Chapitre 1

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Lia regarda une dernière fois sa chambre, cette pièce qui l'avait vu grandir, qu'elle avait transformé au fur et à mesure qu'évoluaient ses goûts. Elle s'approcha du miroir qui l'avait vu changer, qui avait vu son apparence évolué jours après jour, mois après mois, année après année. Elle contempla avec une tristesse visible la discrète barre sur laquelle des marques au feutre noir avaient gravé sa taille dans le bois. Elle à 3 ans. Elle à 4 ans. Elle à 5 ans. Les larmes lui montèrent peu à peu aux yeux lorsqu'elle réalisa que cela n'irait jamais au-delà de ses 12 ans. 12 ans qu'elle venait juste de fêter, le dernier de ses anniversaires auquel avait assisté sa mère. Le dernier auquel elle assisterait jamais. Elle fut alors secouée de sanglots et s'écroula au sol. Plus jamais elle ne verrait sa mère, plus jamais elle ne verrait sa maison, plus jamais elle ne verrait ses quelques amis. Ils avaient d'ailleurs organisé une fête la veille pour lui dire adieu. Pour la réconforter ou lui arracher ne serait-ce qu'un mot. En vain. Depuis la tragédie qui l'avait frappé, elle n'en avait pas prononcé un seul, s'enfermant dans un mutisme volontaire. Elle se calma peu à peu, reprenant son souffle minute après minute, jusqu'à s'être totalement calmé. Elle se releva alors et s'approcha du miroir afin de vérifier si elle était présentable. De ses doigts, elle peigna rapidement ses cheveux ébouriffés et alla dans la salle de bain pour se passer un peu d'eau sur ses yeux rouges. Enfin plus présentable, elle fit le tour de l'autre pièce de l'étage, effleurant ces meubles si familiers du bout des doigts, avec délicatesse comme on caresse un être cher. Ici tout lui rappelait sa mère, celle avec qui elle avait partagé ses journées, celle qu'elle avait aimée. Ouvrant le tiroir de sa table de chevet à la recherche d'un objet quelconque, n'importe quoi ayant appartenu à sa mère qui l'a lui rappellerait, elle trouva son vieux baladeur dont sa mère ne se séparer presque jamais, l'écoutant plusieurs fois par jour. Ces chansons étaient pourtant la seule chose qu'elle n'avait jamais partagée avec sa fille. Elle l'empocha et descendit ensuite dans le salon où l'attendaient ses grands-parents, prêts à partir. Avec un soupir résigné, elle passa la porte sans se retourné et se dirige as sans un mot vers la voiture garée dans l'allée. Elle ne reviendrait jamais ici, elle le savait et le panneau A VENDRE que son grand-père avait planté dans la terre de l'allée ne faisait qu'accroître cette impression. Bien que plutôt petite, cette maison avait beaucoup de charme et Lia ne doutait pas une seule seconde qu'elle trouverait bientôt preneur. Elle soupira tandis que ses grands-parents montaient dans la voiture et hocha la tête lorsque sa grand-mère lui demanda si elle était prête. Alors que la voiture se mettait en marche, son casque sur les oreilles, écoutant la playlist de sa mère, elle se rappela tous les bons moments qu'elles avaient partagé dans cette maison, à deux, isolées du reste du monde, dans leur monde. Les nuits de Noël avec les cadeaux, les terrifiantes soirées d'halloween où on riait bien quand même, les brunchs du dimanche matin (parce qu'il était trop tard pour prendre le petit déjeuner), les journées pluvieuses dans le canapé devant la télé... Toutes ces choses qu'elles ne vivraient plus jamais ensemble, toutes ces choses qui ne seraient plus jamais les mêmes. Des larmes coulant silencieusement sur ses joues, elle s'endormit au son du requiem de Mozart, roulant vers une nouvelle vie dont elle ne savait ni n'espérait plus grand chose.


A suivre...

La jeune fille et la harpeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant