Il y a des heures où l'on ferait mieux de dormir, d'autres où il serait préférable de rester éveillé. Mais que se passe-t-il quand les deux arrivent en même temps ?
Un, deux, trois... Un, deux, trois...
Les pieds de papa battent la mesure tandis que le générique du film défile.
Un, deux, trois... Un, deux...
Réprimant un bâillement, je me tourne vers la grande horloge du salon.
Un, deux...
C'est bientôt l'heure...
Un, deux...
J'observe comme hypnotisé le va-et-vient régulier du pendule.
Un...
Les tic-tacs de l'aiguille finissent par me bercer doucement.
Deux...
Mes paupières se font lourdes.
Un...
J'entraperçois le sourire tendre de ma mère puis un baiser vient se poser sur mon front.
Deux...
Malgré l'obscurité dans laquelle je sombre, la musique continue.
Un, deux, trois... Un, deux, trois...
Dans le noir, la musique s'intensifie.
Un, deux, trois... Un, deux, trois...
J'entends des murmures et des éclats de rire. D'où viennent-ils ?
Un, deux, trois... Un...
Soudain, une porte apparaît devant moi. Dorée et gigantesque. Lentement, la porte s'ouvre pour laisser filer un rayon de lumière aveuglant. Devant moi s'étend une immense pièce aux murs étincelants au milieu de laquelle tournoient d'élégants danseurs.
Un, deux, trois...
Des dizaines d'hommes et de femmes qui dansent et qui rient, faisant virevolter leurs capes et leurs robes en rythme.
Un, deux, trois... Un, deux, trois...
Émerveillé, je m'avance à travers la grande salle marbrée, esquivant coudes et jupons.
Un, deux, trois... Un, deux, trois...
Autour de moi, les éclats de joie résonnent de plus belle mais quelque chose d'autre attire mon attention.
Un...
Une femme se tient au milieu de la piste de danse, seule. Elle pleure mais personne ne la remarque.
Deux...
Je m'approche et lui souris. Ses deux yeux embués de larmes m'observent en silence.
— Pourquoi tu pleures ?
Trois...
La musique s'arrête brusquement à ma question. Plus personne ne danse, ni ne rit. Les dizaines de visages sont tous tournés vers moi. Devenus immobiles, les danseurs me jaugent d'un regard noir et accusateur. Et quand je me tourne vers la femme solitaire pour chercher une réponse, celle-ci me contemple avec de grands yeux d'un gris presque transparent. Doucement, elle entrouvre le haut de son chemisier et mes yeux s'écarquillent en apercevant le trou béant au-dessus de sa poitrine.
— Parce que je suis morte, mon petit.
Terrifié par cette vision sanglante, je fais demi-tour et cours en direction de la grande porte dorée mais un danseur me barre le passage.
L'homme est rejoint par ses camarades et, bientôt, une ribambelle de costumes et de robes m'entoure. La musique, elle, reprend sa rengaine.
Un, deux, trois... Un, deux, trois...
Le tempo s'accélère tandis que le cercle se resserre sur moi.
Un, deux, trois... Un, deux, trois... Un, deux, trois...
Dans mon dos, la femme s'avance lentement, caressant la bague à son doigt.
— On venait de se marier, dit-elle en souriant tristement.
Puis son sourire s'efface et sa belle robe prend soudain une teinte sombre. Autour de nous, les danseurs commencent à tournoyer dans un rythme effréné.
Un, deux, trois... Un, deux, trois... Un, deux, trois... Un, deux, trois...
Je leur hurle d'arrêter, de me laisser passer, de m'aider mais rien n'y fait. Ils continuent de tourner et la triste mariée continue d'avancer. Je sens déjà son souffle glacé sur mon cou.
— Jusqu'à ce que la mort nous sépare.
Je me retourne juste à temps pour observer avec horreur la femme tendre une main pâle et crochue vers moi. Je l'esquive et cours dans la direction opposée. Dans ma poitrine, mon cœur bat la chamade.
Un, deux, trois... Un, deux... Un, deux, trois, quatre, cinq... Un...
— Haha... Hahaha... HAHAHAHAHA !
Devant mes yeux, la mariée se met à rire. Son rire est si malfaisant et dérangeant que je finis par me recroqueviller au sol et me couvrir les oreilles. Je ferme les yeux de toutes mes forces, espérant enfin me réveiller.
— Il n'y a aucune raison d'avoir peur, mon ange, murmure-t-elle tout près de mon visage. N'est-ce pas le plus beau jour de ta vie ?
Tout mon corps tremble de terreur tandis que je tente de rester serein.
Inspire.
Un, deux, trois...
Expire.
Un, deux, trois...
Inspire.
Un, deux, trois...
Plus rien. Plus de musique, plus de rire, plus rien. Le silence. Pourtant les échos de la fête résonnent encore dans ma tête. Mais malgré le soulagement que m'offre d'abord ce calme soudain, l'inquiétude me gagne rapidement. La respiration haletante, je relève lentement la tête. Que se passe-t-il ? Le cauchemar est-il fini ?
J'ouvre les yeux dans un, deux...
Trois !
À quelques centimètres de mon visage, des orbites d'un noir profond me scrutent, laissant échapper des larmes écarlates.
— Bouh.
Je n'ai pas le temps de crier d'effroi que je sens quelque chose plonger dans ma poitrine, droit sur mon cœur. Je hurle mais aucun son ne sort de ma bouche. Les lumières de la pièce tournent et je me sens tomber au sol.
Un...
Deux...
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Encore un cauchemar ? | Nouvelle
HorrorIl y a des heures où l'on ferait mieux de dormir, d'autres où il serait préférable de rester éveillé. Mais que se passe-t-il quand les deux arrivent en même temps ? Vous prendrez bien un petit cauchemar avant de vous coucher ? Une nouvelle en 4 par...