Chapitre 22

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Le lendemain, j'ouvris les yeux lentement. Je passai machinalement une main sur mon cou. Le vampire ne m'avait pas attaqué pendant la nuit. J'observai la pièce. Les murs étaient recouverts de lourds rideaux de velours bordeaux. Des chandeliers éteints décoraient les quatre coins de la pièce qui semblait éclairée par les pierres de la grotte. La lumière n'était pas très vive mais me suffisait pour distinguer les objets. Je repoussai les couvertures et décidai de me lever. Je sorti de la chambre et retournai dans la grande pièce qui surplombait l'eau. Sillonnant à travers le mobilier et les bibelots chancelants, je finis par apercevoir Alexei, de dos. Il était assis, tout près de l'eau. Je m'approchai doucement de lui. Il tenait un crayon dans sa main et semblait griffonner quelque chose sur un papier.

-Couic !

Je sursautai. Une petite souris grise venait de me filer entre les pieds.

Alexei se retourna vers moi.

-Avez-vous bien dormi ? me demanda-t-il.

-Oui, très bien, merci.

Il hocha la tête, l'air satisfait de son hospitalité, et continua de faire courir son crayon sur sa feuille. Je m'approchai donc de lui en prenant bien garde cette fois de vérifier où se posaient mes pieds.

J'arrivai juste derrière lui et me penchai au-dessus de son épaule. Il n'était pas en train d'écrire, mais de croquer un magnifique oiseau.

-Qu'est-ce ? lui demandai-je.

-Un phénix que j'ai vu le mois dernier.

Après tout ce que j'avais vécu, je me doutais qu'il s'agissait bien du légendaire oiseau.

-Il est magnifique...

-Il l'est encore plus en vrai, je vous assure.

-Est-il vrai qu'il puisse renaître de ses cendres ?

-Tout à fait. Celui-ci en est déjà à sa onzième renaissance.

Nous restâmes un moment silencieux, lui dessinant, moi le regardant. Ses traits étaient nets et précis. Il possédait une expérience certaine. Enfin, il arracha la page de son carnet et se leva. Il se dirigea vers une bibliothèque, en sortit une pochette et y rangea le dessin. Il se gratta la tête.

-Comment voulez-vous que l'on fasse pour ce soir ? me demanda-t-il.

-Pour ce soir ?

-Il y a encore un bal ce soir, et vous devez y jouer le rôle de ma mère.

-Mais...

Je n'avais aucune envie de retourner parmi ces gens où je risquai ma vie à chaque seconde. Alexei ne m'avait-il pas sauvé pour me permettre de fuir loin d'ici ?

-Si vous n'y allez pas, mes parents perdront la protection du duc Proklyatyy, et un tas de privilèges. C'est pour cela qu'ils viennent à cette mascarade, je sais qu'ils en ont horreur.

-Vous êtes protégé par le duc, vous aussi ?

-Avez-vous une robe avec vous ?

-Heu... Dans la chambre de votre père. Répondis-je, déconcertée par le changement de sujet.

-Mmm... Alexei se frotta sous le menton, venez, on va voir si on peut vous trouver quelque chose.

Il me fit signe de le suivre et marcha jusqu'à une vieille armoire vieille de près de deux-cent ans. Il l'ouvrit.

-C'est dommage, la robe verte de ma mère vous allait très bien.

-Merci.

Il fouilla dans son armoire, tout en ressortant le nez de temps en temps pour m'observer et imaginer quelques tenues sur moi. Enfin, il sorti une robe rouge sombre, magnifique, mais un peu démodée.

-C'est tout à fait le style de ma mère. Voulez-vous bien l'essayer ? Il y a un miroir dans la chambre.

Il me tendit la robe que me sembla peser une tonne. Je lui obéis et allai enfiler la robe. Elle était très ample et peu pratique. Tout à fait le genre de vêtement que porterait la comtesse, Alexei avait bien raison. Après tout, elle n'était pas si mal. La taille était bien marquée, et le décolleté, bordé de dentelle me plaisait beaucoup. De la musique arriva à mes oreilles. Curieuse de voir Alexei jouer, je sorti de la chambre. Il était là, au centre de la pièce, un violon sur l'épaule. Mais dès qu'il me vit, il baissa son archet.

-Alors, comment vous va-t-elle ?

-Bien, merci.

-Bon, vous pouvez la garder toute la journée, vous aurez moins de risque d'attraper froid. Je suis assez fier de cette grotte, mais elle reste quand même très humide.

J'acquiesçai d'un signe de tête. Il n'avait pas tort, de léger filets d'eau coulaient des parois, et tous les meubles en bois avaient été surélevés.

-Vous habitez ici ? lui demandai-je.

-Oh non, je viens seulement ici de temps en temps, quand les affaires m'y emmènent.

Il replaçait son violon sur son épaule, mais je repris :

-Quelles affaires ?

-Vous êtes du genre curieuse, vous, non ? grimaça-t-il.

-Heu... Je me mordis la lèvre, oui, j'étais curieuse, très curieuse.

Il ne répondit pas à ma question et reprit son morceau. Je m'assis sur un tabouret et l'écoutai jouer.

Après un long moment, il s'arrêta, m'informa que je trouverai des biscuits et de quoi manger sur la table au fond près de l'orgue, et sans crier gare, se volatilisa en brume verdâtre, comme l'avait fait Nikita la veille. Une peur me noua le ventre. Et s'il ne revenait jamais ? et s'il me laissait mourir dans cette grotte ? Non, ça ne collait pas au personnage. Je devais lui faire confiance. Et j'eu raison car il revint, quelques heures plus tard, de la même façon dont il était parti.

-Tout va bien, vous ne vous êtes pas ennuyé ?

-Un peu, mais ça va. Répondis-je.

La vérité était que j'avais tourné en rond pendant des heures comme un lion en cage. J'avais seulement trouvé de la distraction en regardant ses multiples croquis d'animaux magiques en tous genre, licorne, pégases, centaures, phénix, et tant d'autres que je n'avais su nommer.

-Très bien, il est donc temps de retourner au bal.

Il se dirigea vers la gondole, m'aida à y monter. Par chance, ma robe passait, mais c'était tout juste. Nous reprîmes le même chemin que la veille. A nouveau la jument Karakush me prît sur son dos, nous passâmes à travers le même tableau, et nous retournâmes dans le château des mille dangers. Je suivis Alexei dans les couloirs jusqu'à ce qu'il s'arrête. Je levai les yeux. Nikita nous attendait quelques mètres plus loin. 

La morsure des VolkovOù les histoires vivent. Découvrez maintenant