Saltimbanques (5) - Renwyck

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 Il fallut un certain temps à Renwyck pour reconnaître la jeune femme aux rênes de la roulotte. C'était Srâna, la saltimbanque neyemite qu'il avait rencontrée dans les cachots de la Citadelle. Elle-même semblait à la fois surprise et amusée de les trouver sur la route. Qu'ils fussent tous deux sortis du cœur de la forêt, vêtus d'habits déchirés et crasseux, ne paraissait pas l'interpeller outre mesure.

— Le petit Magian et faz Arachide ! s'exclama-t-elle. Nom de Dra !

— Renwyck, corrigea l'intéressé, et Arashi.

Elle balaya la remarque d'un geste, comme si c'était sans importance. Une voix masculine s'éleva alors de l'intérieur de la roulotte :

— Allons donc mon oiselle ! Pourquoi diantre s'arrête-t-on déjà ?

Une tête brune émergea du véhicule pour observer la scène. Il s'agissait d'un homme un peu plus âgé qu'Arashi, à l'air affable et flegmatique. Il n'avait pas la même carnation que Srâna et semblait plutôt de physique aellois. Son petit nez en trompette se plissait de temps à autre et ses yeux noirs pétillaient de malice. Les apercevant, il sortit complètement de la roulotte. Il était vêtu d'un accoutrement tout aussi insolite que celui de Srâna, fait d'étoffes bouffantes plus colorées et moirées les unes que les autres. Il tenait un luth usé à la main. Un troubadour.

— Tiens, tiens, qu'avons-nous là mon oiselle ? demanda-t-il en sautant à terre.

Srâna descendit aussi et résuma les circonstances de sa rencontre avec Renwyck et Arashi. À la façon dont elle en parlait, Renwyck devina que l'homme était déjà au courant de cette histoire.

— Formidable ! s'exclama-t-il. Je suis Orpe, ajouta-t-il en leur tendant la main, et j'ai l'immense honneur d'être à la tête de la Fabuleuse et Fantastique Compagnie des Airs ! Je vous dois une fière chandelle d'avoir tiré mon épouse des cachots de la Citadelle. Les soldats du Château de Nacre peuvent être de vrais cancrelats. Nous avons une sacrée dette envers vous !

Cet homme était donc le mari de Srâna. Étrangement, Renwyck n'avait pas imaginé qu'elle fût mariée. Mais à bien y réfléchir, elle devait être un peu plus âgée que lui, il aurait dû s'en douter.

Derrière eux, une voix cristalline s'éleva de la seconde roulotte, chantant dans une langue mélodieuse que Renwyck ne connaissait pas.

— Ah, celle-là ! marmonna Orpe. Son ut ne passe toujours pas !

Renwyck était un peu perdu. Il se tourna vers Arashi, celui-ci avait le regard complètement vide. Renwyck devait rapidement le soigner.

— Mais où sont nos manières ? enchaîna le troubadour. Laissez-moi vous présenter la troupe ! Vous connaissez déjà Srâna la Harpiste. Entre nous, nous l'appelons plutôt Srâna la Harpie, ajouta-t-il en aparté, à cause de son mauvais caractère...

— Je t'ai entendu, Orpe ! maugréa l'intéressée qui avait en effet sorti une petite harpe dont elle se mit à pincer les cordes.

Orpe les emmena ensuite vers la seconde roulotte, peinte de rouge et de jaune, à côté de laquelle se tenait un troisième membre de la Compagnie.

— Voici Marvin, notre poète en chef !

Un seul mot s'imposa à l'esprit de Renwyck pour décrire le nouveau venu. Un colosse.

Marvin était immense, au moins aussi large qu'un chêne centenaire. Ses bras comme ses jambes avaient l'épaisseur de madriers. Ses mains à l'impressionnante apparence de battoirs semblaient capables de réduire en poussière quoi que ce fût. Cependant, son visage imberbe et lisse ainsi que sa démarche juraient étrangement avec la carrure du personnage. Ses petits yeux d'un bleu très clair brillaient d'une sensibilité presque naïve et sur son crâne rose poussait une touffe de cheveux blonds saugrenue, presque verticale, qui renforçait son apparence enfantine.

L'Herboriste - Les Thaumaturges IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant