CHAPITRE 3 - Zoé [1|3]

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On ne m'avait jamais préparé à éprouver cette multitude d'émotions, à ressentir à la fois tristesse, peur, colère et écœurement. La gorge nouée, je percevais la boule qui persistait dans mon ventre et la rage qui bouillonnait au fond de moi.

De toutes, l'angoisse était la pire, la plus vicieuse. Elle s'insinuait dans mes pensées, s'engouffrait dans mon esprit, tel un nuage toxique et mortel. Je ne savais ni comment m'en défaire, ni comment la diminuer. Elle restait accrochée, aspirant, à l'image d'une sangsue, toute mon énergie.

Je me sentais si faible, si vulnérable, si limitée dans cette prison de verre. Rien que pour ça, je n'étais pas certaine d'être capable de rester debout encore plus longtemps. Aussi me laissai-je glisser contre le mur, au milieu de ces quatre parois qui me cerclaient, les pensées en vrac et mon hypersensibilité à fleur de peau.

Assise sur le dallage froid, je laissai les sanglots m'envahir. Alors notre vie se résumait à ça ? Fuir, réussir, échouer et se retrouver prisonniers, encore et encore ? Quand est-ce que cette existence de parias prendrait fin ?

Je me lovai, telle une enfant apeurée par le croque-mitaine qui se cachait sous son lit. Certes, je n'avais aucun matelas ici, mais, le monstre existait bel et bien. Segger avait gagné cette bataille, volé nos libertés et, tel un cercle vicieux, nous avait conduit de nouveau à la Sigma Corpse.

Je pleurais en silence, bien trop affectée par cette réalité. Qu'avait-il bien pu se passer exactement ? Je me souvenais cette motivation, inébranlable, et cette impulsion qui m'avait animé comme jamais pour sauver Lise. Avais-je, par ma faute, plongé mes amis dans cet enfer ?

Les larmes roulaient sur mes joues sans que je puisse rien contrôler, inondant ma peau brûlante de leur sapidité salée.

À quoi bon risquer sa vie ainsi pour une telle finalité ?

L'anxiété, insidieuse, me vrilla de nouveau l'estomac. Je ne savais même pas si mes agissements avaient protégé mes amis ou si je les avais précipité vers la mort. À cette idée, le goût âcre de la bile me remonta dans la gorge, tandis que j'étais prise de hauts-le-cœur. L'envie de vomir fut, à cet instant, irrépressible et impérieuse, mais rien ne vint. J'avais le sentiment d'être vide, incomplète, comme si j'avais oublié depuis longtemps d'écouter mon âme et mon souffle de vie.

Le cœur au bord des lèvres à cause de ma situation, je réprimai un ultime sanglot. Je ne pouvais pas rester ainsi à m'apitoyer sur mon sort. Il fallait que je m'échappe et retrouve mes semblables.

Je me redressai, déterminée. D'un bref regard sur mes mains, je décelai les ecchymoses et griffures dues à nos années passées en forêt.

Elles m'évoquaient les aventures trépidantes que nous vivions dans les bois, nos innombrables chutes, nos rires, nos pleurs, nos baisses de morale, nos bourrades amicales et cette complicité qui était la nôtre.

Ces blessures du passé me remémoraient toutes ces journées et ces nuits que nous partagions ensemble avec simplicité, avant la venue des soldats de Segger. Ces heures qui n'appartenaient qu'à nous, que l'on laissait défiler en oubliant la réalité de notre condition et la dure vérité sur nos vies. Je me détournai de ces meurtrissures et fermai les yeux, réveillant ce don qui me rendait si unique.

Une chaleur m'irradia, comme un agréable rayon de soleil, et je rouvris les paupières : une petite flammèche brûlait au creux de mes paumes jointes, me rappelant ces jours où Aldo et Rex m'apprenaient encore à maîtriser mes aptitudes.

J'avais l'impression que cela remontait à des années. Pourtant, seuls quelques mois s'étaient écoulés depuis cet instant-là et je me sentais presque nostalgique de la douceur de ce moment. Je fis disparaître ce minuscule foyer de flammes et laissai les souvenirs noyer ma mémoire.

Je m'en voulais d'avoir joué avant-hier les effrontés, de m'être mise en tête que j'étais assez forte et assez futée pour sauver mon jeune frère. Ma responsabilité face à ce cuisant échec m'étouffait : Raphaël se trouvait quelque part dans ce centre, prisonnier et complètement seul. Si je n'avais pas pris de tels risques, nous ne serions sûrement pas enfermés ici. Je me sentais tellement coupable d'avoir agi aussi sottement.

Malgré cela, je ne voulais pas cesser de croire en chacun. On méritait tous de vivre, même avec nos erreurs, même avec nos actes injustifiables. Il n'était pas impossible de se racheter, de se faire pardonner.

En repensant à ma stupidité, je me remémorai cette atypique confrontation. Quelque chose n'était pas logique et je savais que je n'étais pas la seule à le penser.

Segger s'était servi d'un émetteur ultrason pour nous tracer jusque dans notre campement. Comment avait-il pu néanmoins l'accrocher à mes vêtements alors même que je ne l'avais pas croisé ? Cela n'avait aucun sens ! Le doute m'envahit subitement et je faillis hurler face à l'incompréhension qui m'emplissait.

Les seules personnes que j'avais rencontré étaient Néo et l'agent Landford. Mais, l'un comme l'autre, ils n'avaient, à mon sens, aucune raison d'agir sous les ordres de Segger. De par son statut de Sigma, Néo avait attiré l'intérêt de ce Diable et en avait déjà bien assez souffert. Erik, de son côté, avait perdu sa compagne par la faute de cet homme et lui vouait donc une animosité sans égal.

J'étais submergée par mon impuissance, si bien que je me mis à émettre des suppositions toutes plus folles les unes que les autres. Était-ce Loan qui m'avait suivi avec son invisibilité ? Aurait-il pu retourner sa veste ? Je n'y croyais pas une seule seconde.

Mais alors qui cela pouvait-il bien être ?

Un autre Sigma profitant de ces pouvoirs pour semer la discorde et répandre la confusion dans notre équipe de révolutionnaires ?

J'avais le sentiment que je n'aurais jamais la réponse...

SIGMA ENERGY - T2 - Le Brasier de la RébellionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant