Prologue

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Putain j'en ai ras le cul du sable. A la longue il finit par rentrer partout dans les chaussures, les sous-vêtements et le plus important dans les armes. Même si j'ai l'habitude, je hais le sable. Encore que si il n'y avait que ces grains de poussière mais il y a aussi cette chaleur étouffante avec ces putains de treillis et nos gilets par balle.

Je hais ce putain de pays mais l'Oncle Sam a décidé que nous devions être là, donc nous sommes là !

- " Putain, avance, Sean !" Me gueule mon meilleur pote, Justin. C'est aussi mon binôme, mon sniper.

Nous sommes en train d'escalader un flan d'une des nombreuses montagnes d'Afghanistan. Malgré tout, le paysage est magnifique, à couper le souffle mais je ne perds pas l'objectif de notre mission, abattre un enculé de chef de guerre, qui depuis des mois butte mes frères d'armes.

- " Arrête de faire du tourisme, avance !

- Je t'emmerde!"

Je vois mon double hausser le sourcil, je sens que je vais me prendre une soufflante.

- "Sérieux, c'est notre dernière mission, ne traîne pas des pieds.

- J'aimerais bien te voir à ma place. Je suis chargé comme un sherpa.

- Eh! Ce n'est pas de ma faute si tu as choisi d'être un spotter.

- Je n'ai pas eu le choix, ducon !" Il faut que je vous explique.

Nous étions en concurrence pour être le sniper de notre unité mais pour être honnête, je le voulais moins que lui. Il a gagné la place sur le dernier test. Vous pensez que c'est volontaire? Non la seule poussière dans la pièce m'a sauté dans l'œil. Admettez que pour lire une carte ce n'est pas pratique !

Enfin bref, je me retrouve ici, chargé comme un mulet par 40°C à l'ombre, à flan de colline avec mon pote. Dire qu'on en chie est un euphémisme, c'est l'enfer sur terre.

Un Apache déchire le silence avec le bruit de ses pales et de ses balles. Nous levons les yeux au ciel. Putain, les cons! Ils vont nous faire remarquer.

Justin me signale de me coucher et de me terrer. Comme-si on n'avait pas encore bouffé assez de poussière. D'un même homme on tire nos camouflages pour passer inaperçus. Je connais par cœur les consignes: ne pas bouger et attendre la nuit en mode silence.

Bon on a juste 4 heures devant nous, c'est pas trop long. Tout juste assez pour faire une sieste, même si ce n'est pas le meilleur endroit pour ça. On profite de chaque instant pour recharger les batteries, ne sachant jamais ce que l'avenir nous réserve. Je n'oublie pas de régler une alarme en mode vibreur sur ma montre et c'est parti pour un petit roupillon, sur une oreille seulement.

La plupart du temps mes rêves sont vides, je ne veux pas penser aux vies que j'ai prises même si chaque balles dont j'ai contribué a être tirées étaient parfaitement justifiées, c'est comme-même dur pour les proches qui restent. J'en sais quelque chose pour l'avoir vécu.

Bon je ne vais pas rentrer dans les détails mais dans la vie je n'ai pas forcement tiré les meilleures cartes. Je ne veux pas faire chialer dans les chaumières mais je ne suis pas un gosse de riche mais plutôt un orphelin d'une œuvre de bienfaisance catholique. Tout ce que je sais c'est que mon vieux s'est fait buter avant que je puisse m'en souvenir et la pute qui m'a servie de génitrice a eu la bonne idée de clamser d'une overdose quand j'avais 5 ans.

Quand je travaille, j'essaie de penser seulement aux vies que je peux sauver.

L'attente semble s'éterniser et la nuit commence à tomber. Dès que cette dernière pointe totalement, on se remet en mouvement. Pour pouvoir avancer on enfile nos lunettes infrarouges et nous sommes parés pour un trek en haute montagne dans un pays hostile. Tout ce que j'aime enfin de compte.

Après une bonne heure de crapahutage sur notre terrain de jeu favori, nous arrivons sur le site de notre mission.

Nous nous installons aussi confortablement que possible et attendons que notre cible bouge. Mais je ne sais pas, il y a un truc qui cloche.

- "Tu le sens aussi?

- Yep! Je sens que ça pue la merde."

Je vous ai déjà dis que nous nous complétions et nous formions qu'un, non ?. Si bien que les autres mecs pensent que nous sommes des bouffeurs de bite, ce qui est totalement faux. Notre truc c'est le partage de meufs.

Pour revenir à nos moutons, il y a un truc qui ne colle pas.

- " T'es sûr des infos?

- Yep, comme d'hab !

- Ok!" Je suis sceptique. Mon instinct ne me trompe jamais et je l'écoute à chaque fois. Mais là je n'ai pas le choix.

Je me reconcentre sur le dernier bulletin météo tout droit venu des satellites de l'Oncle Sam. Je sors ma petite station météo pour contrôler la force du vent, sa direction la pression atmosphérique. Enfin bref, je fais tout le sale boulot pour que mon pote en tire tous les lauriers, non je plaisante. Lui n'a pas le droit à l'erreur. De son tir dépend nos vies.

Je lui communique les derniers relevés. Je jette un dernier coup d'œil dans ma lunette. Et je suis surpris par ce que je vois.

Quand je vous disais que je ne sentais pas cette mission, je ne me suis pas gouré. La scène qui se déroule sous mes yeux me laisse sans voix. A la base nous avions pour mission de buter un chef Taliban qui coordonnait des attentats à la fois contre nos soldats sur place et à la fois dans les pays des forces alliés, c'est pour vous dire que la cible est prioritaire.

Je vois bien notre cible mais entourée de villageois qui ressemblent à un gilet par balles humain. Ce fils de pute a même pris des gosses. Putain !

D'ici les otages ont l'air d'être en guenille et sous alimentées.

Ça doit faire de mois qu'ils sont retenus, comment l'état major a pu louper ça ?

Je jette un coup d'œil à Justin. Lui aussi à l'air d'être surpris. Comme on ne peut pas joindre l'état major nous sommes seuls au monde. Les ordres reçus sont clairs et nets, on doit l'abattre coûte que coûte.

Une chape de béton s'écroule sur mes épaules. On a encore moins le droit à l'erreur que d'habitude. Je n'ai pas envie d'avoir sur la conscience la mort de gosses. J'ai des valeurs, bordel !!

Je vérifie une dernière fois les éléments donnés par ma station météo, fais les derniers calculs avant de donner les éléments pour que Justin règle son tir. Ce dernier s'exécute et tire. Les quelques secondes qui s'égrainent entre le tir réel et l'impact, nous paraissent à chaque fois une éternité. C'est un peu comme jouer au loto. On attend le tirage des boules, parfois on tape dans le mille, parfois non, et là c'est le cas.

-    « Putain ! » Malgré le silence radio imposée, je ne peux pas m'empêcher de gueuler.

Notre cauchemar prend forme au moment où la balle traverse de part en part la boîte crânienne d'une petite fille. Le temps que le projectile parcoure son chemin, notre petite victime s'est retrouvée entre nous et notre cible.

Mon mouvement nous a fait repérer et nous sommes arrosés d'une pluie de balle.

-    « Tu fais chier, Sean. Couvre-moi,, je vais retenter un dernier tir. »

Je dégaine mon fusil mitrailleur et tire en tentant de protéger mon binôme. Justin doit faire sans mes indications et surtout faire ça fissa avant que la fenêtre de tir ne se referme.

Je ne sais pas si je vous l'ai déjà dit mais mon sniper est le meilleur au monde, la preuve il arrive à buter notre cible malgré le chaos ambiant.

-    « On lève le camp ! »

Sans demander notre reste, on profite de deux secondes de surprise pour fuir comme des lapins.

On courre jusqu'à perdre haleine et on va se planquer dans une crevasse le temps que ça se tasse un peu.

Pour ne prendre aucun risque, on ne parle pas juste nos regards trahissent l'horreur que nous venons de vivre.

Et franchement, je crois que notre dernière mission va nous hanter longtemps.

Helhest M.C. Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant