J'en ai marre. Je pense que je lui ai laissé assez de temps pour qu'il puisse réfléchir et prendre du recul. Maintenant il est temps qu'Asher et moi ayons une petite conversation. Trois semaines sans pouvoir lui parler c'est bien trop. Je sens que son regard sur moi n'est plus aussi dur, aujourd'hui il n'est plus en colère, il a juste peur. Je pense qu'il a peur qu'avoir cette conversation avec moi à propos de ce déménagement ne le rende réel. Et dans le fond, ça me terrifie également. Mais plus j'en parle avec Alia et je l'envisage et plus je sais que je le veux. J'espère simplement qu'Asher me suivra.
Lorsque j'arrive pour huit heures au café et que j'aperçois Asher, je me dis soudain que j'ai besoin de préparer ce que je vais lui dire. Pour être claire. Concise. Et précise.
Je veux qu'il comprenne, je veux qu'il me comprenne. C'est mon meilleur ami après tout, il ne devrait vouloir que ce qu'il y a de meilleur pour moi. Je ne veux pas que nous partions fâchés, mais s'il continue à camper sur ses positions, je n'aurai pas le choix. J'ai besoin de recommencer ma vie avec ma famille, Samaé et Alia. De plus, à la fin de l'année j'aurai fini ma licence ici et commencer un master à Lyon est une bonne excuse pour tout reprendre quasiment à zéro dans une nouvelle ville.
J'ai la tête ailleurs. Je suis tellement absorbée par le fond et la forme de mon discours que je n'entends pas la cloche de la porte et ne voit pas les clients s'asseoir à la table dont je m'occupe.
Je sens soudain une douleur dans mes côtes. Axelle m'a donné un coup de coude et me lance un regard du stylé «tu te décides à y aller ?». Je secoue la tête et me dirige tout sourire vers les clients. Une fois leur commande prise, je me reprends. Je ne peux pas laisser cette histoire dégrader mon travail. Je décide alors de prendre des notes de mes pensées lorsque je suis en pauses ou lors de moments creux.
L'affluence des clients ne me laisse pas énormément de moments de creux. C'est particulièrement étonnant. Je me fais la réflexion que nous sommes limites débordés pour trois serveurs. Hélios n'a-t-il pas virés des gens pour raison financière ? C'est du moins ce qui se murmurait à la rentrée. Octave, particulièrement proche du patron et Axelle, en couple avec un renvoyé, nous l'ont affirmé. En plus en l'espace d'un trimestre, Hélios a engagé trois personnes pour en renvoyer le double. Cette situation est quand même bizarre. Mais il faut aussi avouer que je n'ai aucune notion d'économie, je n'ai jamais gérer de commerce ni fait d'études dans ce but là.
Je prends ma première pause, un papier et un crayon. Je réfléchis à tout mes arguments. Le master, le fantôme d'Astéria, mon envie de vivre avec ma fille, mon amour pour Alia, l'envie de nouveauté. Je pense que c'est déjà pas mal. Je mets de l'ordre dans l'importance de ces arguments et ma pause est déjà terminée. Le temps passe trop vite.
Heureusement il passe également vite jusqu'au soir et la fermeture. Tout au long du nettoyage, j'essaie d'entamer la conversation pour tout en regardant mes notes mais à chaque fois j'échoue. Asher me fuit et je bégaie. Cette idée de liste était une mauvaise idée, je n'arrive pas à trouver le courage de sérieusement parler à mon meilleur ami avec la pression de tout dire dans l'ordre et de ne rien oublier.
Asher est parti se changer, il faut que je l'attrape maintenant ou j'aurai raté une occasion en or. Je froisse mes notes et décide que je serai meilleur en improvisant. Lorsque je le vois arriver je me plante devant lui. Il évite mon regard et fait un pas sur le côté pour m'esquiver. Je fais un pas ne même temps que lui pour continuer à lui barrer la route.
« Asher écoute-moi...
— Laisse-moi passer, s'il te plaît, marmonne-t-il en me coupant la parole.
— NON ! J'en ai marre, maintenant tu vas m'écouter. »
Il ne dit rien et fait un pas de l'autre côté. Je l'imite.
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Des Cendres sous les Cieux
General FictionGrâce à Emma, sa meilleure amie, Asher vient de trouver un travail. Sa vie peut recommencer. Enfin... Elle le pourrait si ses secrets ne planaient pas tout autour de lui. Si les secrets de ceux qui l'entourent ne venaient pas se mêler à sa souffranc...