Saltimbanques (14) - Niédar

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Ils progressaient dans les souterrains. Tys'Naïa avait allumé sa petite lampe à huile. Niédar n'avait aucune idée du temps alloué par la réserve d'huile. Il n'avait de toute façon aucune intention de s'éterniser dans ces galeries sombres.

    À une intersection, Niédar stoppa la marche. Il s'agenouilla pour dessiner dans la poussière et montrer à ses compagnons son plan. À l'aide d'un rectangle grossier, il désigna le centre-ville d'Hywellwan et d'une croix, l'accès par le campanile. Une autre croix symbolisait le marché aux viandes, plus au sud.

    — L'ancienne citerne sous le marché aux viandes ne nous intéresse pas, car elle est utilisée tous les jours pour le stockage. De ce que je sais, il y en a au moins trois autres sous le centre-ville, expliqua-t-il.

    Il traça dans la poussière trois cercles grossiers. Sous ses doigts, la terre était jaunâtre.

    — Je n'ai aucune idée de l'emplacement exact des anciennes maisons grachéennes au-dessus de nous, admit-il. Il nous faudra couvrir le maximum de terrain. Ouvrez l'œil.

    — Ne traînons pas, recommanda Tys'Naïa.

    Sa voix trahissait sa nervosité.

    Niédar effaça son plan rudimentaire d'un coup de botte et examina les boyaux devant eux. Il y en avait trois. Il imaginait assez bien le marché aux viandes droit devant eux vers le sud. Cela leur laissait une galerie allant vers le sud-ouest et une autre vers l'ouest. Il opta pour cette dernière. Il marchait d'un pas rapide, poussant Tys'Naïa devant lui pour éclairer les parois. Au bout d'un moment, il se sentit déboussolé. Il ne savait pas depuis combien de temps ils étaient descendus dans les souterrains. Quand ils croisaient d'autres intersections, Niédar tentait de conserver la direction prise au départ.

    — Nous aurions dû dessiner une carte, remarqua Naarn.

    — Nous aurions dû, en effet, lui répondit sèchement Niédar, furieux de ne pas y avoir pensé.

    De toute façon, aucun d'entre eux n'avait de quoi prendre des notes. Et s'ils restaient coincés indéfiniment dans ces souterrains maudits ? Tout à cette pensée qui l'enrageait et l'effrayait, Niédar remarqua un changement dans la luminosité. Une odeur d'humidité fit son apparition, ténue, puis plus marquée. La délicate musique de l'eau qui s'écoule devint également audible.

    — Vous sentez ? demanda Tys'Naïa.

    La galerie déboucha après un coude en haut d'une salle souterraine carrée. Elle était en partie éclairée par quatre bouches d'égout grillagées au plafond. Un petit escalier descendait de la galerie jusqu'au sol. Celui-ci était couvert de carreaux verts et blancs, mais surtout, il était inondé. L'eau ne stagnait pas, elle arrivait par un trou dans le mur et devait s'écouler quelque part. À l'opposé de leur galerie, un autre escalier menait vers une possible sortie.

    Tys'Naïa souffla sa lampe, pour économiser l'huile. Ils y voyaient clair grâce à la lumière du dehors. Ils se trouvaient de toute évidence dans une des anciennes citernes. Elle entreprit d'examiner de près, bientôt imitée par son frère et Niédar. Leurs pas créaient des remous dans les eaux calmes. Les éclaboussures devenaient des bruits étranges, un peu fantomatiques. Une fois de plus, Niédar sentit l'impatience le gagner. Que cherchaient-ils exactement ? Comment trouver l'emplacement de la tombe de son ancêtre ? Et si cette tombe avait déjà été découverte et pillée ? Après tout, ils n'étaient certainement pas les premiers à s'aventurer dans ces souterrains.

    Les murs de pierre montraient que la citerne avait été creusée dans la roche, sans s'embarrasser d'embellir celle-ci une fois le carrelage posé. Des visiteurs avaient laissé quelques graffitis.

    — Ici, appela Naarn. Je pense que ce sont des indications.

    Niédar se hâta de le rejoindre, projetant de nombreuses éclaboussures dans son sillage. Sur le mur avaient été gravés des formes géométriques et de petits lettrages devenus illisibles avec le temps.

    — Ça ressemble à un plan, dit Naarn.

    Niédar pointa du doigt un carré sur la gauche.

    — Ce pourrait être l'endroit où nous nous trouvons, analysa-t-il. Nous sommes allés vers l'ouest et cette pièce correspond à cette forme.

    — Alors, en déduisit Naarn, au moins une autre citerne est accessible en suivant ces lignes qui doivent être les conduits. Elle est plus petite mais un seul chemin y mène.

    Ce qui en faisait une bonne candidate pour abriter un tombeau. À l'époque, il devait être plus facile d'en surveiller les entrées. Niédar se sentit redynamisé par cette possibilité. Touchait-il au but ? Il ne fallait cependant écarter aucune piste. Ils finirent donc de fouiller les parois de cette première citerne avant de s'aventurer dans la nouvelle galerie.

    Celle-ci suivait une pente douce qui descendait vers le sud. Niédar n'en était pas sûr, mais ils devaient toujours se trouver sous le centre-ville. Ils pourraient revenir sur leur pas s'ils étaient perdus pour consulter à nouveau le plan, faute de pouvoir le recopier quelque part. Tys'Naïa ralluma vite sa lampe. Niédar remarqua qu'elle la tenait d'une poigne crispée et raide. L'Aranéenne, d'ordinaire plus volubile, ne disait rien depuis un certain temps.

    La deuxième citerne était bien plus petite. Aucune lumière n'y parvenait. De forme irrégulière, elle était asséchée. Le bas des murs avait gardé la trace d'une certaine hauteur d'eau. Niédar s'empara de la lampe de Tys'Naïa, sans s'émouvoir des protestations de cette dernière. À l'aide de cette petite source lumineuse, il fit le tour de la modeste salle. Il sentait la sueur perler à son front. La colère s'accumulait au creux de sa poitrine, comme un poids électrique. Rien. Et s'ils s'étaient fourvoyés depuis le début ? Et si Naarn avait manqué quelque chose dans les registres ? Ils perdaient leur temps dans ces trous à rats ! Un cri de rage était bloqué au fond de sa gorge.

— Il reste au moins une citerne, dit Naarn d'un ton qu'il espérait peut-être encourageant.

    Niédar ne répondit pas. Il avait envie de frapper quelqu'un et l'Aranéen commençait à ressembler à un candidat engageant. Il abordait la dernière portion de mur qu'il n'avait pas encore inspectée. C'est alors qu'il se rendit compte qu'il n'y avait pas de graffitis dans cette citerne. C'était explicable en partie par l'absence de lumière naturelle. Mais là, sous ses yeux, un dessin avait été gravé. Un dessin très ancien, en creux, encore distinguable : trois cercles concentriques chargés de symboles astraux qui entouraient une surface lisse.

La forme du thalargos.

L'Herboriste - Les Thaumaturges IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant