à la recherche du rond-point du Point du Jour, je n'avais aucune idée de ce qu'était cet endroit, mais ça ne m'arrêterait pas. Le mot « rond-point » me disait quelque chose et en cherchant bien, je compris que c'était ces choses qu'il y avait souvent sur la route mais « du Point du Jour », qu'était-ce ? Je fis donc tous les ronds-points de la ville, appelant ma moitié en notre langue, bien que sous la forme d'un chat – je m'étais habituée à cet animal qui voyait fort bien de nuit. Cela ne fut pas fructueux. Je ne repérais même pas l'endroit. Je repris cela toutes les nuits, sans succès.

Puis un soir, la télévision remontra cet homme à nouveau capturé. Mais la scène était différente, ils avaient prévu une sorte de grosse bulle pour prévoir ses métamorphoses. Bien sûr, mon époux passa à travers et s'en fut. Encore une fois, cela provoqua le rire chez les spectateurs, mais j'étais enchantée. Ma recherche fut plus frénétique, je n'abandonnais pas. Le troisième reportage fut plus grave, ils ne riaient plus. Ils avaient trouvé un moyen de capture mon aimé en l'enfermant dans une sorte de bulle rotative, si bien qu'il ne parvenait plus à savoir où aller et n'osait se déplacer. Ils l'emmenèrent en prison – encore un concept nouveau. Mais je savais où il était et je m'y rendis le soir même. J'observais avec soin la structure avec laquelle ils l'avaient enfermé et l'appelai sur plusieurs spectres d'ondes, sans succès. Il ne m'entendait pas à travers cette matière. Je l'observai avec soin, traversant les structures moléculaires du regard et failli m'y perdre dans le mouvement des atomes. Il fallait que cela cesse.

Je trouvai, à force d'observations, l'origine du mouvement, l'énergie était apportée par un long fil noir au sol. Sous ma forme humaine (après tout, eux devaient bien pouvoir le manipuler sans risques), je tirai sur cet étrange fil, d'énergie, tentant de le détacher de la boule géante, sans succès. Après maintes tentatives, j'abandonnai et allai me cacher dans les ombres du plafond, m'inquiétant pour lui. Comment allait-il se nourrir, enfermé là-dedans ? J'y passai beaucoup de temps, tentant diverses choses pour enlever le fil de la boule. Les humains finirent par revenir, j'étais affaiblie et n'imaginais pas l'état de mon époux qui n'avait pas la possibilité de se nourrir. Ils placèrent une boule qui contenait de la nourriture autour et, déconnectant le fil du mur, ils la refermèrent sur la première et la connectèrent, faisant aussi vite que possible. J'avais trouvé sa porte de sortie.

Je patientai calmement et, lorsqu'ils partirent, je descendis. J'avais cherché à détacher le fil de la boule, sans avoir imaginé que la détacher du mur serait tout aussi efficace. Lorsqu'elle s'enleva sans trop de peine, j'exultais. Reprenant ma forme naturelle, je traversai sans peine toutes les couches et retrouvai mon époux. Cela faisait si longtemps que nous étions séparés, je fus surprise des sensations très humaines qui me traversèrent, alors même que je n'avais pas leur corps. J'étais heureuse, soulagée et anxieuse à la fois, je crois. Il me reconnut aussitôt et reprit sa forme naturelle pour se coller à moi. Tiens, lui aussi avait pris des attitudes humaines.

Intra-terriens [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant